Chapitre 1-Envoûté par les Destins

2 minutes de lecture

Écrire, c'est faire pleurer sans tendre un mouchoir.

Antonio Lobo Antunes

Et de pleurer. Nous devons nous attacher à la littérature afin de contempler toutes les destinées humaines. Par ce biais, nous constatons que certaines personnes sont privilégiées alors que d’autres, malheureusement, ne connaissent que sanglots et peines. Lorsqu’on me raconte une histoire triste, en retour, elle me fait verser des larmes. Je me souviens particulièrement d'un moment où cette capacité de la littérature à nous émouvoir s'est manifestée dans ma propre vie. Ce fut le cas après une expérience que j’ai eue à la suite d’une rencontre sur Internet.

Cela se produisit un soir de mars 2020 lorsqu’un homme âgé me contacta par téléphone. J’avais indiqué sur un profil Facebook que j'offrais mes services d'auteur. Dans le même message, j’avais indiqué mon contact. Il me demanda de rédiger, la vie réelle d'un garçon prénommé Georges. Il me sollicita pour relater la saga d’une façon objective, y compris dans ses aspects les plus obscurs. J'analysai la proposition sous tous les angles. Après avoir réfléchi pendant une semaine, je décidai d'accepter. Par la suite, nous connaissant mieux, il me fit des confidences sur sa santé. Il ne lui restait que quelques semaines à vivre après avoir contracté la COVID-19.

L’urgence de la situation me fit comprendre qu’il fallait que je saisisse le clavier de mon ordinateur afin d’entreprendre la tâche de scripteur. Les premiers chapitres du roman prenaient forme sous mes doigts avec une énergie remarquable. Chaque mot prononcé revivait dans ma chair comme si j’en avais vécu le contenu. Toute phrase écoutée devenait un fragment de ma vie, une pièce d'un puzzle complexe que je m'efforçais de reconstituer.

Au fil de nos conversations téléphoniques, je me surpris à être de plus en plus absorbé par l'histoire de Georges. Ce qui avait commencé comme un simple travail d'écriture se transformait progressivement en une expérience profondément personnelle. Chaque détail, chaque anecdote que l'homme âgé me racontait résonnait en moi d'une manière inattendue. Je me mis à réfléchir non seulement à la vie de Georges, mais aussi à la mienne. Comment aurais-je réagi face aux situations qu'il avait vécues ? Quelles émotions aurais-je ressenties ? Ces questions, d'abord timides, devinrent de plus en plus pressantes, m'entraînant dans une introspection que je n'avais pas anticipée au début de ce projet. Cette interrogation m’accompagna lors de toutes nos conversations incessantes. Elle émailla mes pensées. Pourtant, un jour, nos échanges cessèrent brutalement. Je n’ai plus eu de nouvelles. Cette rupture me laissa perplexe. Je ne pouvais pas en connaître la cause. Était-ce sa disparition, un changement d’humeur ? Un vide s'installa, laissant place à une solitude pesante, comme si une partie de moi-même s'était évanouie avec lui. Mais paradoxalement, cette interruption dans notre relation téléphonique me rendit service. Elle me permit d'achever mon travail dans le calme. Cette plénitude géra mes frénésies en m’aidant à créer les transitions temporelles manquantes dans le récit. Grâce à cela, lorsqu’une phase n’était pas explicitée, j'imaginais une explication logique, la plus plausible. Alors, petit à petit, je m’immisçai dans le rôle principal en lui insufflant mes propres émois. Comme un dieu créateur. Cette agitation intérieure cessa lorsque la dernière touche du clavier ne résonna plus sous mes doigts.



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