Le Vol et les Gratte-Culs
« Vous savez qu’il y a tout un tas de trucs dans l’économat, juste derrière l’école ? » commença Luca, les yeux pétillants de malice. « Des stylos, des calculettes… tout ce dont on a besoin en classe. Si on se débrouille bien, on pourrait en récupérer sans que personne ne le sache. » Il baissa la voix comme s’il racontait un secret précieux, bien conscient de l’effet qu’il faisait sur Samir et Dragan.
Samir échangea un regard avec Dragan. Tous deux semblaient partagés entre l’excitation et une légère hésitation. Cela faisait déjà plusieurs semaines qu’ils traînaient ensemble, et ils avaient compris que Luca aimait bien prendre des risques. « C’est dangereux quand même… Si on se fait choper… » murmura Samir, essayant de paraître plus sérieux qu’il ne l’était vraiment. Mais au fond de lui, l’idée de braver les interdits l’excitait.
« Bah, tu fais toujours ton petit prudent, Samir, » rétorqua Luca avec un sourire en coin. « On va juste emprunter, pas voler. On rendra rien, mais bon, c’est pas grave. » Dragan pouffa de rire. « Ouais, c’est comme emprunter pour toujours ! »
Le plan de Dragan allait simplifier les choses. Quelques jours auparavant, il avait trouvé les clés du concierge, oubliées dans les couloirs près des toilettes. « J’ai une super idée, » avait-il annoncé à ses amis avec un sourire énigmatique. Pas besoin de forcer une serrure ni de jouer les cambrioleurs avec un tournevis. Ils n’auraient qu’à entrer tranquillement quand le concierge ne serait pas là.
Le jour J, un jeudi à la fin des cours, ils se retrouvèrent derrière l’école, près de la porte de l’économat. Ils savaient que le concierge était toujours absent le jeudi après-midi, c’était donc le moment idéal pour agir. « Alors, c’est maintenant ou jamais ! » murmura Dragan, ses doigts serrant les clés avec une certaine nervosité. Luca le poussa légèrement. « T’as peur ou quoi ? C’est qu’une porte ! » Dragan le fusilla du regard, mais au fond, il avait un peu la boule au ventre. C’était bien la première fois qu’ils faisaient quelque chose d’aussi risqué.
La porte s’ouvrit dans un grincement, et Luca entra le premier avec une assurance feinte. Samir et Dragan suivirent, jetant des coups d’œil nerveux autour d’eux. L’économat ressemblait à une caverne d’Ali Baba pour des enfants de leur âge : des étagères pleines de stylos, de règles, de calculatrices… tout était bien rangé, comme si personne ne s'attendait à ce que trois garnements viennent piller les lieux.
« Oh là là, on est riches ! » s’exclama Luca en regardant autour de lui. Il se dirigea vers une étagère et commença à prendre des stylos. « Je prends ça, et ça… et ce chronomètre aussi, ça va être rigolo. On pourra se chronométrer lors de nos courses à vélo ! » Il riait doucement, déjà imaginant leurs compétitions sous un nouveau jour.
« T’es bête, tu vas vraiment utiliser ça ? » ricana Dragan en attrapant une paire de ciseaux qu’il faisait claquer nerveusement. « Moi, je prends des trucs utiles… des cutters, des poinçons, des agrafeuses… on sait jamais, ça pourrait servir. » Il semblait prendre inconsciemment des objets qui, entre ses mains, pourraient bien se transformer en armes. Samir les observait en silence, prenant une poignée de calculatrices, des équerres et des compas. « Vous êtes vraiment des bébés, on prend juste ce qu’on peut cacher dans nos sacs, pas la peine de tout embarquer. »
Le trio sortit aussi discrètement qu’il était entré, le cœur battant la chamade. Ils traversèrent la cour sans un mot, l’excitation encore palpable. Une fois loin de l’école, ils vidèrent leurs sacs derrière un buisson de cynorhodon. « Hé, y’a plein de gratte-culs ici, » fit remarquer Dragan en en ramassant quelques-uns. Sans hésiter, ils en prirent pour les sécher chez eux. « On pourra se faire une petite réserve de poils à gratter et les glisser dans le dos de nos potes les jours prochains, » ajouta Luca avec un rire espiègle. C’était leur façon à eux de prouver qu’ils étaient déjà des garnements redoutables, mais rien de bien méchant.
Samir haussa les épaules en souriant. « Ça va, au moins on a quelque chose. » Mais c’est Dragan qui était le plus fier de lui. « On n’a pas fait ça pour les objets. C’était pour voir si on en était capables ! Et je vous le dis, on pourra faire bien mieux la prochaine fois. »
Ils se regardèrent, un peu stupéfaits par ce qu’ils venaient d’accomplir. C’était leur premier véritable défi, la première transgression d’une longue série, se disaient-ils. « On est des vrais, maintenant, » affirma Luca, ses yeux pétillants d’amusement. « Vous verrez, ce n’est que le début. »
Annotations