Bisaïeule
Je dois rester loin d’Alice sinon je vais fusionner à nouveau et m’oublier. Gabrielle et Sandrine ont bien fait de garder leurs distances avec leurs doubles. Je refais surface peu à peu. Mon arrière petit-fils est là, devant moi et il me surveille avec ses grands yeux bleus. Il m’a vue disparaître et il m’a vue revenir et maintenant il ne me lâche plus, surtout depuis que Vincenzo est parti avec sa sœur, Maëlle, mon arrière petite fille, les enfants de Solène. Maëlle, elle m’a l’air bien étrange :
- Aline, je suis venu te prendre Vincenzo, il n’a rien à faire avec toi. Et je te confie Willem, je ne suis pas du tout pour mais il a besoin de toi pour aller au bout de son histoire et avancer ensuite, seul.
J’en parle à Willem et il me raconte :
- Maëlle est dans l’Invisible, moi je ne vois que le présent, avec toi.
Il est aux petits soins. Il me lève, il me lave, il me fait à manger, il me sort, il m’occupe et il me couche. Et ainsi de suite. Et au milieu de ces rituels je reprends ma vie sociale, ici à Sylvania, avec les autres expatriés de l’Ouest, à la Caserne, autour de Greta. Et quand je rentre il est là à m’attendre, il me saute dans les bras, il appuie son visage sur ma poitrine, je suis encore sous l’effet du philtre, vulnérable, tout à lui, et il le sait, il en profite et je le laisse faire. Des bisous dans le cou, sur les joues, au coin des lèvres, sur la bouche. Et on mange. Et on se lave. Et on se couche. Et il reste avec moi à m’embrasser, me caresser, se glisser dans les draps, se frotter contre moi, se soulager sur mes cuisses et s’endormir sur mon ventre. J’ai déjà connu ça quand j’étais une jeune femme sur Terre. Mais il n’était pas de ma lignée. Quand on se réveille je lui dit plein de belles choses.
Maëlle vient me voir et je lui raconte :
- Et chaque jour il reste, et chaque jour on recommence. À chaque fois un peu plus. Je le laisse maintenant rentrer en moi. Je sais, on sait, tu sais que ce n’est pas bien. Que ça aurait du s’arrêter là. Mais ça n’est pas le cas. Et je commence à aimer ça.
Maëlle est tellement choquée qu’elle doit s’asseoir et elle respire fort en regardant dans le vide. Elle se reprend :
- C’est à cause de la fusion. Ton histoire sentimentale, intime, se répète. C’est un écho. Mais je sais, je sens, que Willem est sincère et pur dans son Amour pour toi. Moi j’ai le I, lui il a le S et le A. J’aurais dû le voir mais je me le suis caché, au fond je pense que je voulais que tout ça arrive, parce que je suis en accord avec tout ce qu’il veut. C’est mon frère, jumeau. Heureusement rien ne dure. Ça va finir par lui passer, par vous passer, et chacun de votre côté vous pourrez avancer. Maintenant il faut que je rentre. Ton Vincenzo m’attend. Au début je n’était là que pour le sauver mais maintenant je me suis habituée à lui. Je crois même qu’il fait partie de moi maintenant, de mon histoire. Il me construit et je le construis. On se sent exister, ensemble.
- La prochaine fois, viens avec lui, un jour où Willem est là. Il me reste un peu de philtre.
Elle est surprise de ma proposition. Elle intègre et répond :
- C’est trop tôt. Il n’est pas encore prêt. Moi non plus. Où est Willem ?
- Il est à la Mairie pour notre administration. Je dois le rejoindre pour percevoir mes documents.
- Je peux t’accompagner ?
*
Pendant que je perçois mes nouvelles cartes officielles assise au bureau de l’accueil, Maëlle discute avec Rachel de façon très détendue, elles ont l’air de bien se connaître. Je le sens arriver derrière moi. Il me fais une bise sur la joue et pose sa main sur mon épaule. Je ferme les yeux et je sens son amour.
- Maëlle est là ?
- Oui elle est venue à la maison. On a discuté.
Il enlève sa main de mon épaule. Je me lève et je le prends tendrement dans mes bras.
- Tout va bien mon chéri.
Je l’embrasse sur le front. Je récupère mes documents et on va les rejoindre pour remercier Rachel. Je range un à un les documents dans mon sac. Je regarde ma ID card. Je touche mes cheveux pour vérifier. C’est étrange. J’ai les cheveux naturellement ondulés normalement. J’ai dû perdre des trucs en route dans la dé-fusion. Avec Alice on a pas fini de faire tous les exercices. Je retourne la carte. Il y a un autre problème. Dans mes bio datas. C’est quoi ce O moins ? Je suis A plus. Rachel me demande :
- Il y a un problème ?
