Chapitre 8 - Amour et crainte

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Nous sommes dans ma chambre et Caleb a la tête posée sur mes cuisses. Depuis quelques jours, je le sens anxieux. J'espère qu'il me dira ce qui le tracasse. Mais il reste toujours silencieux. Je lui demande :

─ Caleb, je me rends bien compte qu'il y a un truc qui cloche en ce moment. Il faut que tu m'en parles. Si je peux t'aider, je ferais tout pour y arriver. Alors dis-moi ce qui déconne !

─ J'ai peur qu'on se fasse surprendre, je saurais pas quoi faire. Je sais bien qu'en classe, je te regarde trop souvent. À chacun de mes coups d'œil, tu me souris, comme si tu t'en foutais qu'on se fasse prendre.

─ Ce n'est pas que je m'en fous, mais tu sais les gens ne regardent pas les autres tant que ça. Ils se fichent de ce qui se passe autour d'eux. Si ça te gêne vraiment je ferai plus attention. De toute façon, j'ai décidé d'en parler à ma mère. Je crois qu'elle a des soupçons car elle m'a fait des remarques sur le fait que tu viennes souvent à la maison et que tu restes dormir. Je tâterai le terrain pour voir si elle comprend que chacun a son propre rythme pour sortir du " placard ". Elle gardera le secret par rapport à tes parents. Je suis sûr qu'elle comprendra.

─ Oui si tu veux, me répondit-il avec un air un peu boudeur. Mais s'il te plaît, fais un peu gaffe surtout avec mes parents. Je me sens pas encore prêt. Pour eux, pour être un mec, un vrai, il faut être avec une nana, même plusieurs, c'est toujours mieux que d'être gay. Ils n'imaginent même pas que leur propre fils le soit. Moi ça me plaît d'être un gay avec toi. Je ne sais même pas si je pourrais l'être avec un autre que toi.

─ Tu dis ça parce que tu m'aimes bien. Mais si tu avais aimé un autre type que moi, tu serais le même gay qu'aujourd'hui !

─ Si tu le dis ! N'empêche que tu es le mec que j'aime et qu'il n'y a que toi qui compte.

─ Merci de m'aimer. Lui dis-je en l'embrassant doucement sur sa belle pomme d'Adam.

Nous avons la chance que maman rentre à heure fixe, nous pouvons nous embrasser, nous caresser, nous câliner et encore nous embrasser et encore nous caresser, sans être dérangés. Lorsque nous avons du temps, nous nous masturbons l'un l'autre. Ou un de nous deux glisse son pénis entre les cuisses de l'autre et fait des allers-retours jusqu'à la jouissance. Cet après-midi, Caleb me fait une demande nouvelle :

─ Je peux te tailler une pipe ?

─ Tu crois que ça va te plaire ?

─ Ben, je sais pas, j'ai jamais fait ça. Des tas de filles me l'ont fait. Alors pourquoi pas moi avec toi ? Et peut-être qu'un jour que tu voudras essayer sur moi. Je suis sûr que je vais aimer te lécher. Il faudra que tu me dises si je te fais pas mal ou si c'est désagréable.

─ D'accord, fais-le ! Mais si ça ne te plaît pas, arrête tout de suite.

─ OK !

Caleb m'aide à baisser mon pantalon et mon boxer. Il prend en bouche mon pénis et me met dans des états pas possible. Je prend sa tête entre mes mains et je l'oblige à s'arrêter. Il me demande :

─ Je m'y prends mal ? Désolé !

─ Oh non! c'est vraiment bien mais j'ai peur de venir dans ta bouche.

─ Ben, c'est le but de la manœuvre !

─ Je n'ose pas. Une autre fois peut-être alors. Dis-moi, comment c'était ?

─ Moi j'ai bien aimé. Avant j'étais jamais descendu comme ça avec une fille. J'avais pas envie. Mais ça fait déjà plusieurs semaines que j'y pense avec toi. Une fois, je crois que c'était tout au début où on s'était rencontré, tu suçais ton crayon de papier, tu le fais toujours d'ailleurs, et j'ai imaginé que c'était moi à la place du crayon.

─ Ouah! T'es vraiment un véritable obsédé sexuel !

─ Alors toi t'as jamais rien imaginé ? T'es un être de pureté, monsieur l'ange, c'est ça ?

