No L
Dès le lendemain je vais voir Flo chez elle. Je ne vais pas la laisser toute seule. C’est ce que j’ai sorti comme excuse à Davis, qui s’en fiche, il va bricoler dans le garage.
- Bonjour Flo, Juliette. J’ai pensé à toi toute la nuit. Il est parti en cours ?
Et je me jette sur elle, on s’embrasse et on se met une main dans la culotte pour commencer à nous chauffer. Elle entre déjà un doigt en moi. Moi, je me concentre en surface, pour lui faire perdre l’équilibre. Et après quelques orgasmes, on se retrouve par terre à regarder le plafond blanc.
- Tu es trop forte Noëlle, même pas besoin de brisim.
- Je suis pas si grosse et j’ai de l’entraînement. Ma vie n’est plus que luxure désormais. Mais je vais tout de même ici et là préparer des plats. Il y a beaucoup de demandes en ce moment à Sylvania. Mais il y fait si froid. Tu peux m’accompagner demain ? Histoire d’avoir un peu de chaleur avec moi.
- Noëlle, je viens juste d’arriver, on n’est pas encore bien installés. Et je ne me sens pas encore prête à retourner à l’Est. J’ai besoin de plus m’accomplir et me définir en tant que Juliette avant d’aller affronter les mondes que j’ai connu.
Elle a raison, comme toujours. Elle n’a pas tant changé que ça.
- D’accord. Tu crois qu’on peut se voir tous les jours ?
- Oui, au brunch ou à midi, avant la sieste crapuleuse.
Je me mets à rire, je suis en joie, elle est trop ma Flo, la Juliette de son Roméo.
- Mais tu sais, Juliette, je ne suis pas là tous les jours. Je fais des piges dans les restos. Dans les Palace. Sur des Yachts. Et je vais souvent voir la famille. Maman et son Willem, c’est vraiment du grand n’importe quoi mais j’ai fait bien pire avant, sur Terre, tu sais, en partie. J’étais prête à tout pour me débarrasser de mes pouvoirs comme le faire pour la première fois avec mon propre frère. Quand on voit que c’est devenu la norme ici, il y a de quoi rire, ou pas. Qui sait ? En tous cas, ça n’a pas marché. Tu te rends compte qu’il est encore avec Chloé ? C’est dingue, non ? Ou pas. C’est papa et Marion le plus dingue, ou grand-père et Scarlett. Heureusement, il me reste ma fille Solène, même si ses enfants sont un peu particuliers. Willem, c’est une chose, mais le plus gros souci, c’est bien Maëlle. Elle me rappelle moi, elle est dangereuse, je fais de mon mieux pour l’accompagner.
- Tu as oublié la plus importante, celle qui nous lie toi et moi.
- Clara, oui, on l’a sauvée, on l’a vengée, mais c’est plus ta famille que la mienne.
- Mon ex-famille par alliance, dans le monde d’avant. Et maintenant que j’en refonde une, qui habite dans le quartier ? Toi. C’est ça qui est dingue.
- Juliette et Roméo. Vous allez vous faire repérer par les Chevaliers de l’Apocalypse.
- Oui, ils vont certainement faire de nous leur ambassadeurs.
- Encore une belle histoire d’infiltration.
- Tu crois qu’on est sur écoute ?
Et on se met à rire.
- Au fait, ton Davis, avant, il était très proche de Dana.
- Oui, il était son jouet préféré.
- Ou l’inverse. Ce n’est peut-être pas par hasard qu’il est avec toi maintenant.
- Non, c’est elle qui me l’a refilé.
- Tout juste. Sauf qu’on en a appris de bonnes sur Dana depuis.
- Elle est avec Greta.
- Entre autres. Elle est liée à une mission, la G-2015. Le premier ovule de Greta a été prélevé. Ça a donné Dana. Protégée par Davis, de loin, puis de près, puis à distance quand elle te l’a donné. Mais pourquoi à toi ?
- OK, je vais lui parler.
Et Juliette rentre chez elle avant la fin des cours de son Roméo.
*
Il bricole dans le garage. Il fabrique des munitions avec des balles au métal très clair.
- On dirait de l’argent. Je suis allergique à l’argent, impossible de manger avec des couverts en argent, rien que leur contact me hérisse.
- C’en est. Mais il est pire que sur Terre. Il vient d’ici. C’est une commande, de la Police du Village.
- De Romélie, la sœur de Roméo. La boucle est bouclée. C’est une arme contre l’Invisible. Tu es aussi impliqué là-dedans ?
- Entre autres.
Il me tend les bras, je vais me réfugier en lui.
- Et moi ? La mission est terminée ?
- Depuis longtemps.
- Mais tu es toujours un agent.
- J’ai basculé dans les services techniques.
- D’où l’atelier.
Je prends l’arme posée à côté de lui. Elle est toute petite. Le canon ne dépasse presque pas.
- On dirait un Berreta Tom Cat.
- Oui, le 3032. Tu veux essayer ?
- Non merci. Je ne touche plus à ça. La guerre est finie. Et on n’est pas sur Terre.
- Tu avais quoi comme arme de poing ?
- Dans mon hélico, j’emportais un Glock 17. Je l’avais confisqué à Lisa.
Je prends une munition pour la regarder de près.
- Attention Noëlle. Garde bien tes doigts sur l’étui.
Je la repose doucement.
- C’est Maëlle la menace ? Il lui en faudra plus. Elle peut arrêter la balle avant qu’elle ne l’atteigne.
- Vraiment ?
- Et la faire repartir dans l’autre sens, là où elle veut, à la vitesse qu’elle veut. C’est toujours le même problème avec les armes. Elles peuvent toujours se retourner contre ceux qui les utilisent.
