Chapitre 3 : Le goût des mots
Clémentine aimait la littérature, mais différemment de moi. Là où je cherchais les subtilités d’un texte, les jeux d’écriture et les métaphores cachées, elle lisait pour ressentir, pour s’abandonner. Elle me parlait souvent de ses livres préférés avec une passion désarmante, et j’apprenais à découvrir les histoires à travers ses yeux.
Un jour, elle m’attrapa par le bras en sortant du cours :
— Tu connais "L'Écume des jours" de Boris Vian ? me lança-t-elle, les yeux pétillants.
— Oui, bien sûr, c’est un classique, répondis-je.
— Alors explique-moi pourquoi Colin et Chloé m’ont brisé le cœur, dit-elle avec une intensité qui m’ébranla.
Je ris nerveusement, mais son sérieux m’interrompit. C’était l’une des nombreuses choses qui me fascinaient chez elle : sa capacité à rendre les mots vivants, à en faire quelque chose de tangible. Alors, à ma grande surprise, je me mis à parler. Je lui expliquai comment Vian écrivait l’amour avec la légèreté d’un rêve et la gravité d’un cauchemar. Elle m’écoutait, attentive, et à la fin, elle murmura :
— Tu vois ? C’est ça que j’aime avec toi. Tu sais dire les choses que je ressens sans savoir les exprimer.
C’était la première fois que quelqu’un me disait ça. Et dans son regard, je vis quelque chose que je n’osais pas encore nommer.
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