─ Ben oui, enfin non. Mais pas dès le début de notre rencontre. Quelques semaines plus tard, j'ai pensé à des tas de trucs cochons. Mais avec le temps, je me dis que c'est pas si cochons que ça, c'est normal de vouloir faire des choses avec toi.

─ Pareil pour moi. C'est pour ça que je voulais faire ça.

─ Tu sais, je pense qu'il faudrait qu'on essaie d'aller plus loin, osé-je lui dire.

─ Plus loin comme essayer la sodomie?

─ Oui !

─ J'ai regardé sur internet. Il faudra investir dans du lubrifiant et des capotes. Et puis avant je voudrais faire un dépistage pour les maladies, parce que même si ça fait des mois que je suis pas allé avec quelqu'un d'autre, on sait jamais. Mais je sais pas comment faire sans que mes parents le sachent.

─ Je crois qu'il y a des centres de dépistage gratuits et anonymes. On va se renseigner. On peut y aller ensemble et poser des questions si le ou la médecin est sympa.

─ T'as raison. Attendons les vacances d'été, on aura plus de temps. Et puis moi ça me va comment on le fait pour le moment. Et toi ?

─ C'est vraiment bien et c'est même de mieux en mieux. C'est comme si on s'améliorait.

─ Exactement ce que je voulais te dire. En plus tu embrasses tellement bien. Tu sens tellement bon.

─ Toi aussi tu sens bon même après la boxe et avant la douche.

─ T'es un gros dégueulasse, s'esclaffe Caleb en me serrant contre lui en me frottant les cheveux comme il aime tellement le faire.

─ Tu sais ce qui me fait vraiment plaisir ?

─ Non, vas-y je suis prêt à tout pour te faire jouir, dit-il tout enjoué.

─ C'est pas sexuel. C'est qu'on puisse tout se dire sans gêne comme si c'était évident et naturel de parler de nous et de nos envies. Je trouve qu'on est vachement mûrs pour des ados. Je m'la pète grave.

─ T'as raison de te la péter. Moi aussi, je suis fier de nous. J'espère que ça durera jusqu'à notre mort et même au-delà, qui sait.

─ Tu te rends compte quand on sera vieux et bedonnants ! Lui dis-je en pouffant.

─ T'inquiète, on restera en forme. On continuera à faire du sport ensemble. Tu te rends compte qu'on parle comme si on était un vieux couple ?

─ Oui et c'est bien, même si on est rapide. Tant qu'on est sur la même longueur d'onde, on s'en fout. Moi je veux être heureux avec toi. Même si on doit changer des trucs entre nous pour que ça marche, je veux tout faire pour qu'on aille loin ensemble.

Caleb prend entre ses mains mon visage et en embrasse chaque centimètre carré. Là, maintenant, à ce moment précis, en mon for intérieur, je me promets de tout faire pour rester à ses côtés jusqu'à la fin du monde. En même temps, je voudrais mourir à cet instant, tellement je suis heureux. Peut-on être aussi souvent heureux et avec la même intensité dans l'avenir ?

Notre vie est souvent frustrante car on peut pas se prendre par la main ou s'embrasser comme le font les autres couples hétéros du lycée. Parfois dans la rue, on rencontre un couple de femmes ou d'hommes, on leur sourit. On s'imagine être à leur place avec envie. Un jour, peut-être, on pourra être libres de s'aimer au grand jour, même si on sait bien qu'une certaine homophobie régne toujours dans la société actuelle. Tout peut changer. Les utopies peuvent devenir des réalités. Tous les deux, on rêve d'aller à la marche des fiertés.

Les vacances d'été approchent à grands pas. L'ambiance du lycée est plus décontractée, pourtant Aël me lâche aucun lest pour tout ce qui concernent les études. Il dit que j'ai comblé toutes mes lacunes, mais il faut pas que je me repose sur mes lauriers. Il a toujours de drôles d'expression !

J'ai toujours su que Caleb était intelligent et qu'il pouvait être travailleur. Preuve en est, il est sérieux et discipliné en sport. Il écoute Marco, son entraîneur avec respect. Il a juste été dégoûté de l'école. Il a dû décroché par manque de motivation et d'intérêt. Il a besoin d'avancer pour faire plaisir à quelqu'un, que ses efforts soient reconnus et surtout que les résultats, même minimes, soient appréciés. Il manque de confiance en lui, malgré sa grande gueule et son côté bravache. Je comprends de mieux en mieux son mode de fonctionnement, alors c'est facile de le faire avancer. Je me demande si je ne suis pas un peu manipulateur!