Et en moins de deux secondes, je prends l’arme, je prends une munition, je soulève le canon, je mets la munition, je ferme le canon, j’arme le chien et je mets Davis en joue :
- Ha ah !
- Tu as oublié la sûreté, il faut descendre le levier vers le bas. Et je suis insensible à l’argent. Il va falloir trouver autre chose.
Je baisse l’arme. Je réfléchis. Je me la mets sur la tempe et je baisse la sûreté.
- Et comme ça ?
- Noëlle…
- Quoi ? Je n’aurai pas peut-être pas d’autres occasions. Je suis en train de peser le pour et le contre. Je fais le bilan. Est-ce que ça vaut encore le coup ? Je suis arrivée au bout du chemin ou bien il reste encore quelque chose à vivre ? Agent Davis, je t’aime.
J’appuie un grand coup. Bang ! J’ai le bras en l’air. Il y a un trou au plafond. Il lâche mon bras. Et on se regarde. Il ne sait pas quoi dire. Et je n’ai rien à dire. Je repose l’arme. Je m’assois et je soupire.
- Je ne suis pas suicidaire. C’était juste une pulsion.
Il me relève et me serre dans ses bras, je ferme les yeux. Je sens sa peur. J’entends ses pensées. Mes pouvoirs s’expriment à nouveau ? Il est content d’avoir été là et d’avoir pu m’en empêché. Il a été super rapide. Je ne l’ai pas vu venir. Je le repousse d’un coup pour vomir par terre.
- C’est rien, c’est le blast sur mon oreille interne. Et j’entends plus rien à tribord. Ça siffle.
Et je me mets à rire. Je vais me rincer la bouche au lavabo. Et je m’asperge le visage, je me regarde dans la glace. Je suis toujours là.
- Maintenant je comprends vraiment pourquoi ils existent, on est nombreux à avoir besoin d’eux, les Chevaliers de l’Apocalypse. L’éternité, c’est insupportable pour l’Humanité. Sauf avec un peu d’Invisible et beaucoup d’Amour. Je ne sais pas si je t’aime assez, Davis.
J’ai besoin de faire le point. De m’isoler sensoriellement. J’attends de récupérer mais j’ai toujours un bourdonnement dans l’oreille et ma main tremble. Alors je vais m’isoler au grenier et j’entre en méditation transcendantale avec l’aide de quelques produits hypnotiques. Puis tout d’un coup je me réveille, je me lève, j’ouvre la fenêtre et je saute. Je tombe directement dans la piscine et je me laisse couler jusqu’au fond. Je ne sais pas combien de temps il se passe avant que je remonte à la surface. La lumière a changé. Je ne sais plus quelle heure il est. Je sors, je marche, j’avance vers la porte du garage, vers l’atelier. Mais il n’y a plus rien. Tous les rayons sont vides. Davis a éloigné le danger. Je monte en zone vie, je vois la pendule, c’est la fin de l’après-midi, on est le samedi 29 février 2116. Je suis seule. Il n’y a plus ses affaires dans la salle de bain. Ses placards sont vides. C’est comme si il n’avait jamais existé. Je prends mon mono et je cherche son contact. Rien. Je tape son numéro. Non attribué. Je crois que sa mission vient de prendre fin.
*
Après la Messe à la Cathédrale, je ne traîne pas trop au couvent pour aller rejoindre Juliette et son Roméo qui nous ont conviés au barbecue de l’Oxi.
- Salut, quoi de neuf ?
- Davis est parti. Il m’a quitté.
- Qu’est ce qui s’est passé ?
- On en est venus aux mains, dans son atelier à cause d’un désaccord sur nos avenirs.
- Pourquoi ?
- Les agents ont mis au point une arme contre les possédés de l’Invisible. Je ne voulais pas être complice de ça. Je ne peux pas prendre partie contre ma petite fille. C’est la famille. Davis, c’est pas la famille. Et c’est dur, parce que je l’aime, ce con. Bordel. Merde.
- Ma pauvre. Dur. Il faut que tu restes avec nous alors, pour la sieste crapuleuse, avec mon Roméo.
- Tu es sûre qu’il va accepter ça ?
- Quand il a bu un ou deux verres de rosé, il est prêt à tout.
- Flo, je suis pas d’humeur. Je vais rentrer dormir, seule. Me reposer. Faire une coupure. Il faut que je digère tout ça.
Quoi que. Dana est là. Avec Greta. Je cours la voir.
- Dana.
- Je sais, il a disparu. Il s’est mis en pause. Qu’est ce qui s’est passé ?
- Il t’a rien dit ? Et son rapport ?
- J’ai pu accès. Je suis hors ligne.
- Dana, ça va ? Tu as l’air toute bizarre.
- J’ai raccroché. Mais il m’a rendu compte. Pour pas que j’y retourne. Pour pas le chercher.
- Dana, tu es sous emprise. Tu ne prononces pas tous les mots. Viens.
On s’isole dans les toilettes. Elle se met de l’eau glacée sur le visage. Elle a l’air d’aller mieux. Je lui raconte :
- On s’est disputés. Et je me suis tirée une balle en argent dans la tête. Je ne sais pas comment mais il a réussi à m’en empêcher. Il a été super rapide.
- Quoi ? Noëlle !
- C’était juste une pulsion.
Et j’éclate de rire :
- Tu aurais vu sa tête ! Le pauvre. Bon alors, il est où ?
- Protocole fantôme, il se considère en échec mission, il s’est retiré.
- Échec mission ? Je suis toujours là.
- Il ne veut pas assumer la prochaine fois.
- Tu parles, ouais, il veut que je lui coure après, pour me maintenir en vie.
Elle se frotte les yeux.
- Noëlle, fais une pause toi aussi, rentre chez toi et dors, je vais demander, je vais m’arranger, je te contacte dès que je le retrouve.
