Chapitre 1 - Abandon et renaissance
Le trouple, que forment Sébastien, Alfred et Victor, s'est installé dans la grande maison directoriale. Leur décision d'emménager a été prise lors d'un conciliabule de moins d'une minute qui s’est conclu avec un oui franc et massif. Le soir après le travail, ils viennent bras dessus bras dessous pour faire les finitions de leur nouveau nid d'amour. J’envie un peu qu’ils puissent exprimer leur attachement si naturellement.
Cela fait plusieurs mois, que Bosco et moi avons trouvé la juste distance à respecter entre nous. L’expérience de ce flirt secret est aussi perturbante et qu’excitante. Je devrais être totalement heureux, mais… Il y a souvent un mais. J’empêche Bosco de me toucher ailleurs que sur le dos et le visage. J’ai honte le mettre dans un état de frustration, mais qui puis-je ?
─ Croyez-vous que nous devions continuer cette relation ?
─ Je veux suivre votre rythme. Si nous n’allons pas plus loin et bien, nous aurons la relation amoureuse la plus prude qui soit en ce XXIème siècle, me dit-il en souriant tendrement.
─ Ne vous moquez pas de moi ! rétorqué-je, vexé.
─ Je ne me moque pas. Je vous respecte trop pour me permettre de me moquer ou de vous demander plus que ce que vous m’offrez. Je suis heureux à vos côtés. Vous m’avez rendu la confiance perdue. Je ne parle même pas du toit ou du travail.
Je me suis fait un petit plaisir. J’ai vendu toutes les actions et les obligations. Il a eu de petites paniques boursières quand j’ai récupéré tout cet argent. Des dizaines de millions d'euros qui disparaissent des marchés boursiers d'un coup, ça a donné quelques sueurs froides à certaines entreprises et actionnaires.
─ Il ne fallait pas se mettent sur le marché boursier! C'est mon fric, j'en fais ce que je veux! Mieux vaut payer des impôts pour financer les biens publics qu'aider des riches à s'en mettre plein les poches ! Ai-je dit au banquier sidéré.
Bosco ne m’a jamais vu aussi hilare. Je suis si joyeux et fier d’avoir entubé quelques capitalistes.
Deux professionnels du tatouage viennent régulièrement finir leur œuvre monumentale. Ce tatouage est la seule chose que Sam fait pour lui. Les deux hommes suivent scrupuleusement le dessin détaillé de cette estampe. J’assiste aux piquages électriques comme un inspecteur des travaux consciencieux.
Professionnellement, je suis une formation de jardinier paysagiste concepteur et créateur. Avec Sam, nous avons mis sur papier les grandes lignes des espaces verts entretenus et ceux qui doivent rester à l'état sauvage, dont la forêt. Il rêve de jardin zen, d'allées bordées de différentes sortes d'hortensias et d'un verger. Je vais devoir m’en occuper seul.
─ Trouvons des salariés compétents pour t’aider. Commençons par deux ou trois et ce n’est pas assez on en augmentera le nombre. Après que les jardins des Ateliers soient finis, il suffira de les entretenir. Tu pourras trouver d’autres chantiers. Il faut te lancer ! Me lance-t-il sûr que je vais réussir. Son optimisme est un moteur pour moi.
Sam a tellement de projets en tête. Lorsque nous avons fini de dessiner un élément du paysage, nous le présentons aux autres. Plus de cerveaux font des merveilles. C’est comme ça que Victor impose son idée de poulailler près des potagers :
─ Quelques poules pour les œufs et des poulets de plein air, je suis sûr que l'on peut réfléchir à être plus en autonomie alimentaire. C'est bien des pelouses mais ça ne sert pas à grand-chose. Et puis les poules en liberté, elles nettoieront la pelouse et l’amenderont gratuitement. Moi je préfère regarder des poules gratter le sol et se balader à la cool que des carrés de pelouse bien râtelés. C’est mieux de voir des carottes au lieu de rosiers inutiles ! Conclut-il.
Aël va passer le baccalauréat S et reprendre des études d’ingénieur. Cela implique qu’il vive dans une autre ville la semaine. Connaissant Caleb et sa possessivité, il a peur de sa réaction. Il profite que nous soyons tous attablés ensemble pour lancer son scud :
─ J’ai quelque chose à vous annoncer. Je vais reprendre mes études pour devenir ingénieur en génie électrique.
─ Alors ça, alors ! Et tu dis ça comme ça devant tout le monde sans m’en avoir parlé avant ? Tu ne manques pas d’air mon lapin ! Waouh ! J’en reviens pas !
─ Je suis désolé, Caleb. J’avais peur que tu te fâches.
─ Ben, la confiance règne ! Bon, je suis très déçu et en colère, mais pas que tu reprennes des études car ça s’est génial ! Mais que tu m’en aies pas parlé, je suis vraiment déçu. Putain, j’en pleurerais.
