Chapitre 7 - Amour et crainte

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Quelques temps plus tard, ils étaient dans la chambre d'Aël. Aël sentait que Caleb était anxieux depuis quelques jours. Il avait la tête posée sur les cuisses musclées de Caleb:

«Caleb, je me rends bien compte qu'il y a un truc qui cloche en ce moment. Il faut que tu m'en parles. Si je peux t'aider, je ferais tout pour y arriver. Alors dis-moi ce qui déconne!

- J'ai peur qu'on se fasse surprendre, je saurais pas quoi faire. Je sais bien qu'en classe, je te regarde trop souvent. À chacun de mes coups d'œil, tu me souris, comme si le fait qu'on se fasse prendre n'avait aucune importance pour toi. On dirait bien que tu t'en fous.

- Ce n'est pas que je m'en fous, mais tu sais les gens ils ne regardent pas les autres tant que ça. Ils se fichent de ce qui se passe autour d'eux. Si ça te gêne vraiment je ferai plus attention. De toute façon, j'ai décidé d'en parler à ma mère. Je crois qu'elle a des soupçons car elle m'a fait des remarques sur le fait que tu viennes très souvent à la maison et que tu restes souvent dormir. Je tâterai le terrain pour voir si elle comprend que chacun a son rythme pour sortir du " placard " et qu'il faut qu'elle garde le secret par rapport à tes parents. Je suis sûr qu'elle comprendra.

- Oui si tu veux, lui répondit-il. Mais s'il te plaît, fais un peu gaffe surtout avec mes parents. Je me sens pas encore prêt. Pour eux, pour être un mec, un vrai, il faut être avec une nana, même plusieurs, ça sera mieux que d'être gay. Ils n'imaginent même pas que leur propre fils le soit. Moi ça me plaît d'être un gay avec toi. Je ne sais même pas si je pourrais l'être avec un autre que toi.

- Tu dis ça parce que tu m'aimes bien. Mais si tu avais aimé un autre type que moi, tu serais le même gay qu'aujourd'hui!

- Si tu le dis! N'empêche que tu es le mec que j'aime et qu'il n'y a que toi qui compte.

- Merci de m'aimer.» Répondit Aël en embrassant doucement Caleb sur sa pomme d'Adam.

Comme à chaque fois, qu'ils avaient la chance d'être seuls dans l'appartement d'Aël, ils se sont embrassés, caressés, chicanés et encore embrassés, et encore caressés. S'ils avaient le temps, ils se masturbaient l'un l'autre, ou l'un des deux glissait son pénis entre les cuisses de l'autre et faisait des allers-retours jusqu'à jouir. Cet après-midi-là, Caleb fit une demande nouvelle à Aël:

«Je peux te tailler une pipe?

- Tu crois que ça va te plaire?

- Ben, je sais pas, je n'ai jamais fait ça. Des tas de filles me l'ont fait alors pourquoi pas moi avec toi. Et peut-être qu'un jour que tu voudras essayer sur moi. Je suis sûr que je vais aimer. Il faudra que tu me dises si je te fais pas mal ou si c'est désagréable.

- D'accord, fais-le! Mais si ça te plaît pas, arrête tout de suite.

- Ok.»

Caleb aida Aël à baisser son pantalon et son boxer. Il fit ce qu'il avait dit qu'il ferait. Mais au bout de quelques minutes, Aël prit sa tête entre ses mains et lui intima gentiment d'arrêter:

« Je m'y prends mal? Désolé!

- Oh non! c'était vraiment bien mais j'avais peur de venir dans ta bouche.

- Ben, c'était le but de la manœuvre!

- J'ai pas osé. Une autre fois peut-être alors. Dis-moi, comment c'était?

- Moi j'ai bien aimé. Avant j'étais jamais descendu comme ça avec une fille. J'avais pas envie. Mais ça fait déjà plusieurs mois que j'y pense avec toi. Une fois, je crois que c'était tout au début où on s'était rencontré, tu suçais ton crayon de papier, et tu le fais toujours d'ailleurs, et j'ai imaginé que c'était moi à la place du crayon.

- Ouah! T'es vraiment un véritable obsédé sexuel!

- Alors toi t'as jamais rien imaginé? T'es un être de pureté, monsieur l'ange, c'est ça?