- Non, Dana, t’embête pas. L’embête pas. C’est mon problème. Je vais gérer. T’es plus dans le coup. Toi aussi tu es en transition. D’une vie à l’autre, hein ?
On se prend les mains. Je sens qu’elle lutte pour rester consciente.
- Noëlle, accepte la situation et va de l’avant.
Elle est out. Elle me sort du mnémotechnique. ASVA. Ou alors c’est un code.
- Je vais rentrer dormir, merci Dana.
Et je lui fais la bise. Je passe faire coucou à Juliette, je lui rends compte et je pars.
*
Juliette vient me réveiller et me prépare le brunch.
- Comment tu te sens ?
- Trahie. Je m’étais trop ouverte à lui. Je suis en train de me reconstruire, de me barricader, je sens même l’Invisible revenir en moi. Je ne sais plus ce que je vais faire maintenant. Je n’ai plus envie d’aller traîner en cuisine ici et là. Je n’ai plus la force psychique d’affronter ma famille et leurs problèmes. Il faut juste que je me redéfinisse, que je me retrouve un rôle sur cette planète C, sinon je vais avoir droit à un aller simple pour les Chevaliers de l’Apocalypse. Et toi, comment tu te sens ma Juliette ?
- Libérée. Toute neuve. Heureuse de ne plus être personne. On en est au même point mais avec l’Amour en plus pour moi, en moins pour toi. Elle est là la solution. En attendant, j’ai besoin de toi. Dimanche prochain, il y a une Messe pour nous, on va recevoir tous nos sacrements, on a besoin d’une marraine.
- Tu as de la chance. Tu as eu raison. De changer. D’identité. Moi je ne peux pas. Je suis trop impliquée, trop définie, par ma famille, mes aïeux et mes descendants. Je suis le chaînon perturbant.
- Noëlle, tu as juste besoin d’un autre amour qui t’occupe le cœur et l’esprit. Il y en a plein le catalogue des agents reproducteurs.
J’éclate de rire. Elle est tordante.
- Oui, pour supporter l’éternité, il ne faut avoir conscience de soi et rester dans l’illusion.
- Tout à fait. Se construire une routine.
- D’accord, je vais t’aider, à construire ta routine. Celle du Dimanche. La Messe le matin, l’Oxi l’après-midi, en semaine le brunch avec moi, ta Marraine.
- Et après le brunch ?
Elle se lève et vient sur moi, je sens sa main dans ma culotte.
Quand je me réveille elle est partie. Je me retrouve toute seule. J’ai appuyé sur la détente et c’est lui qui a disparu. Qui peut me consoler ? Plus ma mère, elle est devenue folle avec la fusion, la dé-fusion et son jeu malsain avec Willem. Pas mon frère, mieux vaut pas. Pas ma fille, on ne se supporte pas parce qu’on se ressemble trop. Surtout pas mon double. Certainement pas Greta. On toque à la porte. Je vais ouvrir. Mon âme s’illumine :
- Aurélie !
Je me jette dans ses bras.
- J’apporte du café. Et du chocolat. C’est bientôt l’heure du goûter.
Elle aussi a perdu son agent, John. Et elle a retrouvé son amour de jeunesse, Patrice. Le mien, ça serait difficile, il est mort sur la Terre comme au ciel, même Énola ne pourrait pas me le ramener, François. Aurélie m’embrasse partout, elle est tellement affectueuse.
- Je vais peut-être prononcer mes vœux. Dimanche prochain je deviens même Marraine.
- Je serai là, c’est Patrice qui officie.
- C’est vrai ? Il se déplace pour un local ? J’entends d’ici la phrase magique : « Bienvenue dans la famille. »
Et on éclate de rire. La cafetière nous appelle. Avec du bon chocolat.
- Sinon, comment tu te sens ?
- Les pouvoirs ? C’est revenu. Sauf que je maîtrise. Pas de catastrophe en vue, donc. Et j’ai compris. Il est parti pour me protéger. Pour que j’avance. Avec lui, j’étais à l’arrêt et en début de dépression. J’ai failli me supprimer. Ils savent comment faire pour se débarrasser des possédés comme moi.
- Qui ça ? C’était pas un agent ? Le Réseau C ?
- Les Chevaliers de l’Apocalypse. On est pas prêts de le revoir l’agent Davis. Mais ils ne veulent pas ma mort. Ils ne veulent la mort de personne je crois. Ils veulent juste avoir le choix, nous proposer ce choix. Il m’a été refusé. Davis m’a donné la procédure, je suis allée jusqu’au bout et il m’a arrêtée, in extremis. Peut-être parce qu’il m’aime ? Non ?
- Tout le monde t’aime, Noëlle. Ça doit être autre chose.
- En tous cas maintenant je sais que j’ai le choix. Et je peux avancer, avec ça. Maintenant, Aurélie, retourne vite chez toi et serre fort ton Patrice pour moi, et ton Pierrick. Et merci.
On s’embrasse. On s’étreint. Avant de partir elle me prévient :
- Vas-y doucement avec le chocolat. Il est aromatisé, si tu vois ce que je veux dire.
Le Philtre. Heureusement qu’on ne l’a pas goûté. Elle m’en aurait proposé si j’avais été au plus mal, je pense. Je prends la plaque et je vais la cacher minutieusement dans un placard de la cuisine. Si un jour je ramène une belle proie, ça pourra être utile.