- J’ai changé de groupe sanguin, entre autres. Je vais voir ça avec Alice.
*
On rentre à la maison avec Willem, il me prend par la main, je lui souris. Je passe à la salle de bain et je sors le convecteur. Juste quelques applications et mes cheveux se bouclent. Je me ressemble plus. Je regarde mes dents. Elles sont parfaites mais plus qu’avant. Je regarde à nouveau l’ID et je la présente au miroir :
- Qui es-tu Aline Leclère ? Tu n’es plus Alice Clerc.
Je vois une étiquette briller sur l’arrière de la carte. Il y a des lettres fantômes dessus. Je la mets en éclairage frisant : COD-GEN. Willem arrive derrière moi et m’enlace, je sens ses mains sur mon ventre. Je me sens bien dans ses bras. Je tortille mon popotin et je lui fais remarquer que :
- Tu as grandi mon petit.
- Je veux être à ta hauteur. Jolie coiffure.
Je ferme les yeux. Je me sens si bien. Ses mains remontent vers mes seins. Il m’embrasse la nuque. Je fonds dans la douceur de ses caresses. Je l’entraîne vers le lit et je me mets à quatre pattes dessus. Il soulève ma nuisette et je me cambre. Il répond à l’invitation, d’abord avec sa bouche entre mes fesses, ensuite plus bas avec…
*
Le généticien pose mon ID sur le lecteur. L’écran de gauche s’allume avec mes données. Je serre la main de Willem. Il m’embrasse sur la joue.
- Je vais d’abord comparer avec vos données sources de 2057.
Elles s’affichent sur l’écran de droite. Il appuie sur une touche pour mettre les différences en surbrillance. Quelques séquences se mettent en surbrillance sur l’écran de droite et ensuite elles sont soulignées sur l’écran de gauche.
- Qu’est ce que ça veut dire ?
- Il y a eu des mutations. Pas beaucoup. Mais à des endroits stratégiques. La nature aurait été moins précise, même à long terme. On dirait des traces de chirurgie génétique. C’est du beau travail. Fais par une intelligence. Elle a laissé des indices. Des mutations à des endroits non stratégiques. C’est peut-être une signature.
- Willem, sors ta carte. On peut comparer avec lui ?
Il prend la carte et allume un troisième écran. On entend le bip du scan.
- Qu’est ce qu’on compare exactement ?
- La filiation. Avec les deux écrans.
Il tapote sur son clavier.
- Correspondance à trois générations avec l’écran de 2057.
- Et avec celui de gauche ?
- Ça ne fonctionne pas. Je relance. Rien.
On se regarde avec Willem et je vois dans ses yeux comme un espoir absolu d’Amour. Un bonheur immense m’envahit. Je généticien se tourne vers nous et demande :
- Est-ce que je peux publier ces résultats ?
- Oui mais on n’a pas fini. Affichez le profil d’Alice Clerc.
Il va chercher deux écrans supplémentaires. Se connecte au réseau. Charge le profil d’Alice et lance les comparaisons.
- Alors ?
- Avec les bio-datas de 2057, vous êtes comme des sœurs. Aujourd’hui, vous n’êtes plus que des cousines, éloignées, au moins au troisième degré.
J’embrasse Willem sur la bouche.
- Merci la fusion.
*
On est nus l’un contre l’autre dans notre lit, dans notre maison, dans le quartier résidentiel du centre de Sylvania.
- Alors ?
- C’est un peu moins excitant, mais tu es tellement belle.
- Je vais compenser ton manque de l’interdit.
Je descends le stimuler avec ma bouche je le regarde droit dans les yeux. Il ose soutenir mon regard à présent.
- Aline… doucement.
- Non mon petit, maintenant je veux te sentir entre mes fesses.
Et pendant qu’il s’affaire et que je le sens rentrer timidement, je lui cris :
- Vas-y mon petit, marque ton territoire.
Jamais je n’avais ressenti autant de plaisir de cette façon. Je me donne à lui entièrement, je lui appartiens, je veux qu’il laisse sa marque sur moi et en moi.
- Plus fort ! Griffe-moi. Mords-moi !
*
J’en vibre encore, échouée les bras en croix, par terre sur les couvertures, on est tombés du lit. Je trouve sa main et je lui dis :
- Je t’aime mon ex arrière petit.
- Will aime Aline.
- Alinem Will.
Et il revient sur moi admirer tout ce quoi il a droit.
- Je peux t’aimer de toutes les façon pour toujours, mémé Line mon aimée.
- Prends-moi et bouffe moi la touffe, ceci est mon corps, livré pour toi. Ensemence-moi de ta semence, le fruit de notre Amour sera une fille, on l’appellera Émeline. Elle aura ma nouvelle génétique venue de nulle part avec la tienne qui était mienne elle en aura une part.