- Ben oui, enfin non. Mais pas dès le début de notre rencontre. Quelques semaines plus tard, j'ai pensé à des tas de trucs cochons. Mais avec le temps, je me dis que c'est pas si cochons que ça, c'est normal de vouloir faire des choses avec toi.

- Pareil pour moi. C'est pour ça que je voulais faire ça.

- Tu sais, je pensais qu'il faudrait qu'on essaie d'aller plus loin.

- Plus loin comme essayer la sodomie?

- Ouai!

- J'ai regardé sur internet. Il faudra investir dans du lubrifiant et des capotes. Et puis avant je voudrais faire un dépistage pour les maladies, parce que même si c'était il y a des mois que je suis pas allé avec quelqu'un d'autre, on ne sait jamais. Mais je sais pas comment faire sans que mes parents le sachent.

- Je crois qu'il y a des centres de dépistage gratuits et anonymes. On va se renseigner. On peut y aller ensemble et demander des renseignements ou poser des questions si le ou la médecin est sympa.

- T'as raison. Attendons les vacances d'été, on aura plus de temps. Et puis moi ça me va comment on le fait pour le moment. Et toi?

- C'est vraiment bien et c'est même de mieux en mieux. C'est comme si on s'améliorait.

- Exactement ce que je voulais te dire. En plus tu embrasses tellement bien. Tu sens tellement bon.

- Toi aussi tu sens bon même après la boxe et avant la douche.

- T'es un gros dégueulasse, s'esclaffa Caleb en serrant Aël contre lui en lui frottant les cheveux comme il aimait le faire.

- Tu sais ce qui me fait vraiment plaisir?

- Non, vas-y je suis prêt à tout pour te faire jouir.

- C'est pas sexuel. C'est qu'on puisse tout se dire sans gêne comme si c'était évident et naturel de parler de nous et de nos envies. Je trouve qu'on est vachement mûrs pour des ados. Je m'la pète grave.

- T'as raison de te la péter: moi aussi je suis fier de nous. J'espère que ça durera jusqu'à notre mort et même au-delà, qui sait.

- Tu te rends compte quand on sera vieux et bedonnants! pouffait Aël.

- T'inquiète, on restera en forme: on continuera à faire du sport ensemble. Tu te rends compte qu'on parle comme si on était un vieux couple?

- Oui et c'est bien, même si on est rapide. Tant qu'on est sur la même longueur d'onde, on s'en fout. Moi je veux être heureux avec toi. Même si on doit changer des trucs entre nous pour que ça marche, je veux tout faire pour qu'on aille loin ensemble.»

Caleb prit entre ses mains le visage d'Aël et en embrassa chaque centimètre carré. Là, maintenant, à ce moment précis, en son for intérieur, il se promit lui aussi, de tout faire pour rester aux côtés d'Aël jusqu'à la fin du monde. En même temps, il aurait aimé mourir à cet instant, tellement il était heureux. Pourraient-ils être aussi souvent heureux et avec la même intensité dans l'avenir?


Leur vie était souvent frustrante car ils ne pouvaient pas se prendre par la main ou s'embrasser comme le faisaient les autres couples hétéros du lycée. Parfois dans la rue, ils rencontraient un couple de femmes ou d'hommes, ils leur souriaient et se souriaient avec un air de connivence. Ils s'imaginaient à leur place avec envie. Un jour, peut-être, ils pourront être libres de s'aimer au grand jour, même s'ils savaient qu'une certaine homophobie régnait toujours dans la société actuelle. Tout pouvait changer. Les utopies pouvaient devenir des réalités. Ils rêvaient à la première marche des fiertés à laquelle ils pourraient participer.

Les vacances d'été approchaient à grands pas. L'ambiance du lycée était plus décontractée, pourtant Aël ne lâchait aucun lest à Caleb pour tout ce qui concernaient les études. Caleb avait comblé toutes ses lacunes. L'instinct d'Aël avait été juste: Caleb était très intelligent et travailleur. Il avait juste été dégoûté de l'école. Il avait décroché par manque de motivation et d'intérêt. Il avait besoin d'avancer pour faire plaisir, que ses efforts soient reconnus et surtout que les résultats, même minimes, soient appréciés. Avec Aël, il était tombé sur la personne qui avait compris son mode de fonctionnement.