*
Mercredi 4 mars 2116. Juliette passe pour le brunch mais on en oublie de manger, on se fait que se câliner. J’aime bien la nouvelle Flo. Elle a l’air tellement sereine. Elle n’est plus sur le qui vive. Elle est libérée, elle est libre. J’aimerais être comme ça, comme elle, mais ce n’est pas dans ma nature, je n’en suis pas capable mais j’ai quand même la sensation d’être dans un certain équilibre sensoriel, émotionnel, existentiel. Elle ne dit rien, elle n’a rien à dire, elle se prélasse juste, dans le silence, dans l’absence de problèmes. Alors je ne l’accable pas de mes soucis. Je profite juste de sa présence et je me rends compte de la chance que j’ai de l’avoir. Je lui fais un gros bisou sur la bouche et je la remercie :
- Avec toi la vie est douce, Juliette. Je te veux comme voisine pour toujours. À portée de sein. Je pourrai y goûter ?
- Ils ne sont pas encore prêt. On n’a pas lancé la chose. Pas avant le mariage. Mais oui Noëlle, tu seras même la première à y goûter.
Et elle m’embrasse tendrement sur la bouche. Voilà, c’est ça que je veux comme axe d’existence. Des choses simples et douces. De l’Amour.
Mais pour avancer, il faut faire une croix sur des avenirs possibles qui ne sont plus à l’ordre du jour. Je suis peut-être encore une terrienne mais on est soumises aux mêmes lois des locales pour l’immortalité et la procréation. Un enfant si je veux quand je veux. On est toutes potentiellement enceintes, il suffit de déclencher celui qu’on a en nous, on peut même en choisir la source, le partenaire d’origine, ou alors on peut, comme moi, aller à l’H faire un reset.
- Nettoyez-moi tout ça. Dites adieu à Davis, mes petits.
Un coup de laser et hop. A dégagé. C’est comme si Davis n’avait jamais existé. Je n’ai eu qu’un bébé. Il n’y a eu que Solène. Et j’ai une pensée émue pour son père qui à travers elle est venu avec nous ici, sur la planète C.
En sortant de l’H il y a un petit parc zen où l’on peut faire le point avant de repartir vivre nos vies. J’enlève l’anneau de mon doigt et je le jette dans la fontaine et je ferme les yeux pour faire une prière d’adieu et j’ouvre la bouche pour faire un vœu.
- Qu’une nouvelle vie commence !
Quand je rentre à la maison quelqu’un m’attend. Ma fille. Solène. Elle est gentille Solène.
- Bonjour ma petite. Ça va ? Il y a encore un problème avec Maëlle ?
- Non, elle est toujours aussi folle.
- Je sais, comme moi, je l’ai été aussi, en pire. Et Willem ?
- Je ne sais pas, je ne sais plus. Quelle histoire… Mais au moins il est en sécurité, loin de Maëlle, et il a l’air heureux.
- Ça lui passera. Mais tu sais, Aline n’est plus vraiment elle, depuis la dé-fusion. Elle n’est plus elle. On l’a perdue. Willem l’aimait beaucoup.
- Willem l’aime beaucoup. Je le sais, je le sens, je le comprends. Je te sens aussi maman. Davis a disparu. Tu l’as effacé ?
- En quelque sorte. Il est parti. C’est fini. Et toi, Solène ?
- Moi, je sens que c’est fini aussi. Ma vie. Et plus le temps passe, plus elle se détériore. Je n’ai pas ma place dans tout ça. Le père de mes enfants est parti vivre avec sa cousine. Mon fils avec ma grand-mère, ma fille est sur le point d’exploser, on dirait un cauchemar. J’attends la suite. Je pensais que tu allais être la prochaine catastrophe.
- En fait, je l’ai été. Mais Davis a été là pour m’en empêcher. Solène, tu restes ma fille, unique, le fruit d’une passion indicible avec ton père.
- J’aurais aimé vivre ça aussi.
- Et moi j’aimerais le revivre aussi.
- Mais notre tour est passé.
- Tu rigoles ? On est libres. On a le potentiel pour faire à nouveau plein de conneries.
- Mais on est sages, maman. Et nos histoires sont terminées.
- Rien n’est terminé dans l’éternité.
Mais elle est rassurée, elle repart, à Sylvania, la ville de tous les possibles. Je vais sur le balcon et je regarde l’horizon. Je dois aussi changer de paysage. J’ai une invitation permanente en Principauté. Je prépare quelques affaires. Je pars ce soir. Mais avant, je vais voir Flo, Juliette. Elle ouvre sa porte, elle transpire, je dérange, elle a déjà commencé les travaux pratiques avec son Roméo, encore, elle va finir par le casser si elle continue.
- Juliette, je pars voir Frances en Principauté. Je ne serai pas là demain, ni vendredi. Mais je n’oublie pas pour Dimanche, pour être votre Marraine.
- Justement, tu tombes bien. C’est le moment ou jamais alors. De goûter au produit.
- Non Juliette, c’est ton Roméo, ne le partage pas, garde le pour toi. Ce sera mon conseil de Marraine.
Je l’embrasse et je pars. Pour de nouvelles aventures.
*
Jeudi 5 mars 2116. En Principauté, Frances me reçoit dans ses appartements royaux. Elle est en vrac, mal coiffée, mal habillée, elle n’a pas l’air réveillée.
- Salut Noëlle. Fais pas attention au bordel. Le jeudi c’est relâche. Pas de protocole.
Elle se jette dans un grand pouf blanc et s’allume une tige. Je me dirige vers la porte fenêtre. Elle donne sur un grand balcon blanc. Il fait plein soleil mais il fait frais. On a une belle vue sur le port. Elle arrive derrière moi, inquiète :
- Tu vas pas sauter ?
- Pas aujourd’hui.
Quelqu’un entre et appelle :
- Frances ?
Un jeune homme se pointe sur le balcon, en tenue sport, tout en blanc.
- Bonjour mesdames.
- Noëlle je te présente François, un ecclésiastique qui veut me mettre au sport.
- François ? Vous êtes sûr que ce prénom est libre ?
- Ah, ça je ne sais pas, c’est juste mon nom, enchanté, Noëlle.
- C’était le prénom de mon défunt mari, sur Terre, il ne nous a pas accompagné ici malheureusement.
