Chapitre Trois

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Je n'avais pas fini de me poser des questions, car le soir venu, et après avoir passé la journée à dormir, l'homme qui se prétendait médecin, mais laissait à la jeune fille aux cheveux flamboyants le soin de m'ausculter, lui fit enlever mes bandages.

« Mais... je croyais... »

Ma peau était intact, à peine rosée, à l'endroit où l'os avait déchiré la chair. Je pouvais désormais m'asseoir sans ressentir la moindre douleur ni nausée, et mon bras était totalement fonctionnel. C'était incroyable. Improbable. L'homme me sourit, imperturbable face à mon regard incrédule et méfiant.

« J'étais blessée.

- Et je t'ai soignée. » confirma-t-il d'un hochement de tête. Il ne m'en dirait pas davantage. J'avais l'impression qu'il se méfiait de moi, lui aussi. Je n'insistais pas.

J'avais pour consigne de me reposer pour accélérer la fin de ma convalescence, mais je me sentais bien mieux que je ne l'aurais dû. J'étais persuadée que ma place aurait dû être dans un lit d'hôpital, et non pas perchée dans un arbre. Car en mettant le nez dehors, j'avais reçu un choc : le village se trouvait exclusivement composé d'arbres. Les habitants avaient creusés à même le tronc pour y installer leur demeure, et d'immenses ponts en bois reliaient les arbres les uns aux autres. Par quel prodige des arbres avaient-ils pu atteindre cette taille, mystère.

« Tu dormiras avec moi cette nuit. Demain, on s'occupera de te trouver un endroit où vivre. » me déclara la rousse.

J'appris qu'elle s'appelait Ornélia, un curieux prénom, que j'entendais pour la première fois. Je l'observais déplier un grand morceau de tissu qu'elle accrocha sur deux murs opposés, comme pour former un lit suspendu.

« Où dormir, tu veux dire. » Je la corrigeais doucement. « En attendant qu'une équipe de secours arrive. »

Elle marqua un temps d'arrêt avant de répondre : « Oui, bien sûr. »

Elle s'allongea sur le morceau de tissu tendu à quelques centimètres du sol, en se balançant tout doucement. Les lumières projetées par des globes accrochés au mur baissèrent progressivement, jusqu'à ne former qu'un faible halo.

« Lumières automatiques ?

- Quoi ?

- Non, rien. »

Très vite, sa respiration se fit lente et harmonieuse. J'avais l'impression de n'avoir fait que dormir depuis que j'avais ouvert les yeux après mon accident. On ne m'avait autorisée à marcher que pour rejoindre la chambre d'Ornélia. Son frère était soulagé de me voir partir. Il ne devait pas avoir l'habitude qu'une fille dorme dans son lit.

La fenêtre n'ayant pas de vitres, je pouvais entendre tout ce qui se passait à l'extérieur. Je n'avais pas l'habitude d'une telle cacophonie. Ça crissait, ça hululait, ça piaillait. Et Ornélia dormait comme une bienheureuse malgré les grattements et autres bruits d'animaux. Comment faisait-elle ? Les murs et fenêtres de mon appartement étaient conçus pour ne laisser filtrer aucun bruit, et même sans cela, il n'y avait absolument aucun animal en liberté. Les hauts parleurs placés dans les Espaces Naturels Artificiels (E.N.A.) diffusaient des bruits qu'on aurait pu entendre s'il était encore possible de se promener dans la nature : pépiement d'oiseaux, bruits du vent dans les arbres... mais la nuit, il n'y avait plus un seul son dans les rues, à part celui des nettoyeuses automatiques qui parcouraient la ville avec leurs balayeuses.

Ici, tout était si... bruyant. Différent. J'essayais de faire abstraction de la nature en ébullition, mais je n'étais pas à l'aise. Je n'étais pas chez moi. J'avais eu un accident, j'ignorais ce qu'il était advenu des autres passagers. Je ne savais pas où j'étais, ni quand on allait venir me sauver. En enfouissant mon visage sous les couvertures, je me mis à pleurer.

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