Chapitre 1 - Un parfum de liberté

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Un rayon de soleil pénétra la chambre où dormait Lucian, lui caressant le visage de sa douce chaleur. Ce dernier ouvrit lentement les yeux, les laissant s’accoutumer à la lumière ambiante. Il avait très mal dormit, ses songes constamment envahis par le regard suppliant de la femme qu’il avait achevée la veille. Ses yeux remplis de larmes et de pitié, sa voix qui le suppliait de lui laisser la vie sauve… L’homme resta ainsi, allongé sur le lit, se remémorant ces événements. Les repassant sous plusieurs angles, il se demandait si il aurait pu éviter cette conclusion tragique. Mais dans tous les scénarios qui se bousculait dans son esprit, elle finissait à chaque fois de la même manière : morte, assassinée par ses camarades.

Se redressant au bout de quelques minutes sur le grand lit, il lança un regard autour de lui, comme si c’était la première fois qu’il dormait ici. Sa chambre était des plus simple. Il y avait un grand lit sur lequel il se trouvait actuellement, une armoire dans laquelle il rangeait ses affaires, un bureau et une chaise. C’était ses seules possessions. Le chevalier de l’Ordre n’avait besoin de rien de plus, et il l’avait plusieurs fois fait savoir quand on le lui demandait. Laissant échapper un long soupir fatigué, il sortit enfin de son lit avant de s’habiller à la hâte. Il faisait frais dans la pièce, et il ne voulait pas attraper froid bêtement à la sortie du lit. Aujourd’hui, il n’avait rien de prévu. Il pouvait, si il le désirait, se reposer dans sa chambre toute la journée. Mais il n’en avait pas envie. Terminant d'enfiler un pantalon et une chemise propre, il s'empara de son manteau et chaussa ses bottes avant de sortir de la pièce qu'il referma à clef derrière lui.

Tandis qu'il marchait dans les couloirs sinistres et froids, s'éloignant des dortoirs et des chambres individuelles, il se demandait ce qui le poussait à continuer sur cette voie. Car il le savait pertinemment : il n'était pas fait pour être chevalier de l'Ordre. Il n'aimait pas la façon dont ses camarades faisaient régner la loi à travers les rues de la grande cité. Par la crainte, la peur, la violence, le meurtre. Et ce n'était pas quelque chose de nouveau, cela avait toujours été ainsi, aussi loin qu'il se souvenait. Lucian repensa alors à son cadet, qui semblait prendre un immense plaisir à ce genre de pratiques infâmes. Il était sûr et certain que Luca grimperait rapidement les échelons de l'Ordre. Et peut-être qu'un jour, il aurait le même statut que leur père aujourd'hui. Un frisson de crainte parcouru son échine lorsqu'il songea à leur père. Le général Dagan de Virto était connu comme le loup blanc. Il était l'un des plus fervents croyant, mettant un point d'honneur à servir la grande déesse, n'hésitant pas pour cela à organiser des purges dans certains quartiers de la ville lorsqu'il soupçonnait qu'il s'y passait des actes interdits. Lucian détestait les purges. Les rues se garnissaient de bûchers que la foule allumait avec une joie sadique, se délectant des cris des suppliciés. Il détestait cela et espérait ne pas revivre ce spectacle lugubre et meurtrier avant un long moment. Arrivant dans la grande cour, il observa rapidement l'entraînement de ses camarades avant de sortir par la grande porte. Cette dernière était gardée par deux chevaliers de l'Ordre qui le saluèrent alors qu'il la traversait. L'homme avait rendu leurs salut avant de s'éloigner dans une rue adjacente.

Aujourd'hui, il se changerait les idées. Aujourd'hui, il n'y serait qu'en simple civil. C'était sur cette idée précise qu'il avait prit le chemin du coeur de la ville, dans le quartier commerçant, où se trouvait le grand marché. Il n'y mettait pratiquement jamais les pieds et s'était contenté d'y faire quelques patrouilles lorsque le besoin s'en faisait ressentir. Marchant sans vraiment faire attention à ce qui l'entourait, il n'avait pas mit longtemps pour atteindre sa destination. Il y avait foule, certains marchands hurlaient à pleins poumons pour attirer les clients. Des étals multicolore, de senteurs et de saveurs diverses et variées, s’alignaient de façon anarchique. Elles créaient un petit dédale dans lequel s’activaient commerçants, acheteurs et promeneurs. Les clients passaient d’étals en étals, admirant les marchandises, se laissant parfois tenter, ou marchandant les prix. De ce côté-ci, un homme vantait la fraicheur de son poisson pêché la veille. De l'autre côté, une femme louait la qualité des tissus qu'elle proposait, insistant sur les prix bas qu'elle mettait en avant. Lucian se perdit dans la foule, dense, laissant son regard se poser sur les marchandises variées qui étaient présentées, tout en évitant de bousculer les personnes qui s'agglutinaient à certains emplacements. L’animation ne manquait pas, et le jeune homme appréciait ça. Il aimait flâner ainsi, se laissant envahir par les senteurs et les images que lui proposait cet endroit.

Se retrouvant sans l'avoir voulu devant un stand où une jeune femme vendait des fleurs, il resta planté devant elle. Celle-ci ne fit pas attention à lui, trop occupée à tailler des roses de toutes les couleurs avant de les rassembler en un bouquet avec un long ruban. Le chevalier en civil la regardait faire, impressionné par sa vitesse et sa précision, car il ne lui fallait pas plus de quelques instants pour confectionner ces gerbes. La forte odeur des fleurs lui chatouillait les narines. Ce n'était pas désagréable et il se demandait si il n'allait pas dépenser quelques pièces pour prendre l'un d'eux. Au moins, si il en plaçait un dans sa chambre, cette dernière ne sentirait peut être plus le vieux chien mouillé. Il avait fini par s'y faire avec le temps, mais lorsqu'il sortait trop longtemps, cette effluve écoeurante l'agressait dès qu'il passait le pas de la porte. S'emparant de la bourse qui pendait à sa ceinture, il interpella la vendeuse de fleurs.