- Je pense que si, au contraire, il a l’air d’être avec vous, par son souvenir. On ne meurt jamais vraiment, au pire on disparaît.
- Vous lisez trop la Bible, François.
- Noëlle, en fait il participe à l’écriture de la B4.
- Je fais juste quelques corrections. Bon, je vous laisse, ce n’est pas aujourd’hui que je vais convaincre la Reine d’aller faire un jogging. C’est quoi que tu fumes ? Ça sent bon.
- Laisse tomber François, c’est pas de l’encens.
Et il repart.
- Il va, il vient, il fait son tour pour dire bonjour à tout le monde.
- Ah oui ? J’ai l’impression de déranger plutôt. Il était venu faire du sport avec toi.
- Tu rigoles, il a son petit harem, trois jolies petites bonnes sœurs dévouées qui s’occupent de lui, des locales. Allez viens, je vais te présenter à ma descendance.
On va dans une autre aile du palais où les couleurs des murs deviennent criardes. Une porte s’ouvre sur une salle de jeux où deux enfants sont occupés à peindre des grandes toiles.
- Je te présente les numéros deux dans l’ordre de succession, après Spencer et Clémence. Georges et Diana, les spare.
- Une croissance lente. Ils ne sont pas prêts d’aller au lycée.
- Si ils y vont.
Et on s’approche dire bonjour et faire les présentations. Georges me regarde bizarre, il doit voir des trucs en moi. En revanche, Diana a l’air charmante.
- Philippe est très fier de ses petits.
Les pauvres, ils ont un lourd héritage à porter de chaque côté de leurs familles.
- Il y a de quoi, vous avez fait du beau travail.
- Toi aussi Noëlle, sans toi ils ne seraient pas là.
- Sans moi ? Sans moi et bien d’autres. Moi j’ai juste piloté un hélico.
Frances veut rester jouer avec ses enfants. Un valet m’escorte vers mes appartements. Je me pause. Je me détends. Je prends un livre et je m’installe au coin du feu. Une histoire de château bien-sûr. Je me réveille, il fait nuit. J’ai dû faire une longue sieste. Je passe sous la douche et je me mets au lit. Extinction des feux. Mais j’entends une cloche. Je regarde mon mono, il est 3 heures du matin. Je mets des chaussons et je prends une bougie, je sors me balader dans les couloirs, j’arrive à une chapelle. C’est une Messe. Au milieu de la nuit. Je pose ma bougie et je vais m’installer sur un banc pour écouter. Ce sont des chants polyphoniques. C’est très beau. C’est divin. Les religieux s’écartent et je vois François, toujours en blanc, il officie. Ça parle en latin. Et une petite musique accompagne leur sortie. François reste pour tout ranger. En faisant le tour, il me voit et s’approche.
- Bonjour Noëlle. C’est rare qu’on aie du monde à cette heure-ci. C’est dommage, c’est le meilleur moment pour prier. Tout est calme. Et notre esprit est clair, si on s’est couchés tôt.
- C’est mon cas, je me suis endormie en lisant un livre. La cloche m’a réveillée. Je suis venu voir.
- C’est l’appel de Dieu. Je me suis renseigné, vous étiez une sorcière sur Terre.
- Oui, mais en arrivant ici j’ai perdu tous mes pouvoirs. Alors je suis devenue une cuisinière.
- Nourrir les corps, c’est bien aussi. Je dois vous laisser. Bonne nuit Noëlle.
- Tu peux me tutoyer. Bonne nuit François.
- Au lever du jour je vais courir le long du port. Ça te dit de m’accompagner ?
- Du sport ? Se fatiguer exprès ? Non merci. Je vais dormir jusqu’au brunch.
- Bien, alors à demain, peut-être, au brunch.
- À demain.
Je l’embrasse sur la joue. Il a l’air surpris. Je me lève et je sors de la Chapelle. Je récupère ma bougie et je me retourne pour lui faire signe avant de tourner dans le couloir. Il a sa main sur sa joue. Étrange. Je rentre vite faire un gros dodo.
*
Vendredi 6 mars 2116. Je me lève en pleine forme pour le brunch. Il y a une salle pour ça. Je m’installe à une table près de la baie vitrée, au soleil. Le buffet est royal. Mais je ne reconnais pas les mets habituels d’Aurélie. François est là, il me voit perplexe.
- Je te conseille la salade de pamplemousse, je les fais pousser dans la serre, il sont très sucrés, trop peut-être.
- Ça alors. Tout vient d’ici ?
- C’est ça les religieux, ils passent leur temps à produire de la nourriture. Nous avons emprunté tout le savoir des druides. Ainsi, nous pouvons faire pousser pratiquement n’importe quoi n’importe où.
- C’est bon. Aurélie est au courant ?
- Elle vient souvent en stage, elle en profite pour se confesser.
- Il y a une différence de goût avec ce qu’elle fait. Quel est votre truc en plus ?
- On arrose à l’eau bénite.
- Évidemment, ça change tout.
Mais je vois son sourire en coin. Il plaisante. Je crois que je lui plaît. Il me regarde de haut en bas.
- Je vois que tu portes des couleurs neutres, je peux te faire entrer au Vatican si tu veux, je te montrerai les livres de cuisine des druides, c’est très intéressant.
C’est un rapide. Mais il a l’air sérieux.
- Mais elle est où en fait cette entrée ?
- C’est le même bâtiment que le Palais Royal. Les entrées se font toutes de l’intérieur. Il y en a douze.
- Pas treize ?
- Si, mais celle-là est secrète et indépendante.
Donc on passe par le Palais. Dans un couloir sombre, on s’arrête devant une grande porte en bois marron. Elle s’ouvre en coulissant. Il y a là deux cyborg coloriés qui barrent le passage avec des hallebardes. François sort sa croix de son cou et la met en évidence sur sa poitrine. Il ferme son col et ouvre une armoire à côté pour récupérer un foulard gris.
