Le Royaume des Cabanes
Leur terrain de jeu s'étendait au-delà de l’école. Après le vol dans l’économat, Samir, Dragan et Luca commencèrent à explorer les environs, à la recherche d’endroits isolés où ils pourraient échapper au monde. Deux lieux attirèrent rapidement leur attention : le camping, avec ses caravanes vides, et les jardins ouvriers, où de nombreux cabanons étaient abandonnés pendant les mois d’hiver.
Le camping, situé à quelques mètres de la piscine municipale, était un lieu vivant pendant l’été, plein de vacanciers et de familles. Mais dès le mois d’octobre, il se vidait, laissant derrière lui des caravanes désertées jusqu’en mars. C’était Luca qui avait repéré l’endroit. « Le camping est fermé, plus personne n’y met les pieds. On pourrait voir ce qu’il y a à l’intérieur, » avait-il proposé en sortant de l’école un après-midi d’automne.
Dragan et Samir n’hésitèrent pas longtemps avant de le suivre. Ils avaient déjà pris goût à leurs explorations et savaient qu’il y avait toujours quelque chose à découvrir dans ces lieux abandonnés. Leur première visite au camping fut à la fois excitante et pleine de nervosité. Ils se faufilèrent entre les caravanes, vérifiant si l'une d'elles était ouverte. Luca finit par trouver une porte qui n'était pas verrouillée. « Celle-là, elle est à nous, » lança-t-il, le sourire aux lèvres.
À l’intérieur, l’ambiance était étrange. Tout était resté en place comme si les propriétaires avaient quitté les lieux en urgence : des couvertures pliées, des ustensiles de cuisine, et même des magazines abandonnés sur la table. « On pourrait en faire notre planque, » suggéra Dragan en observant la petite caravane. « Personne ne viendra ici avant des mois. »
« Et on pourrait même… comme… faire des trucs ici, » ajouta Luca en regardant autour, ses yeux brillants d'idées malicieuses. « Genre quoi ? » demanda Samir, intrigué mais méfiant. « Je sais pas, des courses de voitures avec les chaises, ou des concours de qui tiendra le plus longtemps sur le lit qui bouge, » s’amusa Luca, tentant d'imaginer des jeux avec les objets du lieu. Dragan rit doucement : « T'es vraiment un gamin, toi. »
De leur côté, les jardins ouvriers, situés un peu plus loin, offraient une autre opportunité. Les cabanons de jardin, utilisés par les habitants pendant la belle saison, étaient également laissés à l’abandon dès que l’hiver approchait. Luca les avait également repérés. « C’est comme au camping, sauf que c’est plus facile d’entrer. Les portes sont en bois, et on peut forcer si besoin. »
Un après-midi, ils décidèrent d’aller explorer l’un de ces cabanons. Il ne fallut pas longtemps à Luca pour trouver une porte mal verrouillée. « Voilà, on n’a même pas besoin de forcer, » dit-il en la poussant doucement. L'intérieur était simple, presque vide : une table, deux chaises, et quelques outils de jardinage oubliés. « On pourra venir ici quand il fait trop froid dehors, » proposa Samir, toujours à la recherche d’un abri pour leurs aventures.
Ces deux lieux devinrent rapidement leurs repaires. Certains jours, ils se retrouvaient dans les caravanes, profitant de l’espace plus confortable. D’autres fois, ils s’installaient dans les cabanons des jardins ouvriers. À chaque fois, ils trouvaient des objets laissés derrière par les propriétaires : des vêtements, de la vaisselle, et même quelques bouteilles d’alcool oubliées. « Hé, on pourrait organiser une petite fête ici ! » plaisanta Luca en découvrant une bouteille de vin dans une caravane. « Ouais, toi et ton jus de raisin, » répliqua Dragan, moqueur.
Mais un jour, alors qu’ils fouillaient une nouvelle caravane, Luca tomba sur un objet inattendu. « Regardez ce que j’ai trouvé ! » Il brandit une montre en or. Samir et Dragan se rapprochèrent pour l’examiner. « On fait quoi avec ça ? » demanda Luca, ses yeux écarquillés par la découverte. « On pourrait la garder, elle doit valoir quelque chose, » répondit Dragan, toujours impassible.
Samir, cependant, ne partageait pas leur enthousiasme. Il regarda la montre avec une certaine hésitation. Voler des objets dans un économat scolaire ou prendre des objets abandonnés dans une cabane, c’était une chose. Mais s’emparer d’une montre en or, un bien personnel, cela semblait différent. « On devrait peut-être laisser ça ici, » dit-il finalement, sa voix plus basse. « Ça commence à aller un peu trop loin. »
Dragan, toujours réfléchi dans les moments critiques, hocha la tête. « Samir a raison. On fait ça pour s’amuser, pas pour devenir des voleurs. » Luca haussa les épaules, mais concéda. « Ok, on la laisse. Mais c’est pas comme si quelqu’un allait s’en rendre compte. » Ils remirent la montre à sa place, et ce moment marqua une pause dans leur exploration.
Les caravanes du camping et les cabanons des jardins ouvriers devinrent leur refuge durant l’hiver. Là-bas, loin du regard des adultes et des règles de l’école, ils étaient libres. Leur complicité grandissait à chaque escapade, mais Samir savait que ce jeu risquait un jour de les mener trop loin. Pourtant, pour l’instant, il était encore temps de profiter de ces moments, d’oublier les dangers, et de vivre ces instants comme une échappatoire au quotidien.
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