G-MMIII
On sonne. C’est lui. J’inspire et j’expire un grand coup pour avoir le courage de lui ouvrir. Il me regarde droit dans les yeux sans rien dire. Puis il voit mon ventre. Je mets instinctivement la main dessus pour le protéger.
- Avec Victor, mon propre fils. Ce n’était pas au programme.
- Je ne suis pas ton programme Vivien. Je suis Greta et je porte en moi ta petite fille, Mona-Lisa.
Je le fait tout de même entrer. La rencontre est tendue mais il n’est pas n’importe qui et je ne suis pas n’importe qui non plus.
- Désolé, tu as raison. Je me souviens de cette Caserne. Je l’ai inaugurée. En coupant un ruban orange et vert. C’était les couleurs du drapeau de notre civilisation.
- Tout ça c’est fini. La ville appartient à Rachel. Tu la connais ?
- Non. Je ne suis pourtant pas parti depuis si longtemps.
- De Sylvania, si, apparemment.
- Je ne suis pas revenu pour reprendre le pouvoir. Je vois que tout le monde a trouvé sa place. Ça a l’air de bien fonctionner. Je vais essayer de rester dans l’ombre.
- Essayer ? Je ne crois pas non. Tu n’as pas le choix pour l’instant. On attend de voir comment les choses vont tourner. Je fais partie du Conseil de Sécurité de l’Ouest. Ton sort sera réglé en séance.
- La création se retourne contre son créateur.
- Elle peut, oui. C’est un classique, non ?
- Très bien. Je suis heureux de t’avoir rencontré Greta, c’est un honneur.
- Moi de même.
On se lève et il s’approche. Je recule. Il me tend la main. Je la regarde, je le regarde. Il la baisse. Je lui fais signe de partir. Il s’exécute et je le suis. La porte s’ouvre, il sort. Il se retourne pour dire quelque chose mais je me précipite pour fermer la porte. Parce que j’ai du mal à retenir mes larmes. Je m’appuie sur la porte avec mon dos, comme pour la retenir et je mets mes mains sur mon ventre pour pleurer en silence et partager ma peine avec mon bébé. Toc toc toc. J’inspire et j’expire. Je m’essuie le visage et j’ouvre.
- Pardon Greta.
Et il me tend les bras. Je me jette dedans. Je me blottis contre lui. Mais je ne pleure pas. J’ai l’impression qu’il absorbe ma peine. J’arrête mon étreinte pour le regarder. Je ne vois plus rien de mal dans son âme. Je suis soulagée. J’expire.
- Merci, Vivien.
Et il part. Et je rentre. Je fais le point. J’accepte la situation. Je me sens en paix. Et sans son stratagème à la con je ne serais pas ici et je serais morte au fond d’un centre spécialisé pour neurodifférents sur Terre en 2057 ou par chance, avant. Mais je suis là. Et je suis Greta. Et si il présente la moindre menace contre sa planète C, j’interviendrai.
Et le soir quand Victor me chevauche par derrière je ressens du plaisir au point de ne presque plus pouvoir discuter :
- Victor, j’ai rencontré ton père aujourd’hui.
Il s’arrête. Je continue :
- Ça s’est bien passé.
Alors lui aussi il continue et je crie mon extase.
*
Émilie nous invite à un cocktail sur sa terrasse. Tout le monde est là. On arrive dans les premiers, par ordre d’importance, Victoria est devant nous, avec Vincenzo et Maëlle encore plus belle. Arrive notre tour, Vivien commence en s’adressant à moi :
- Ma création !
- Mon créateur !
On se fait la bise et je continue :
- Tu te rappelles de ton fils ?
- Bonjour papa. Bienrevenue.
Émilie a un regard doux pour moi et un baiser tendre avant de regarder mon ventre et sourire, je la préviens :
- Plus que 35 jours avant le décollage.
Elle en rit et me caresse la joue. Vivien nous regarde d’un œil interrogateur et on laisse la place aux suivants. Je ne lâche pas la main de Victor et je suis très câline.
- Ça va Victor ? T’en fais une tête !
- Tu m’impressionnes, tu es tellement forte, c’est incroyable.
- Je suis Greta.
- Tu es digne au lieu d’être en colère.
- On a réglé tout ça. On est dans un monde de paix, pour l’éternité, j’y veillerai. On ne peut pas encore lui laisser faire n’importe quoi avec sa science occulte. Le réseau C l’a déjà serré une fois, il va se tenir à carreaux. Ce n’est plus son monde Victor, c’est le nôtre.