Je me suis toujours senti redevable envers Aël, mais ça s'était avant, maintenant je vois bien tout le plaisir qu'il a de m'apprendre des trucs. Son calme m'impressionne. Son sérieux me fait marrer, mais s'il me voit rigoler alors qu'on bosse, il s'emmerde pas pour me remettre sur les rails. Il a un sacré caractère, mais jamais pour en profiter. J'ai souvent du mal à garder mon attention sur les cours car au lieu de voir Aël, le type sérieux, je vois Aël le type sexy. Je me rappelle comme il est beau et excitant quand on se tripote ensemble. Partout où je regarde, je vois en filigrane son visage qui se superpose. À chaque instant, je veux choper ses regards, ses rires, ses sourires et ses mots. J'admire sa patience quand il y a des filles qui me zieutent ou me tournent autour. Il fait jamais de scène de jalousie ou de réflexion à la con, au contraire il me dit qu'il est fier que j'attire autant les regards et l'intérêt. Parler avec lui c'est simple, il exige rien sauf l'honnété. Et puis c'est beaucoup plus facile de parler avec lui qu'avec une fille et même qu'avec mes anciens potes parce qu'il n'est jamais médisant ni grande gueule ni chiant. Il me donne envie d'apprendre des tas de trucs. J'ai envie de le surprendre et qu'il soit fier de moi.

Je vais toujours voir ma psy. Elle est un peu comme Aël : elle trouve que j'avance bien et elle me complimente. Y aura fallu que je passe presque l'arme à gauche pour être mieux dans ma peau et plus heureux dans ma vie !

Caleb a tellement changé que son visage est encore plus beau maintenant qu'au début de l'année scolaire. Je me demande s'il a changé ou si ce n'est pas plutôt qu'il est plus lui-même ? Il s'était fabriqué une espèce de carapace de bad boy psychopathe, alors qu'il est gentil, serviable, très attentionné et câlinou avec moi. C'est comme si son agressivité et son côté hâbleur avait disparu.

Je viens souvent le voir boxer car mon dojang est à l'étage au-dessus. Au début, ce sont les parents de Caleb qui m'ont supplié de superviser ses entraînements physiques. Ils avaient peur qu'il soit aussi excessif qu'avant son tako-tsubo. La plupart du temps je m'assieds sur un banc en bouquinant. Je lève de temps à autre les yeux et je le regarde. Il est si sexy dans son short rouge. Il me lance des petits clins d'oeil et je fonds d'amour. Alors je me cache derrière mon livre car je sais que je rougis facilement. Je suis sûr que Marco soupçonne quelque chose. Il n'est pas né de la dernière pluie, il a dû remarquer notre petit manège car je le vois sourire en regardant ostensiblement chacun de nous, tour à tour. Il fait ça avec un petit air amusé. J'espère qu'il saura se taire, car sinon Caleb va péter un câble.

Marco m'a demandé de venir dans son bureau. Ça m'a étonné au départ, car c'est la première fois qu'il fait ça. En plus, il ferme la porte derrière nous :

─ Je suis au courant pour toi et ton copain Aël !

─ Il se passe rien entre nous !

─ J'ai vite compris que vous étiez plus que des amis.

─ Mais non, je le jure ! Il m'aide pour le lycée et mes parents veulent qu'il vérifie que je déconne pas avec ma santé. C'est tout.

─ Ben voyons ! Et tu crois que je suis aveugle et un imbécile !

─ Jamais je pourrais penser ça de vous ! Dis-je en baissant la tête et bien emmerdé.

─ J'ai rapidement compris qu'Aël est la personne t'aide le mieux, Caleb. Il est protecteur sans être intrusif et surtout ses yeux portent en eux toute la tendresse dont tu as tant besoin. Votre amour crève les yeux. Je ne dois pas être le seul à m'en rendre compte. Ça ne me pose aucun problème, bien au contraire ! Ça fait cinq ans que tu viens à ma salle, alors je peux dire que je te connais bien. Tu as énormément changé cette année, et c'est tant mieux pour toi et pour ton entourage. Tu es devenu fiable et plus fort. Tu as toujours eu les qualités physiques pour faire un bon boxeur mais il te manquait un socle, un équilibre. Aujourd'hui, tu l'as trouvé avec ton petit taekwondoïste. Aël a prêté serment et juré qu'il suivrait les cinq préceptes de la vie séculaire : courtoisie, intégrité, persévérance, contrôle de soi et esprit indomptable. Et c'est bien ce qu'il fait. Tu es tombé sur un super "ami" et plus si affinités. Me dit-il en souriant.

