Chapitre 3
La nuit commençait à obscurcir le ciel, le parsemant d’étoiles invisibles, l’aura lumineuse qui émanait de la ville ne permettant pas à l’œil humain de les contempler. Lord Brixton attendait son chauffeur depuis plusieurs minutes déjà. Jamais il n’avait été en retard, et James commençait à perdre patience. En colère par le manque de professionnalisme de son employé, il ne vit pas les trois hommes qui commençaient à l’encercler.
— Monsieur Brixton, commença l’un d’eux, le faisant sursauter. Le Serpent n’a pas apprécié le petit tour de magie que vous lui avez joué.
— De quoi parlez-vous, Albert ? osa James, mal à l’aise.
Les deux autres hommes, paraissant avoir leurs muscles plus développés que leurs cerveaux, firent quelques pas vers lui, menaçants.
— Voyons James, continua Albert. Vous savez bien que mon chef n’aime pas les tricheurs. La règle était pourtant simple : quatre cents millions, ni plus, ni moins.
Brixton tentait de garder la tête froide, paré à esquiver les coups, ou même prendre la fuite, si l’issue ne lui permettait pas de conserver son honneur. Il savait que tromper son fournisseur était un risque à prendre, le pistolet à sa ceinture en était la preuve ; néanmoins, il ne s’attendait pas à être pris à partie à ce moment-là. Il priait intérieurement pour que son chauffeur vienne mettre un terme à ce duel de dissuasion, le dénommé Albert semblant sur le point de gagner la partie.
— Ecoutez Albert, vous me connaissez. J’ai toujours payé ce que je devais. Je joue sur plusieurs plans, et j’ai une myriade d’affaire en cours. J’ai simplement dû confondre les mallettes.
Son interlocuteur ricana.
— Une confusion d’une petite centaine de millions de livres, ironisa-t-il. En effet, pour un homme de votre rang, ce n’est pas une somme importante.
Albert s’approcha du visage de James, le dépassant d’une bonne tête, puis agrippa son col. Brixton ne tenta aucunement de se défaire de son emprise.
— Je vous laisse jusqu’à demain, huit heures. Passé ce délai, considérez-vous comme un homme mort.
Une lumière de phare vint interrompre cet échange peu équitable, contraignant Albert à reculer. Une Mercedes noire vint se garer sur le bord de la route, et Oliver en sortit précipitamment. Il vint se placer aux côtés de James, toisant du regard les trois hommes qui agressaient son maître. Albert sentit qu’il était temps de partir, ou du moins, aperçut un fusil mitrailleur HK416 masqué par le manteau noir du majordome.
— Demain, huit heures, rappela-t-il en pointant James du doigt.
— Ce sera réglé, souffla l’intéressé.
Les trois hommes partirent sans plus d’accroc. James resta un long moment silencieux, rageant de n’avoir pu faire taire ce « salopard sans couille ». C’est Oliver qui vint le sortir de ses pensées peu cordiales.
— Monsieur, il vaut mieux ne pas traîner plus longtemps.
— Trainer ? releva James en colère. Non seulement tu es en retard, mais en plus tu me reproches de ne pas rentrer plus vite dans ma voiture ?
— Je vous présente mes excuses, Monsieur. Il s’avère que j’ai reçu un ordre provenant de votre part, pour aller acheter des fleurs à votre femme.
Brixton resta un instant silencieux, ne sachant que répondre. Le souvenir de la main d’Albert sur son cou, lui fit cependant passer l’éponge. Il devait s’acquitter de sa dette au plus vite.
ooo
Albert était satisfait de sa performance. Il se préparait un whisky, persuadé de l’avoir amplement mérité, lorsqu’un bruit de porte chassa sa bonne humeur. Il s’empara de son arme d’appoint, et s’engagea dans le couloir menant à l’entrée. La porte était ouverte, elle paraissait même avoir été défoncée. Il fronça les sourcils, mais n’eut pas le temps de se retourner : la sensation d’un métal froid dans son cou le figea.
— Qui êtes-vous ? osa-t-il.
Pour unique réponse, l’indésirable ôta son pistolet, permission implicite pour Albert de se retourner.
— Brixton ! s’écria-t-il. J’aurais dû vous tuer quand …
Bang !
Du sang s’échappait d’un petit trou percé dans le crâne d’Albert, et il s’effondra sur le sol, mort. A cet instant, un élan de satisfaction passa dans les yeux bleus meurtriers. Un cigare tomba de sa poche, alors qu’il se fondait à nouveau dans la pénombre lunaire. Un problème en moins à résoudre.
ooo
Le lendemain, le commissaire Lawrence était appelé pour une affaire de cambriolage qui avait mal tourné. Le malfaiteur avait défoncé la porte d’entrée, avant de s’en prendre au propriétaire des lieux qui l’avait pris en flagrant délit.
— Ça ne colle pas, souligna Lawrence. L’angle de tir, le pistolet retrouvé au côté du cadavre, le trou dans le crâne, et rien n’a été volé !
— Il est vrai que l’arme n’est pas celle qui a causé la mort de cet homme, conclut le médecin légiste. Le trou est trop gros.
Le commissaire était bien embarrassé par cette affaire. Il aurait préféré continuer ses investigations sur le Fantôme.
— Et ça, qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il.
Il venait de trouver le cigare malencontreusement tombé de la poche du tueur.
— Analysez-moi ça, ordonna-t-il. Qu’on règle cette histoire au plus vite.
ooo
Il repensait au meurtre qu’il avait commis la veille, et se demandait si la police avançait sur l’affaire. Ainsi, il se rendit dans sa salle d’espionnage, et mis en route son processeur. Il avait réussi à mettre la police sur écoute, et parvenait, depuis plusieurs jours, à prévenir chacun de leurs actes. Sa réputation était pour l’instant maintenue. Le Fantôme n’était pas prêt à rejoindre l’Enfer.
Il était certainement l’un des hommes les plus riches du monde, ses plans rapportaient gros. La fortune qu’il était parvenue à amasser ces derniers jours, sur le dos du Serpent, n’était qu’un petit bonus en comparaison. Oui, il avait bien trop d’argent pour que ses actes soient purement pécuniers : il aimait jouer, et pour le moment, il avait déjà remporté la première manche.
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