Chapitre 20
Un silence de plomb baigne la maison au moment où j’ouvre les yeux, allongée sur le sol. Le ciel noir et constellé d’étoiles éclaire ma fenêtre. J’ai dû m’évanouir plusieurs heures. Ma bouche est pâteuse. Je peine à me relever sans être prise par des vertiges.
Des images, plutôt des sons atroces se manifestent dans ma boîte crânienne. Je tente d’oublier. De me convaincre qu’il s’agissait d’un rêve. Mais l’ambiance toxique est présente. D’autant plus que je ressens une petite odeur inhabituelle de l’autre côté de ma chambre, qui ne parvient pas à être écrasée par l’encens goût pomme diffusé sur mon bureau. Un mauvais pressentiment survient. Et là, je réalise la barbarie qui s’est produit à deux pas de ma porte.
Je pleure sans crier. Les larmes roulent. Mon visage effectue des grimaces de désespoir.
Je réussis à me mettre debout et dirige mon index sur l’interrupteur, à côté de mon bureau. Je n’y vois pas grand-chose, mais je connais suffisamment bien ma chambre pour ne pas être ralentie par mes meubles.
Non, Alice ! N’allume pas la lumière. Il pourrait être n’importe où et te repérer.
J’écoute mon soupçon de lucidité et reste dans le noir complet. Dans le tiroir de ma table de chevet, une petite lampe de poche est rangée. Elle s’apparente à un petit stylo de dix centimètres avec, à la place du bouton-poussoir, un morceau de caoutchouc. Il suffit d’exercer une pression dessus pour l’éteindre ou l’allumer. Vous savez, le genre d’objet que vous utilisez une ou deux fois et que vous ne revoyez jamais après. Eh bien, cette théorie est fausse dans mon cas présent. La puissance a dû diminuer depuis le temps que ça s’assèche ici. Tant mieux, c’est simplement pour voir à cinquante centimètres devant moi.
J’appuie sur le petit bouton noir et un léger faisceau transcende la nuit sur quelques centimètres. Un stress imprévu m’envoie un signal ; j’espère que Tony n’est pas là et, si tel est le cas, qu’il ne perçoit pas de différence maintenant que j’ai une petite lampe pour me tenir compagnie.
En regardant mes pieds, près de la porte, je distingue une forme rectangulaire fine. Je l’éblouis pour mieux l’observer.
Le post-it !
J’essaie de ne pas pleurer en relisant le message de ma mère. Au dos, je décolle la clé du scotch.
Que faire maintenant ? Sortir de la maison et espérer que personne ne remarque ma présence. Nous savons très bien de qui je parle lorsque je dis personne.
J’aviserai. De toute façon, je dois sortir de là. Peut-être que je peux déceler discrètement un téléphone dans le salon et ainsi appeler les flics. Pendant un instant, la peur me saisit. Dans quel état vais-je découvrir maman. Mes mains tremblent d’angoisse.
Tu es forte Alice.
J’inspire un grand coup puis, avec difficulté, insère la clé dans la serrure. Elle rentre, mais pas jusqu’au bout. Durant une poignée de minutes anxieuses, j’abandonne.
Je tombe à genoux, mais ne hurle pas. Le silence est mon seul allié. Le temps, mon ennemi.
Je suis enfermée ici et la clé que m’a donné ma mère ne m’est d’aucune utilité.
Dans quelques jours, si je ne fais rien, la faim et la soif auront eu raison de moi.
Le temps m’aura vaincu.
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