- Noëlle, as-tu une croix sur toi ?
Il parle tout doucement. Je réponds de même :
- Oui, je l’ai autour de mon cou, ça faisait partie des consignes pour venir en Principauté.
Je la sors et je la mets en place. Il la regarde de plus près.
- Ça fait longtemps que je n’en avais pas vue, avec le Christ crucifié. Si tu permets, je vais t’en donner une autre. Il ouvre un tiroir et me mets un grand chapelet autour du cou. J’en profite pour m’attacher les cheveux et il m’aide à les couvrir avec le voile. Il se place à ma droite et mets ses mains dans ses manches comme si il avait une aube avant de préciser :
- Restez toujours à ma gauche et suivez moi de près.
Les hallebardes s’ouvrent devant nous, on passe. On va tout droit, puis à droite, on monte des escaliers et on fait de même. Les autres religieux s’arrêtent et baissent la tête à notre passage. On arrive enfin dans une grande bibliothèque. Il ferme la porte derrière nous et se détend :
- Noëlle, bienvenue dans mon bureau.
Je regarde les livres. Il y en a beaucoup, dans toutes les langues.
- Tu les as tous lus ?
- Oui, bien obligé, ça m’a pris plusieurs décennies. Je suis en train de les relire à nouveau mais sans la pression des examens et des diplômes. En soixante ans, j’ai eu le temps de tous les passer. Maintenant c’est fini, je suis arrivé au sommet de mon incompétence.
Il y a plein de feuillets sur son bureau. Ce sont des corrections, de la B4. Il y a un sceau et une signature sur le dernier à droite : « Sa Sainteté le Pape François IV ». Je pointe le doigt dessus :
- Le sommet de ton incompétence ? Je croyais que les papes étaient anonymes et secrets.
- La B4 va tout changer.
- Vous vous appelez tous François ?
- En fait, j’ai gravi tous les échelons, et à chaque fois il y avait de moins en moins de prétendants. Ça a fini par tomber sur moi. À ce petit jeu il ne peut en rester qu’un. L’important, c’est de durer et c’est facile dans l’éternité. Les autres ont eu d’autres ambitions, ils sont entrés en tentation d’une autre existence. Le Vatican IV est en crise. Il faut évoluer. Fini l’anonymat. Je n’ai même pas de successeur en dehors de mes enfants. L’un d’eux devra se sacrifier à ma tâche ou c’en est fini.
Il y a un énorme livre ouvert sur un meuble qui a l’air d’être fait exprès pour lui. Il y a de jolies enluminures autour des deux colonnes par page.
- Quarante lignes par colonne. Et 1286 pages. Mais ce n’est qu’un résumé condensé de la B1. Celle-ci a toute une armoire dédiée près de la fenêtre. Mais assez parlé boulot. On va faire un peu d’exercice physique.
- Déjà ? Dans la chambre à côté ?
J’arrive à le faire rire.
- Non en fait, il y a quelques marches à monter pour aller au sommet du minaret, c’est comme ça qu’on l’appelle. La vue est splendide de là-haut.
- Le coup du minaret. C’est pas très catholique.
Je continue de plaisanter pour ne pas jouer les impressionnées et rester simple. Après tout, c’est un franciscain. Je ne lui fais pas l’affront de passer devant pour lui mettre mes rondeurs sous le nez en montant les petits escaliers en colimaçon. En un certains sens, je le respecte. Mais les hommes de pouvoir ne m’ont jamais soumise, j’ai plutôt tendance à les soumettre. Toute jeune déjà je fouettais le maire de Dijon qui était nu et à quatre pattes devant moi avec une boule dans la bouche. Il me manque mon François. François me tend la main car je peine à le suivre. Je l’attrape :
- Vous êtes sûr ? Attention, j’étais une sorcière avant et en ce moment mes pouvoirs remontent. On devrait se lâcher.
- Mais non, ça ne craint rien. J’ai la Foi pour me protéger.
On arrive tout en haut. La balustrade est assez basse. J’ai un peu le vertige, je tangue. Je suis éblouie par la lumière. Je sens ses mains sur mes hanches. Il me rassure en parlant près de mon oreille car il y a beaucoup de vent. J’ouvre les yeux et j’ai l’impression de voler au dessus du monde. C’est merveilleux. Je prends ses mains et je me blottis contre lui pour avoir moins froid. Mon foulard s’envole et mes cheveux lui couvre le visage. Je pense tout de suite à la composition de mon shampooing, il y a de l’aphrodisiaque dedans. Mais il a sa Foi qui le protège. Quoi que, je sens qu’il perd l’équilibre, on s’écroule à l’abri derrière un mur, à l’ombre, dans les bras l’un de l’autre.
- Ça va François ?
- Oui, désolé, j’ai eu comme un malaise.
- C’est ma faute, j’ai des substances dans mes cheveux.
Je lui mets une main sur la joue, ses yeux ont une couleur différente ici, ils sont presque bleus. On reste là un moment, le temps de reprendre nos esprits.
- François, Je passe devant, comme ça si tu tombes, c’est sur moi. T’as pas l’habitude, hein, des substances.
- Surtout celles-là. Jamais besoin avec mes nones. Elles ont faim.
J’éclate de rire. Ça résonne. Un pape ne devrait pas dire ça. Arrivés en bas on récupère sur un banc. Ça a été aussi épuisant de descendre que de monter. Je devais tout le temps le retenir. Il a le regard dans le vide.
- À quoi tu penses ?
- À promener mes doigts dans ton entre-cuisse.
- Ah bon ? Tu avais quel âge en 2057 ?
- J’étais un jeune séminariste, très jeune.