Et on se mélange encore et encore. C’est quand même bizarre cette obsession de la maternité, comme si on était encore mortels. Et avec la fusion j’ai été reprogrammée. Mais pas pour ça. J’ai toujours envie de faire l’amour et des bébés, et d’aimer. Mon dossier a été transmis à Bang. Il va nous trouver une explication. Je crois qu’il s’est endormi en moi. Je ne suis pas très attentive. Je le sors doucement. Je m’extirpe du lit. Je passe à la salle de bain. Je me pose sur les toilettes. Je me sens bien. Je me sens moi. Je suis toujours Aline. Mais en plus fine. Avec des cheveux lisses. Et un autre groupe sanguin. Et un nouveau code génétique qui ne vient pas d’Alice. La liste doit sûrement être longue. Je regarde mes yeux. Exactement la même couleur. Mes mains, non, ce sont celles d’Alice on dirait. Quel bazar. Pas grave. Je m’accepte comme je suis. Et pour mon âge je suis bien conservée. J’enfile ma nuisette grise. Je retourne dans la chambre et je l’agenouille près de lui. Je vais le réveiller doucement. Juste avec ma bouche.
*
Le hangar est douteux mais une fois passée la porte en fer il y a un laboratoire moderne. Il est même en blouse blanche. Mais il a toujours ses bottes. Il met son doigt sur sa bouche et m’invite à entrer dans un module où des plantes poussent. Il coupe la ventilation pour faire le silence et il s’installe sur un tabouret en face du mien.
- Aline, tu es la preuve vivante qu’il y a un lien entre les antennes et la fusion. J’ai isoler le programme. Ta génétique n’a pas été changée n’importe comment. Elle a juste évolué, dans le bon sens, dans plusieurs en fait. Elle te rend compatible avec ta descendance. Et je sais que tu es déjà passée à la pratique. Tu es une vraie pionnière, encore. J’ai vérifié sur Vincenzo. J’ai trouvé la trace du même programme, entre autres pour lui. Chez toi je n’en vois qu’un. Comment tu te sens ?
- Ce matin j’ai fait le bilan dans ma salle de bain. Je me sens très bien. Physiquement et psychiquement aussi. J’ai juste un problème avec mes cheveux, je dois les boucler exprès maintenant. Mais je suppose que la liste des changements est longue, non ?
- Et bien, pas tant que ça. Je n’ai que douze caractères primaires et six secondaires. Je ne vais pas te les donner, il faut juste que tu les acceptes quand tu t’en rends compte. Si tu veux un jour, tu feras le point, avec Hilde.
Il remet la ventilation en route et on sort du module. Il enlève sa blouse pour me raccompagner dehors. On marche tranquillement vers la navette.
- Merci Big. Tout ça n’a pas l’air de beaucoup t’étonner. Tu en voir de toutes les couleurs.
- Ah oui, les couleurs, les forces de l’Invisible, c’est un autre sujet de travail.
- Tu devrais créer un Institut de Recherches. Le Big Bang Institute. Et faire travailler les autres. Et t’occuper de Gaby.
- Tu vois des choses sur moi ? On ne s’est même pas touchés.
- Non je suis juste une femme, nouvelle, avec ses intuitions.
- Le BBI. M’occuper de Gaby. Bien reçu Aline. À bientôt.
Il me fait la bise, c’est gentil. Et il retourne vers son hangar. Mais il s’arrête, se retourne et annonce :
- Finalement je rentre tout de suite à la maison. J’espère que je ne vais pas la surprendre avec quelqu’un.
- Ou quelqu’une.
Il sourit et me fait un signe de remerciement.
*
À la Caserne, j’attends les commentaires de Greta :
- Tu es toujours Aline. Peu importe le génome. En plus tu lui ressembles. C’est comme moi, regarde, je ne suis plus la frêle Greta. C’est pas un problème au contraire, c’est une solution. Mais c’est vrai qu’on est dans une dimension pour l’Amour est plus présent, sous toutes ses formes, et l’Invisible n’y est pas innocent. Qu’est ce qu’il y a de mal à ça ? Sur Terre, c’était plutôt la haine, la peur et les conflits. C’était l’Enfer sur Terre, jusqu’au bout. La planète C est notre Salut.