─ Le pire est que je t’ai caché un truc : je prépare mon baccalauréat scientifique avec Malo et Sam, depuis des mois.
─ Et moi, je te faisais confiance. T‘es qu’un sournois.
Caleb se lève, balance sa chaise et part en claquant la porte. Aël se lève à son tour. Il est retenu par Sébastien :
─ Laisse-le. Il ne va rien écouter. Son état de nerfs ne lui permet pas de réfléchir, il ne fera que réagir, lui dit Sébastien avec fermeté. Je vais aller le voir.
Il se lève à son tour et rejoint Caleb.
Caleb travaille sous la houlette de Sébastien. Ils entretiennent d'excellents rapports. C’est Sébastien qui a poussé Caleb à faire son coming-out à sa famille. Il y a eu quelques mois de flottement, puis le père de Caleb est venu le voir sur un de leurs chantiers. Sébastien les a vus se faire une longue accolade et se quitter en bon terme. Caleb et lui ont créé des liens amicaux et fraternels solides. Il saura trouver les mots.
Aël est triste et aussi en colère. Je m’approche de lui :
─ Ne te fais pas de mouron, il va se reprendre. C’est un bon gars. Il peut être un peu brut de décoffrage, mais il t’aime. Je t’avais dit qu’il fallait lui en parler. Les mensonges même pour le bien de l’autre, ce n’est pas la panacée.
─ Mais Sam, j’ai cru que cela allait mettre à mal notre relation si je lui disais que l’on devait se séparer pendant des années.
─ Tu t’es imaginé des trucs. Il est fâché car tu n’as pas eu confiance en lui. On peut le comprendre. Il faut que tu réfléchisses et que tu t’excuses sincèrement pour ton attitude. Je suis sûr qu’il est fier et heureux que tu reprennes tes études. Il est tellement crâneur quand il parle de toi, de ton intelligence, de ta beauté et de votre relation. Et puis, vous n’allez pas vous séparer pendant des années. Tu peux être rentré toutes les fins de semaine, sans compter les vacances scolaires. Qu’est-ce que tu peux être dramatique ! Lui dis-je un peu remonté.
Après notre master, Val a trouvé du travail dans un journal en ligne. Il fait des reportages photographiques pour des chaînes de télévision, tout ça en free-lance. Boris est toujours un peu inquiet de voir Val sur les routes. Thorvaldur a décidé de ne plus prendre la mer : Malo et son fils lui manque trop. Il a attaqué un brevet professionnel en construction maritime. Tout à chacun a son rythme de croisière. Tout va bien dans le meilleur des mondes. C'est presque le paradis. Jusqu'au jour où...
Je trouve punaisé au-dessus de l’établi de Sam, une reproduction de la gravure de Dürer, « les Chevaliers de l'Apocalypse » :
─ C'est pas bon signe, dis-je en remuant la tête de gauche à droite. Pas bon signe du tout.
─ Val, pourquoi dis-tu ça ? Me demande Bosco.
─ Sam va s'enfermer dans un cycle sombre. Il fait ça depuis que je le connais. C'est comme un signal qu'il me donne pour le laisser tranquille et que je ne me fasse pas de souci.
─ Ça dure longtemps ?
─ Ça dépend. Je crois qu'il a beaucoup donné de son énergie à la communauté. Il doit être épuisé. Mais ça ne veut pas dire qu'il va lever le pied. Comme nous avons fini notre master, il va lâcher prise. Je ne serais pas étonné qu'il disparaisse quelque temps.
─ Mais Val, il y a sa soutenance de thèse ! Quel gâchis !
─ J'ai des doutes qu'il le fasse. Ce qu'il veut apprendre, il l'apprendra ! Les diplômes et autres reconnaissances officielles, il s’en bat les steaks ! Lui affirmé-je sûr de moi.
La prophétie de Val se réalise. La moto de Sam disparaît ainsi qu'un appareil photo, quelques vêtements dont ses tenues de sport de combat et Sam lui-même. Je trouve un post-it sur la table communautaire avec :
« Désolé ! Pour tous problèmes, allez voir le notaire. Adieu. Sam. »
Plus laconique, c'est partir sans un mot. Le choc n’est pas que pour moi, son compagnon secret, Val est effondré. Il pleure tous les jours. Il culpabilise : « J'aurais dû m'en rendre compte! », « Je suis le pire des amis! », « Que va devenir ma vie sans lui! », ou « Ça doit être à cause de son trouble du spectre autistique. » Comme tout le monde, je suis étonné par cette révélation. Elle explique quelques aspects du comportement de Sam.
Je reste effaré et blessé d'avoir été jeté comme ça sans explication. J’ai bien vu que depuis plusieurs semaines, Sam s'est renfermé sur lui-même. Notre relation, somme toute platonique depuis le début, n'a pas avancé du tout. Et ces derniers temps, Sam refusait d'être touché. J’ai mis ça sur le dos du travail, des responsabilités qu'il a au sein de la communauté et de l'exposition itinérante qu'il prépare avec Val. Mais partir comme ça sans un mot d'explication !