- Je vois. Tu n’as jamais joué avec une terrienne. Passe donc me voir ce soir après les vêpres. Je te montrerai. Aller, debout.
- J’ai soif.
C’est une réplique de la B2. Il va mieux. Je le ramène mais il m’arrête net.
- Noëlle, il te faut un foulard.
Il m’entraîne dans un placard. On trouve quelque chose qui peut faire l’affaire. Je me rattache les cheveux et il m’aide à accrocher le torchon sur ma tête. Il a les deux mains sur mes joues et il regarde le résultat puis le fond de mes yeux.
- C’est parfait.
Je m’approche doucement mais il ne m’embrasse pas alors je le serre contre moi. Je le sens respirer calmement. Il me serre aussi. Et puis on ressort de là. Je me place à sa gauche. J’attends qu’il parte pour le suivre. Mais avant, il me prend la main. Et on y va.
*
J’ai trouvé des cierges et je les allume à la nuit tombée autour de mon lit dans la chambre. Ça fait un peu cérémonie occulte. Le mot est bien choisi. Je mets une jolie nuisette rouge et je me balade a pieds nus pour faire sécher le vernis sur mes ongles. Parfum OK. Coiffure, impeccable, des jolies boucles, une vraie poupée. Un peu de gloss sur mes lèvres. Je regarde le code. Merde, c’est celui au Philtre. Tant pis. Le pauvre, je vais encore lui retourner la tête, si c’est pas le reste. Toc toc. Je regarde à travers le juda. Qu’est qu’il fout en noir ? Avec le col blanc et une Bible à la main. J’ouvre :
- Non merci j’en ai déjà une.
Et je referme. Je regarde dans le juda. Il regarde sa Bible et la jette dans les plantes derrière lui. Il va pour retoquer quand je rouvre la porte et je le tire par le bras pour le faire rentrer. Je referme vite et je me retourne.
- Salut beau gosse. On se déguise ?
- Oui, c’est pour passer inaperçu.
On s’approche l’un de l’autre et on se respire, on se touche, on s’embrasse. Je l’attire vers la chambre et je commence à l’aider à enlever ses habits. On s’installe sur le lit à la lumière des bougies. Je me mets sur le dos, je remonte ma nuisette et je prends sa main pour la plonger entre mes cuisses. Il explore. Il caresse. Je ferme les yeux. Je le laisse jouer, découvrir, apprendre par mes gémissements, par mes mains qui guident ses doigts, sur moi et en moi. La leçon est finie. On passe à la pratique. Je l’explore à mon tour jusqu’à ce que ma bouche attise son désir déjà vigoureux. Et j’écarte les cuisses. Je crois qu’il prie. En latin. En entrant en moi. Je plaque ses mains sur mes seins, il ne résiste pas longtemps, il s’écroule déjà. J’attends qu’il se calme, qu’il récupère et puis je me retourne et je me mets à quatre pattes. Et là il prends son temps, il danse entre mes fesses, il commence à me secouer. Il en oublie son latin. Et il exploite l’endurance qu’il a acquise pendant ses longs jogging. Mes fesses claques sous ses ac-coups. Je reste silencieuse pour que ça dure, pour ne pas trop l’exciter et seules mes inspirations haletantes trahissent le plaisir et le bien qu’il me fait à me prendre comme une bête. D’ailleurs il commence à émettre des bruits d’animaux, des râles, je n’ose pas me retourner de peur de le voir être transformé en Diable ou je ne sais quoi. Il donne un grand coup puis plus rien, il râle, c’est fini. Je me laisse crier aussi et on tombe terrassés, l’un à côté de l’autre, l’un encore dans l’autre. On reste là pendant un moment. Et puis il ressort doucement et me tourne face à lui pour m’embrasser langoureusement avant de s’endormir dans la moiteur de nos fluides.
*
Samedi 7 mars 2116. Je me réveille sous ses bisous. Il fait jour et il est toujours là. Il a dû louper une Messe ou deux. Il descend frotter son visage contre mes seins avant de continuer son chemin, je me cambre pour le laisser bien nettoyer toute mon intimité. Et on finit par tout recommencer sous la douche. C’est le week-end aussi pour le pape alors on va passer la journée ensemble. Toutes les heures on s’isole discrètement et il me laboure consciencieusement. Quelle énergie ! Quelle frénésie ! Je lui fais de l’effet. J’ai peut-être un peu trop forcé sur les substances.
- François, stop !
- Ouf, j’ai cru que tu n’allais jamais le demander.
- Demain on va à la Cathédrale, j’ai besoin que tu tiennes debout.
Mais comme je le chevauche juste avec ma chemise ouverte, ça le fait encore réagir et il me palpe les seins alors j’aspire sa bête entre mes cuisses et j’essaie de le bloquer. Et dire qu’on pensait avoir tout vu avec les Borgia. C’est bon, je le tiens, on arrête de jouer. On se rend présentables pour le brunch. J’hésite mais finalement je remets le foulard en laissant dépasser les cheveux. Avec les lunettes de soleil oversize, ça donne un certain style. Lui est toujours en blanc.
- T’es pas si blanc que ça, François.
- Je suis blanc comme neige, aussi pur qu’un ange. C’est toi la sorcière.
Je sors mon crucifix et je le mets en évidence.
- Fais attention si tu ne veux pas finir sur la croix avec la tête en bas comme Saint Pierre lorsqu’il est arrivé à Rome.
- Faut pas croire tout ce qu’on a marqué dans les livres.
Un petit bisou et on y va, se montrer au grand jour, mais sans geste déplacés et ostentatoires. Mais j’ai du mal à ne pas lui tenir la main. Frances joue avec ses enfants, Georges et Diana, sur la terrasse naturelle où un parc ludique est installé. Avec François on va se mettre sur les balançoires. Je ne vais pas trop haut car j’ai une grande jupe blanche et légère qui ne demande qu’à se soulever. Je fais vraiment touriste de passage. Frances nous regarde avec admiration :
- Vous allez tellement bien ensemble.