Caleb s'était senti redevable envers Aël, mais ça s'était avant, maintenant il voyait tout le plaisir qu'Aël prenait à lui apprendre. Son calme olympien l'impressionnait. C'était vrai que partout où il regardait, il voyait en filigrane le visage d'Aël qui se superposait. À chaque instant, il s'emparait des regards, des rires, des sourires et des mots d'Aël. Il admirait sa patience lorsque le regard appuyé de certaines filles se posaient sur lui: Aël ne faisait pas de scène, au contraire il disait qu'il était fier que le garçon qu'il aimait attire tant d'intérêt et de regards.

Caleb avait tellement changé que son visage était encore plus beau qu'au début de l'année scolaire. Était-ce la façon d'Aël d'être, si respectueuse et tendre, qui déteignait sur lui? Ou se sentait-il plus détendu et moins sur la défensive alors son agressivité s'était éteinte? Son entraîneur de boxe aussi s'en était rendu compte, il lui avait dit qu'il était très fier et aussi soulagé de le voir plus heureux, moins renfrogné. Maintenant il ne mettait son agressivité qu'au service de son art. Il boxait mieux et plus efficacement.

Aël venait parfois le regarder sur le ring car son dojang était à l'étage au-dessus. Au début, il y allait parce que les parents de Caleb l'avaient supplié de superviser ses cours de boxe : Ils avaient peur qu'il soit aussi excessif qu'avant son tako-tsubo. Leur relation ayant évolué vers l'amour, Aël garda cette habitude. Il s'asseyait sur un banc et lisait un bouquin en levant régulièrement les yeux de sa lecture. L'entraîneur n'était pas né de la dernière pluie, il avait bien remarqué leur petit manège.

Ça l'avait étonné au départ, mais rapidement, il avait compris qu'Aël était la personne qui avait aidé Caleb à aller mieux: il était protecteur sans être invasif et surtout ses yeux portés en eux toute la tendresse dont Caleb avait tant besoin. Cela faisait quatre ans qu'il avait ce gamin à la salle. Il avait des qualités physiques pour faire un bon boxeur mais il lui manquait un socle, un équilibre. Aujourd'hui il l'avait trouvé avec ce petit taekwondoïste.

Il aimait les regarder s'entraider lorsqu'ils faisaient de la musculation ensemble. Ils étaient attentionnés l'un envers l'autre et bosseurs. Le corps d'Aël était mince mais il avait une musculature harmonieuse et solide. Sa souplesse et sa détente étaient étonnantes. Comme certains élèves pratiquant le taekwondo, Aël avait prêté serment et juré qu'il suivrait les cinq préceptes de la vie séculaire: courtoisie, intégrité, persévérance, contrôle de soi et esprit indomptable. C'était bien ce qu'il faisait.


Souvent, en classe, à l'abri des regards, Caleb croisait les bras sur son pupitre et avançait discrètement sa main gauche cachée par son coude droit et touchait le bras d'Aël qui se pinçait les lèvres pour ne pas sourire. Il ne pouvait empêcher ses oreilles de se teinter de rouge. Caleb tenait le bras fin et musclé d'Aël dans sa main qui ne bougeait pas et n'osait pas regarder le sourire béat de Caleb. Pour Caleb, ce simple geste était une preuve de son affection qui était au-delà du désir érotique.

Toujours avec son sérieux habituel pour ce qui avait trait aux études, Aël avait prévenu Caleb qu'il fallait être studieux en classe et lors des stages. C'était très important pour leur vie future. Mais hélas, si un jour, ils devaient se séparer, ils devraient avoir un boulot et continuer à vivre leur vie et être heureux. Caleb avait été fâché car il disait qu'Aël était insensible et malgré ce qu'il disait, il n'avait aucune vision d'avenir pour eux deux. Aël avait dû expliquer qu'au contraire penser à l'avenir s'était faire en sorte qu'aujourd'hui ils assurent au lycée et qu'ils puissent envisager un futur plus serein qu'ils soient ensemble ou pas. Parfois ça le fatiguait de sortir Caleb de sa bouderie.

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