Mon monolithe vibre. On ne doit pas rester longtemps, pour des raisons de sécurité. Alice va arriver, on va essayer de ne pas la croiser. Victor me voit frissonner, on rentre au chaud à l’intérieur. Il y a un feu de cheminée. Je vais me poser à proximité. Aurélie et Adé viennent autour de moi pour jouer avec mes cheveux et me faire des nattes. Aline a Pierrick dans les bras avec Willem à côté qui les admire.
- On est bien ici, c’est plus confortable que la Caserne. On devrait se faire inviter par Émilie pour prendre le thé.
- C’est vrai qu’elle est jolie.
- Elle est pas jolie elle est belle. Et elle a du charme. Et elle est posée.
- Et elle a des pouvoirs.
- Ah bon, quel genre ? Ça vibre ?
Et on rigole entre filles.
- J’ai vu Alice à l’accueil. Elle était en pleine discussion avec Rachel.
- L’Est et L’Ouest. Elles doivent en avoir des choses à se dire.
- Seulement à se dire ? Elles ne sont pas venues accompagnées.
- En voilà une belle rumeur à lancer. Les réseaux les laisseraient tranquilles, ils essaient de les monter l’une contre l’autre.
- Je vais envoyer Clémence leur parler. Il me reste un peu de philtre.
- En fait, on fait de la politique. Greta, qu’est ce que tu en penses ?
- J’en ai plein le ventre de la politique.
- Ouais, c’est chouette, vue comme ça.
- La politique c’est la vie.
- On est à fond en politique.
- En politique, si tu n’as pas tout donné, tu n’as rien donné.
Rires. On passe une bonne soirée. Hilde vient nous rejoindre :
- Qu’est ce que vous faites les filles ?
- On fait de la politique.
Rires. Elles ont trop bu je pense. Ou alors elles manquent d’oxygène.
- Où est Adé ?
- Elle est allée confier une mission à Clémence.
Je vois dans le regard de Hilde un peu d’inquiétude. J’interviens :
- Détends-toi Hilde. Viens près de moi. Je veux que tu m’auscultes.
Rires. Hilde ne se démonte pas :
- Greta, je n’ai pas mes outils.
- Arrêtez les filles, on est chez Émilie, un peu de respect.
- Quoi ? Avec toutes les cochonneries qui se sont passées ici ?
Etc. Etc. Je me sens bien là. À les regarder se chamailler et rire. On est belles, on est heureuses, on est un clan, une famille. Et je vois Clémence revenir avec Adé avec les pouces en l’air. Quelque chose me dit que Alice et Rachel vont passer une nuit mémorable. Hilde saute sur son Adé. Clémence s’assoit en face de moi et me regarde avec ses grands yeux. Qu’est ce qu’elle est belle. Je lui souris et je lui fait un clin d’œil. Elle pousse Aurélie pour se glisser entre nous et elle me chuchote des choses à l’oreille.
- Quand je serai couronnée, je te veux auprès de moi.
Je lui réponds de la même façon :
- Pour quoi faire ? Je ne suis plus Dieu.
Et notre conversation secrète et privée continue :
- Pour me faire jouir.
Elle me fait rire. Mais pas elle. Elle me regarde avec amour. Comment résister ?
- D’accord.
Et elle repart, toute contente. Il lui en faut peu. Mais elle est juste assurée de passer l’éternité dans l’extase. Quelle soirée… Quelqu’un joue de la guitare ? C’est plutôt détendu pour le retour officiel de leur dictateur suprême. Du coup Alice et Rachel n’ont même pas atteint la terrasse. Elles sont reparties, ensemble. J’aperçois Énola dans sa magnifique robe bleue. Je lui fais signe. Elle ne me voit pas. Je lui envoie un coucou mental. Elle cherche autour d’elle et me trouve. Elle laisse sa Rielle avec un beau jeune homme et vient vers moi.
- C’est qui le beau gosse ?
- C’est son ex, Augustin, le médecin du Village. Ils étaient en couple au Russell H avant à Laguna City.
- Alors, ces pouvoirs ?
- Totale maîtrise. Marrant au début mais c’est vite lassant. Je préfère les trajets en navette. Ça laisse du temps pour réfléchir. Et toi ?
- Je me consacre à ma grossesse. C’est la dernière ligne droite.
- Greta, je peux le faire, enfin, on peut le faire, ensemble.
- Je ne sais pas, tu sais, elle est morte bien avant la fin du monde. Tout ceci n’aurait pas de sens pour elle. Ce serait mal de faire ça par pur égoïsme de ma part.
- Je comprends, tu as raison.
Je pose mes mains sur mon ventre :
- C’est sur elle que je me concentre.