  • Excusez-moi…

Cette dernière se tourna vers lui, dévoilant son visage singulier devant lequel Lucian resta sans rien dire. Elle avait un visage fin au teint pâle encadré par une longue chevelure d'ébène aux reflets carmin, des lèvres fines et bien dessinées. Néanmoins, ce n'était pas ce qui avait frappé le jeune homme. Ce regard dans son oeil droit, perçant, où le soleil se reflétait, laissant l'impression étrange qu'il était doré. Il n'en avait jamais vu de pareil par le passé. Son jumeau était vide, bille blanche qui ne verrait plus jamais, barré d'une fine cicatrice qu'il était difficile de voir. La voix de la femme l'avait alors sortit de sa contemplation.

  • Oui ? Laissez-moi juste terminer, et je suis à vous.

Elle s'occupa rapidement de terminer ce qu'elle faisait avant de revenir à son potentiel client. Un léger sourire aux lèvres, elle demanda d'une voix claire :

  • Vous voulez un bouquet de fleurs ? C'est pour une occasion particulière ? Pour votre fiancée peut-être ?
  • Non non, répondit Lucian en secouant doucement la tête, c'est pour moi. Je voudrais juste des fleurs dont le parfum serait capable d'embaumer une pièce toute entière.

Son interlocutrice l'avait regardé avec de grands yeux, surprise, avant d'éclater de rire à sa demande.

  • Je vais vous trouver ce genre de fleurs, ne bougez pas. J'en ai pour un instant.

Elle s'était penchée, ramassant quelques gerbes de fleurs qu'elle avait préparé à l'avance, les humant pour vérifier que c'était bien ceux qu'elle voulait, en reposant les autres. Puis elle revint auprès de son client, toujours en souriant.

-Je peux vous proposer du chèvrefeuilles. Leur parfum rappelle un peu le miel. Les jasmins ont une odeur très forte, si c'est ce que vous cherchez. Un bouquet de cosmos libérera un léger parfum vanillé si vous ne voulez pas que ce soit trop prononcé…

La jeune femme parlait, et Lucian l'écoutait avec attention, buvant ses paroles. Et lorsqu'elle termina son petit discours, il s'était aperçu qu'il n'avait retenu aucun nom. Bégayant légèrement, il montra simplement du doigt les banches.

  • Celles-ci devraient faire l'affaire... Je pense...
  • Les jasmins ? C'est un très bon choix monsieur.

Elle lui tendit le bouquet alors qu'il fouillait dans sa bourse à la recherche des quelques pièces qu'il devait dépenser pour l'obtenir. Le jeune homme ne prit même pas la peine de compter, bien trop gêné, et s'empara des jasmins, remerciant la vendeuse avant de s'éloigner et de disparaître dans la foule. Un soleil radieux, un ciel bleu, des fleurs au doux parfum… C’était ce que Lucian aimait. Un peu de tranquillité. Il n’en profitait que trop rarement.

Sara comptait les pièces que le client venait de lui donner. Ne faisant pas attention aux remerciements de ce dernier, elle était bien trop occupée avec la monnaie. Elle avait un mal fou à compter correctement. Quand enfin elle comprit qu'il y avait trop d'argent au creux de sa main, elle releva la tête à la recherche du jeune homme. Mais ce dernier s'était déjà évanoui dans la foule dense. La jeune femme poussa un soupir. Elle avait eut la désagréable impression d'avoir escroquer quelqu'un. Rangeant les pièces dans sa bourse, elle se remit au travail. Ses fleurs n'allaient pas se vendre toutes seules après tout, et elle n'aurait pas assez de la journée pour tout écouler. Se forçant à sourire, elle s'était dirigée vers une femme âgée qui réclamait ses services.

  • Bonjour, que puis-je faire pour vous ?
  • Je voudrais des fleurs de Lys.

Le sourire de Sara s'était estompé rapidement. Elle lança un regard rapide aux alentours, avant de répondre à sa cliente.

  • Les lys sont difficiles à récolter. La saison a été mauvaise.
  • Je m'en doute bien mademoiselle, mais c'est urgent.

La vendeuse de fleurs hocha légèrement la tête.

  • Alors, si vous désirez vraiment ces fleurs, il faudra les récupérer à la chapelle Saint Hilarion. Le père Achille en a tout un parterre dont il s’occupe avec amour.
  • Je ne manquerai pas de passer en chercher là-bas. Merci. Que la grande déesse vous garde.

A peine termina t-elle sa phrase qu'elle se détourna de Sara avant de partir s'enfoncer dans la foule. Le coeur de la vendeuse de fleurs battait à tout rompre dans sa poitrine. Elle savait ce que cette demande particulière signifiait. Elle n’aimait pas ça, mais n’avait pas vraiment le choix. Si elle pouvait sauver ces innocents des mains abjectes des chevaliers de l’Ordre, alors il n’y avait pas d’hésitations à avoir. Repensant à la pauvre femme qu’elle n’avait pas pu sauver la veille, elle ne voulait pas subir le même genre de punition. Si elle était arrivée plus tôt au lieu du rendez-vous, elle aurait pu la soustraire à ses bourreaux en inventant un mensonge adéquat. Mais c’était trop tard. Il ne restait juste que les regrets de ne pas avoir pu faire quoi que ce soit pour la sauver. Sara s’était remise au travail, priant alors la déesse pour que les prochains jours se déroulent sans encombres.

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