Chapitre 1 : Une place vide
La salle de cours était toujours la même : froide, impersonnelle, avec ces tables grises sur lesquelles des générations d’étudiants avaient gravé leurs initiales. Assis au fond, à droite, là où la lumière de la fenêtre tombait obliquement, j’avais pris l’habitude de m’y installer chaque jour, seul. Ce n’était pas une préférence sociale, mais plutôt une manière de préserver mon petit monde intérieur. J’étais Lucas, étudiant en littérature, et ma solitude n’avait jamais été une gêne. Elle était une compagne silencieuse, une couverture que je tirais sur moi pour mieux m’immerger dans les mots.
Ce matin-là, le cours avait commencé comme tous les autres. M. Lefebvre, le professeur de philosophie, écrivait au tableau d’une main distraite, tandis que les étudiants bavardaient ou pianotaient sur leurs téléphones. Rien ne semblait devoir perturber ma routine jusqu’à ce qu’elle entre dans la salle.
Elle avait franchi la porte avec une aisance presque imperceptible, comme si elle appartenait déjà à cet endroit. Son regard parcourut rapidement la salle avant de s’arrêter sur moi. Et, contre toute attente, elle s’avança jusqu’à ma table.
— Excuse-moi, cette place est libre ? demanda-t-elle.
Je bafouillai un « Oui, bien sûr » maladroit, surpris qu’elle m’adresse la parole. Elle posa son sac, tira la chaise, et s’installa sans hésitation. Elle sentait une odeur subtile de cèdre et de papier neuf, comme si elle sortait tout juste d’une librairie. Je ne savais pas encore que cet instant allait marquer le début d’un bouleversement que je n’avais pas anticipé.
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