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Les deux jeunes hommes voyaient peu Sevastian. Il supervisait les opérations au poste de commandement, afin de prévoir toutes les éventualités, une fois sur l’Île.

Eliah comprit qu’Asbel se sentait délaissé par son père. Ils avaient, avec Dimitri, élaboré ce plan ensemble. Son frère n’avait pu venir, à cause de ses prothèses. Le cadet avait donc pensé se rapprocher de son géniteur. Celui-ci l’évitait constamment ou repoussait leur conversation.

Les garçons passaient le plus clair de leur temps ensemble. Les mercenaires restaient entre eux, se montraient parfois hostiles à l’égard de l’Îlien. Alors, il essayait tant bien que mal de rester avec le blond, pour lui soutirer des informations et lui paraître amical, en dépit de sa rancune. Les rôles étaient inversés, songeait-il avec amertume.

Cette situation lui créait une angoisse intense, dont il ne parvenait pas à se défaire. L’avenir de sa planète reposait sur ses épaules. Il avait livré de nombreux renseignements pendant ces semaines à la villa, sans savoir ce qui serait utilisé dans l’invasion. Ses peurs se manifestaient sous forme de cauchemars qui le réveillaient en sursaut, mais dont il ne gardait aucun souvenir.

La journée, Eliah réfléchissait pendant des heures au meilleur moyen de s’enfuir. Il feignait de se perdre dans le vaisseau pour visiter le plus possible et comprendre l’agencement, afin de repérer les possibles échappatoires.

Il débuta par la salle de commandement, située dans une sorte de bulle en verre dépassant de la carlingue. Des dizaines d’hommes calculaient en permanence la trajectoire à suivre, selon des opérations mathématiques complexes. Les ordinateurs surpuissants affichaient des suites de chiffres incompréhensibles aux yeux d’Eliah.

D’après les conversations épiées, la salle des machines se trouvait juste en dessous, mais impossible de s’y rendre sans éveiller les soupçons. Le dortoir des soldats se situait dans l’aile est, un étage en dessous des quartiers de l’équipage. Au réfectoire, des robots se chargeaient de préparer et servir les repas. Une fois arrivés à destination, des rations seraient distribuées à chaque homme. Sevastian avait voulu s’encombrer le moins possible ; si bien que les deux seuls médecins à bord étaient également mercenaires. Quatre ingénieurs et techniciens s’occupaient des machines et se relayaient jour et nuit, dans un rythme effréné, pour garder le cap. La zone ouest regroupait les armes et le matériel.

Ne pouvant échapper à la surveillance des militaires ou d’Asbel, le Novichki laissait trainer ses oreilles, notamment durant les repas. Il glana ainsi de précieuses informations grâce à des soldats inquiets :

« Imagine si ces sauvages nous tombent dessus en arrivant…

- Sevastian a tout prévu, morigéna un autre.

- Mais, on ne sait jamais. Il n’est pas devin », marmonna le premier.

Assis sur le même banc, mais à quelques mètres, un homme se rapprocha des militaires et leur expliqua :

« S’il nous arrive quoi que ce soit sur l’Île, la balise de détresse sera immédiatement envoyée. Elle a été conçue spécialement pour cette expédition. On peut aussi transmettre un message. Mais elle est beaucoup moins rapide qu’un vaisseau donc elle mettra plus de temps à arriver jusqu’à Rianon. »

Eliah se retint de se retourner. Il touilla nerveusement sa bouillie. Un court silence accueillit les paroles de l’expert.

« Je suis Stef, d’ailleurs, ingénieur aux machines.

- On vous voit pas souvent, nota un mercenaire.

- Nous sommes assommés par le travail, mais il faut bien manger. Et ça me fait du bien de voir de nouveaux visages. »

Ils se serrèrent la main.

« Donc, on est en sécurité grâce à vous. Au moindre pépin, bim, Rianon à la rescousse !

- Hum, ce n’est pas aussi simple, contredit Stef. Je vais bientôt devoir m’éclipser, mais pour faire simple, nous n’avons qu’une balise de détresse à bord. Elle ne doit être utilisée qu’en cas d’extrême nécessité. La metelite ne pousse pas aussi vite que les naztec, vous voyez. On ne va pas la gaspiller. »

Il leur souhaita une bonne fin de repas et quitta le réfectoire en trottinant.

Eliah se souvint avoir déjà entendu le nom de cette pierre. On l’utilisait pour remplacer les autres technologies défectueuses sur l’Île.

« Bon, voilà t’es rassuré ? reprit le deuxième soldat. Soit elle nous sauve, soit elle prévient Rianon qu’on a gagné. On devrait pas trop mal s’en sortir.

- Mais si on l’envoie avant notre victoire, il peut nous arriver plein de choses le temps que les renforts arrivent…

- Je te savais pas si froussard, mon gars ! T’as fait tes classes où ? »

L’Îlien se gratta le menton, songeur. Dès leur arrivée au Sanctuaire, l’équipage ne pourrait donner aucune nouvelle jusqu’à leur réussite – ou appeler des renforts. Sevastian devait bien informer son autre fils, Dimitri, d’une façon ou d’une autre.

« T’es sur que tu vas survivre au quatre semaines d’expédition ? »

Un nouveau poids tomba sur les épaules d’Eliah. Il disposait donc d’un mois pour s’enfuir et prévenir le Seigneur de l’Île. Le quinquagénaire s’était fixé ce délais afin d’envahir la planète.

Au-delà, Sevastian préviendrait le gouvernement de Rianon d’une façon ou d’une autre et une offensive serait lancée. Le Novichki devait à tout prix saboter cette balise et le plus d’équipement à bord afin de les ralentir. Mais il n’avait aucun moyen d’y parvenir, les soldats pullulaient partout.

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