Elle me tend les bras, je m’approche. Elle m’embrasse. Elle place ma main sur son ventre. Puis elle la descend plus bas. Elle me montre, elle me fait sentir, elle regarde dans mon âme et je l’entends me dire :
- Sexe, Invisible et Amour. Ton âme est toujours. On y voit même encore la trace de ton Ange Blanche. Ton esprit fait la liaison avec ce nouveau corps. Et ce qui fait vivre les trois ensemble, c’est l’Amour qu’il y a dans ton cœur et celui que tu reçois. C’est le plus important, le plus précieux. Prends-en soin. Chérie-le. Ton petit Willem. Au grand jour ou en secret. Peu importe tant que vous le partagez. Rien ni personne ne pourra vous l’enlever. Parce qu’il existe. Qu’il imprègne votre vécu jusqu’au présent. Il sera toujours en vous, quoi qu’il arrive. Même si dans l’avenir il n’est plus là, il ne disparaîtra jamais de vos âmes, il sera toujours accessible à votre esprit par votre mémoire, les souvenirs du cœur.
Hilde est prête, elle peut me recevoir dans son cabinet. C’est pour ça que j’étais venue.
*
À la maison je suis seule. Willem est parti voir sa sœur à l’Ouest. Ils ont des choses à voir ensemble. Aurélie débarque avec son fils Pierrick dans les bras. Je les fait rentrer.
- Alors comme ça tu vas voir tout le monde sauf moi ?
- Oui, j’ai peur que tu me juges. Mais je ne suis pas allé voir Alice non plus. Je ne me sens pas encore assez forte.
- Tu es belle, tu as changé.
- Je crois que je me tasse. Willem est de plus en plus grand.
Elle pose Pierrick et vient m’embrasser.
- Mais c’est toujours toi. Le même goût. Aline, je ne peux pas te juger, je suis la mieux placée pour comprendre Willem, j’ai adoré aussi t’avoir comme… maman. Et je t’aime comme au premier jour, même comme ça, surtout comme ça.
On se caresse et Pierrick se sent seul, il nous tend les bras. Je lui tends aussi une main :
- Le pauvre, et lui alors ?
- Il va avoir le choix plus tard. Plein de filles pour lui. Des ressources illimitées. Et une éducation parfaite. C’est pour ça que j’ai voulu le garder le plus longtemps possible. Lui donner toutes les chances, tous les outils. Pas pour construire un nouveau monde ou une nouvelle civilisation. Juste pour préserver ce qu’on a déjà. Et si il y en a trop, envisager une décroissance. Mais pas comme les Chevaliers de l’Apocalypse l’envisagent. Le survivalisme, c’est pas pour une population infinie à faire prospérer à tout prix. La mort n’est plus là pour réguler. Heureusement il doit y avoir un programme dans les antennes. Jusqu’à ce que des petits malins l’enlèvent. Au cas où, mon modèle n’est pas fait pour un million de personnes. Cent mille tout au plus, et encore. Et tant mieux. On profite beaucoup du peu mais peu du beaucoup. Il y a des limites à respecter, dans de nombreux domaines, mais pas tous heureusement.
Et elle m’embrasse à nouveau.
*
- Je viens de voir Hilde. Très médicale. Très professionnelle. Elle a sondé aussi bien mon corps que mon esprit. Mais pas mon âme, c’est pour ça que je viens te voir. Sinon avant j’ai eu le droit à Greta et Aurélie. Après, Rachel et Frances veulent me rencontrer. Et je finirai par Alice. Mais qu’est ce qui se passe ? Je ne suis personne et je n’ai plus de destin. Je rajoute Énola sur ma liste. Mais avant Alice. C’est avec elle que je veux terminer les choses, ou pas. Revenir en elle ou pas. En fonction des différents discours des unes et des autres. À ton tour, Phoebe.
- En voilà une belle histoire. Je vois ça d’ici, moi qui te dit que ton âme et pure, ou pas, les autres qui te sortent leur baratin personnel et pour finir Alice ? Non Aline. Ne t’approche plus d’elle. Comme Gabrielle et Sandrine le font avec les leurs. Et arrête tout de suite cette tournée morbide. Je suis sûre qu’elles ont plein de trucs intéressants à te dire, existentiels et spirituels, même moi, je me vois d’ici, écoute ton cœur, bla bla bla... Mais ce n’est pas le sujet. Aline, tu es une survivante, de la Terre et de la fusion. Maintenant ça suffit. En fait il n’y a pas de problème. Ou si tu considère qu’il y en a un, j’ai un conseil à te donner. La Brasserie du Parc. Ils cherchent deux cuisinières.
- Tu veux cuisiner avec moi ?
- Non, Aline, pas moi. Demande à ta fille de venir t’aider. C’est en cuisine que tu dois continuer ton histoire. Avec Noëlle. Tout se passe en cuisine. C’est le repère essentiel. J’ai compris ça avec Hilde. Tous les soirs elle me prépare une soupe sur sa péniche. Et comme dirait son père, les planètes ont leur soleil, nous on a la cuisine.
Je n’en reviens pas. C’est tellement évident, tellement logique. D’abord Willem. Ensuite la cuisine avec ma fille. Et je serai à nouveau qui je suis.
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