Je m’approche d’elle pour lui murmurer à l’oreille :
- Il avait l’habitude de jouer à saute moutons avec trois nonettes mais apparemment je donne le change et je suis à la hauteur de ses attentes.
Enfin, j’essaie. Le soir je prends sur moi quand il marque son territoire entre mes fesses et que je lui crie :
- Vas-y, homme de pouvoir, marque ton territoire.
C’est l’équilibre des multivers. J’ai fait la même chose avec le Maire dans l’autre Monde. Et c’est dans cette acceptation que la douleur se transforme en plaisir et que je me complais dans cette soumission à un homme d’église, l’Homme de l’ Église. J’arrive à vite l’interrompre par quelques mouvements et quelques cris excitants et je me surprends à aimer ça, comme si un verrou s’était ouvert dans ma psyché, ou alors c’est peut-être juste un réflexe de survie à un viol. On est en pleine Bad Romance. Et quand je me retourne comme une proie qui se dégage, il a l’air encore plus traumatisé que moi. Alors je le prends dans mes bras et je le rassure. Je crois qu’on a atteint nos limites.
*
Dimanche 8 mars 2116. Je vais au baptême avec François, il est en civil et inconnu de tous, je le présente comme mon conseiller spirituel et je lui tiens la main de peur qu’il ne se sauve.
- François, tu assures. Même Patrice ne sait pas qui tu es on dirait. Ou bien ?
- En fait, il n’y en a qu’une qui m’a reconnu.
Je cherche autour de l’autel.
- Qui ?
- Pas là, dans l’assistance.
Je me retourne et je cherche un regard. Je trouve celui de Ad qui me fait les gros yeux. Je lui fait un clin d’œil et des grimaces obscènes, ça la fait sourire. Mais je dois lâcher François pour m’approcher de l’autel et y tenir mon rôle de Marraine. J’ai bien fait de mettre mon foulard, je le trouve très adéquat et bizarrement je me sentirais nue si je ne l’avais pas. C’est ainsi que je signe anonymement ma liaison privée avec le pape. De merveilleux chants remplissent la Cathédrale pour clore la cérémonie. On dirait le sacre de Juliette et Roméo par la Marraine papesse Noëlle.
À la fin de la cérémonie, avant d’aller à la réception dans le jardins du couvent, j’emmène François à la Chapelle Victoria et en y entrant je réalise une chose en voyant les statues de Jeanne et de Greta. Moi aussi je suis possédée. Et c’est François qui me possède. J’appartiens à quelqu’un. Je lui appartiens. Il est mon propriétaire. Et je l’aime. J’espère que lui aussi. Il est peut-être encore sous le choc pour s’en apercevoir.
- François, dis-le moi quand tu le sauras. Moi je sais maintenant, alors je te le dis : je t’aime.
Et entre les deux statues je l’embrasse comme une mariée à son mariage. Nous sommes surpris par Adé. Je crois qu’elle veut me parler alors je laisse François aller seul à l’after. Elle le regarde partir puis elle se retourne avec un souire :
- Maintenant je comprends pourquoi les corrections de la B4 prennent du retard. Et il y a un chapitre qui devient anormalement long, je crois que ça parle de toi.
- Je ne savais pas que tu étais encore dans le coup, Phoebe Montaigne.
- C’est une tâche dont je n’ai pas pu me débarrasser, je m’étais engagée. C’est comme lui, il n’y a pas plus engagé. Mais il n’est que de passage, comme moi. On n’est plus pape à vie, surtout dans l’éternité. Si tu es patiente, un jour, il sera tout à toi.
- Je crois qu’il l’est déjà. À moins que ce soit moi qui le soit. Et toi ?
- Il aurait bien voulu m’avoir. Il me relance souvent. Mais quelque chose me dit que je vais être tranquille maintenant.
- Il ne t’a même pas calculée.
- C’est le protocole en dehors du Vatican. Il n’a ses fonctions que sur place. Il n’est pas légitime ailleurs. Le prochain le sera, ce sera un local. Mais ce sera dans longtemps. Au prochain Vatican. À la prochaine Bible.
- Encore une information qui a fuité de l’Invisible. Et on doit faire avec. Pauvre Lou, elle a un long parcours qui l’attend.
Adé s’approche et me regarde bizarrement, de très près. Elle le voit. Elle le sent. Pas la peine de me toucher.
- Tu retrouves tes pouvoirs, mais tu as l’air de maîtriser cette fois-ci.
- J’espère bien. Ça m’a assez gâché la vie sur Terre. Hors de question de revivre ça.
- C’est pour ça, tes tendances, suicidaires.
- À ce propos, je ne sais pas si tu as eu accès à mon rapport. Les Chevaliers de l’Apocalypse ne sont plus les seuls à avoir leur solution finale. Les agents ont une arme fatale contre les élus de l’Invisible.
- Je me suis désengagée de la religion pour me consacrer à l’Invisible alors oui j’ai lu ton rapport.
- Tu as choisi ton camp.
- C’est pas facile de concilier les deux. C’est un mélange des genres que je ne digère plus. Pour moi, passer de l’un à l’autre est une évolution. L’Invisible, je le pratique tous les jours à a Clinique Centrale avec ce don que j’ai toujours eu, je viens d’une longue lignée de rebouteux, des magnétiseurs. Mais je n’ai pas ton talent.
Je lui tend la main, elle la prend. On regarde les statues.
- Bonne Chance Noëlle.
- Merci Phoebe.
Et on rejoint les baptisés dans les Jardins du Couvent à côté de la Cathédrale.
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