─ Marco, vous pouvez en parler à personne, s'il vous plaît ? Lui dis-je en baissant à nouveau la tête. Je suis désolé de vous avoir menti. Oui, on est ensemble depuis janvier. Mais personne le sait à part sa mère et vous aujourd'hui ! Je sais que j'ai de la chance d'être avec lui. Il est la deuxième meilleure chose qui me soit arrivé : la première c'est vous !

─ Tu n'as pas besoin de me cirer les pompes ! De toute façon, ça fait déjà un sacré bout de temps que je suis au courant de votre relation particulière. Me répond-il en riant.

─ Vous pouvez me promettre de rien dire à personne ?

─ Te fais pas de bile, je me tairais. Mais sache que ça se voit que tu es amoureux. Et c'est tant mieux que tu sois amoureux. Mais ne t'étonne pas si ton secret est percé à jour. Sache que j'aime vous voir vous entraider lors des cessions de musculation. C'est tellement agréable de vous voir attentionnés l'un envers l'autre et être si bosseurs. Aël a beau être mince, il a une musculature harmonieuse et solide. Sa souplesse et sa détente sont étonnantes. Son maître de taekwondo, qui est aussi un ami, pense que c'est son meilleur élément junior. Alors je ne peux que t'encourager à poursuivre sur cette voie.

─ Merci Marco. C'est vrai que c'est le mec le plus sensationnel qui soit. Même plus que vous croyez.

─ N'en dis pas plus ! Bon allez, retourne au sac de frappe. Je vois par la vitre qu'Aël est inquiet. Allez, file !

Ça m'a étonné que Marco s'en soit rendu compte. Je suis soulagé car on dirait qu'il s'en fout que je sois gay. J'ai du pot. Tout s'est super bien passé. Si ça pouvait être comme ça tout le temps !

Souvent, en classe, à l'abri des regards, Caleb croise les bras sur son pupitre et avance discrètement sa main gauche cachée par son coude droit et touche mon bras. Je me pince les lèvres pour ne pas sourire. Mais hélas, je ne peux pas contrôler mes oreilles qui se teintent de rouge à chaque fois. Il tient mon bras dans sa main. Je ne bouge pas et je n'ose pas regarder son sourire béat. Pour Caleb, ce simple geste est une preuve de son affection pour moi, c'est bien au-delà du désir érotique. Parfois, il me caresse les fesses lorsque je suis devant lui dans les couloirs ou en sport. Il est bien plus entreprenant que moi. Il me houspille parce que je sourirais trop, mais lui, il n'arrête pas de me tripoter dès qu'il le peut. On va se faire griller à la fin.

Toujours avec son sérieux habituel pour ce qui touche aux études, Aël m'a prévenu que je dois être studieux en classe et pendant les stages. C'est très important pour notre vie future. Mais ce que je déteste le plus, c'est quand il dit que si hélas, un jour, on doit se séparer, on devra avoir un boulot et continuer à vivre notre vie chacun de notre côté et être heureux. Mais putain, que j'ai envie de le baffer quand il dit ça ! C'est comme s'il était insensible et qu'il croyait pas que l'on puisse rester ensemble. Moi je veux pas qu'on se sépare ! Il a beau m'expliquer que penser à l'avenir c'est faire en sorte qu'aujourd'hui on assure au lycée et qu'on puisse envisager un futur plus serein qu'on soit ensemble ou pas, j'ai du mal à l'entendre. Parfois ça me fatigue de sortir avec lui et lui dit que ça le fatigue de me faire sortir de ma bouderie. On se chamaille de temps en temps, mais ça dure pas. Avant je tenais mes positions et je voulais pas céder, maintenant, ben, je lâche du lest car en fin de compte, je suis plus heureux de le faire jouir, de le voir rire et sourire que faire la tronche, puis c'est moins fatiguant de dire " OK, t'as raison ! " que chercher des arguments bancals, surtout qu'il est malin et qu'il me les casse en deux temps trois mouvements. Même de penser à tout ça, ça me rend heureux. Je suis heureux.

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