Elle pose ses mains sur les miennes et elle annonce :
- La prochaine Déesse, universelle, des terriens et des locaux. Mona-Lisa et sa B5.
*
On rentre tard mais je passe quand même sous la douche. Ça remet les idées en place. Un des grands mystère de mon existence est mort. Je suis débarrassée de la déification et dans le grand miroir je ne vois plus qu’une grosse baleine. Mes seins sont énormes et ils pendent. Mon visage est rond. Le seul truc potable c’est le nattes que les copines m’ont faites. Je vois Victor venir derrière moi et il me prend dans ses bras en m’embrassant dans le cou.
- Victor, qu’est ce que tu me trouves ?
- Ce que j’aime en toi, c’est ton désir pour moi. Tu m’as volé à Alice et tu lui a tenu tête. Et tu me laisses t’aimer. Les autres, elles ont toutes fini par se lasser ou me laisser. Toi tu t’offres à moi et tu aimes ça. Tu es exactement celle qu’il me faut. Je t’aimerai toujours et je serai toujours là pour toi, même sans Sexe, même sans Invisible mais toujours avec Amour. Te sentir, te toucher, tout partager ensemble.
- Même si je ne suis qu’une création de ton père ?
- Il ne t’a pas entièrement créée. Il a juste un tout petit peu participé. Et c’est la meilleure chose qu’il ait faite de toutes ses expériences. Je lui en suis éternellement reconnaissant. Et à Alice aussi, de t’avoir ramenée. Et à toi d’avoir toujours été toi. Tu es Greta et tu as toujours imposé tes conditions, tu n’a pas sauvé ta planète mais en ramenant avec toi une partie de ton monde tu as sauvé le nôtre. On était pas sur le bon chemin. Tu es notre guide. Et c’est un honneur pour moi de faire partie de ta vie.
- Ce n’était pas au programme, c’est la première chose qu’il m’a dit en parlant de toi.
- Il n’y avait pas grand-chose dans son programme par rapport à tout ce que tu as réalisé. Et moi, qu’est ce que tu me trouves ?
- Et bien, tu es une légende et je t’ai trouvé tout triste et esseulé avec cette histoire de fusion. Moi-même je l’étais aussi, je venais de perdre Spencer. Et comme Dieu est amour, je n’ai pas pu résister à t ‘en donner, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie. Et tu es très beau. Et tu es un trophée volé à la maîtresse de cette planète, à un moment où elle était vulnérable elle aussi. Et puis je me suis habituée à toi. Et je serai toujours là pour toi. Et on aura bientôt un merveilleux bébé qui n’était pas au programme de ton père. Et on va l’aimer notre Mona-Lisa. Et elle va nous aimer aussi.
Même si je me trouve moche avec mes gros bras et les jambes qui ne ressemblent plus à rien, je me tortille un peu et il réagit vite, mon homme qui m’aime, qui me souille, qui se vide et qui s’oublie en moi. Moi aussi je veux me perdre en lui.
*
On se réveille l’un contre l’autre au petit matin. Il m’honore sans efforts sur le côté. Je sens son ardeur et sa vigueur, il me mord et il me griffe mais pas trop fort, juste assez pour me tenir éveillé de son désir. On a aussi notre moment après le déjeuner, après le dessert, son café gourmand où j’ai juste à présenter ma bouche sur son poireau vinaigrette. Ensuite je recharge mes batteries avec une copine ou deux à l’heure du thé. Et le soir c’est reparti pour un tour. J’aurai réussi à l’assouvir et à m’assouvir même avec ma grossesse, pour l’instant. Je ne sais pas vraiment ce qui m’attend. C’est comme si c’était mon premier bébé parce que je suis différente aussi, j’ai changé, je suis une Greta améliorée, plus grande, plus large, plus plantureuse, plus belle, je le sens bien en moi, je me sens bien avec lui, il est mon homme que j’aime et je m’aime aussi comme il m’aime, je m’accepte comme il m’accepte et on est un couple heureux et épanoui. Je reviens à moi avec l’odeur du petit déjeuner. Il me fait goûter des nouvelles confitures de la Ferme du Village. Ensuite il me transporte dans la salle d’eau pour me laver avec de profondes caresses coquines pendant que je me noie dans son regard d’amour pour moi. Et il m’habille, et il me coiffe et on va passer une belle matinée chacun de son côté avant de se retrouver directement pour le dessert quand on se loupe au déjeuner. Il me laisse ensuite à mes après-midi libertines jusqu’au soir où se reconnecte à notre plaisir avant la nuit et un sommeil bien mérité. Tel est mon paradis avec mon Dieu Victor.
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