Ça me rappelle ma propre fuite après la mort de Matheus. Après la colère du début, je me vautre dans l'espoir. Je suis certain de mes sentiments et de ceux de Sam. Il pourrait ne jamais avoir de sexe entre nous, cela n'a aucune espèce d'importance. Sam est l'homme que j’aime. Si je déborde, je peux toujours me palucher, ce que je fais déjà allègrement.
Malo prend les choses en main. Il va chez le notaire, qui lui donne toutes les instructions que Sam a préparées. Puis il réunit les hommes pour réfléchir au plan d'action pour continuer l'œuvre de Sam. D'un commun accord, on fera comme si de rien n'était. Tous pensent que Sam a besoin de recul. Il n'a pas 22 ans et tellement de charges et d'obligations qu'il a le droit et même il faut qu'il se repose. Nous nous devons d'être à la hauteur de la situation.
Par son départ, c'est comme si Sam nous indique qu'il a confiance avec les décisions que nous allons prendre. Nous ne devons pas nous rater. Il faut rester solidaire. Il reviendra. C'est l'affaire de quelques semaines, au pire quelques mois. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter. Éloi propose de se servir d'une pièce vide en rez-de-chaussée derrière sa boutique, pour y installer une laverie pour la confrérie. L'idée est adoptée à l'unanimité. Il y a beaucoup de nouvelles améliorations qui sont mises en place.
Plus personne n'ose parler de Sam : entre Val qui fond en larmes et moi qui rumine mon chagrin, d'un commun accord, on se tait. L'ambiance n'est pas morose pour autant : nous continuons à prendre nos repas ensemble, à faire des soirées jeux et musique, des activités de jardinage, des sorties en groupe,... Azza et Vikingur, nous aident à être positifs grâce à leur jeunesse.
Comme les semaines, puis les mois passent et qu'aucune nouvelle ne nous parvient, je ne tiens plus en place. Le départ de Sam a été le meilleur révélateur possible : sans sexe ni même avoir vu et touché son corps, à part son dos, ses bras, ses mains et ses épaules, je sais que je l'aime. Est-ce de la passion amicale ? Non, je suis sûr que c'est de l'amour platonique, mais de l'amour, c'est certain. Je désire Sam tous les jours depuis notre rencontre. Mon désir a commencé comme une curiosité inaccessible. C'est la première fois que je suis attiré par un homme trans. Je ne sais pas si nos corps sont compatibles et ça ne me préoccupe que peu. Je m'autosatisfais dans l'intimité de ma solitude. Mais ne plus lui parler, le regarder vivre, sourire, s’enflammer, sculpter, cuisiner, enfin tout ce qui fait ce qu’il est, me manque à en crever.
Enfin de compte, lors des presque quatre ans passés ensemble, Sam ne m’a rien révélé de ses désirs ou non-désirs, il reste une énigme. Ce que je sais de lui, c'est ce que tout le monde sait : son âpreté face aux sentiments, sa générosité, son sens de l'organisation, sa force morale et physique, sa grande intelligence autant intellectuelle que manuelle, sa pugnacité, son enthousiasme infantile et la gentillesse cachée sous ses airs durs. Pour moi, ce sont ses principales qualités. Ses défauts découlent de ses qualités : son intransigeance, sa sagacité, sa lucidité et son imperturbabilité font se demander si Sam n'a pas un cœur de pierre et une trop grande façon intellective de comprendre le monde. Il peut être sans pitié, vindicatif, froid et avoir des idées et des opinions inébranlables.
Pourtant les images, les sculptures et les photographies qu'il produit, montrent le monde et sa splendeur et parfois son horreur, avec une simplicité et une évidente beauté. La plupart de ses photographies ont quelque chose de lumineux, de calme, de pacifique. Certaines autres présentent la violence des éléments et de la Nature ou la complexité de l'âme humaine. Ces photographies peuvent devenir des sculptures de bois ou d'argile. En guise de titre, Sam colle le cliché qui a inspiré l'œuvre. Le sujet photographié est exploré, remodelé avec allégresse et enthousiasme. Même si certaines œuvres sont empreintes de fureur, on le sent doux et tendre qu'à travers son art. les clichés qu’il a faits de sa maman, en est la preuve : tout son amour transparaît, il semble transfiguré grâce à l’œil amoureux de Sam.
Cela fait un an et demi que nous sommes sans nouvelle. Je ne tiens plus. Je disparais à son tour. Je n’ai aucune piste pour rechercher Sam. Le seul indice est qu'il ait pris ses tenues de sport. Mon plan est de faire le tour des salles de boxe thaïe et des dojos où l'on enseigne le jujitsu. Après avoir éclusé ceux de notre région, je me dirige plus au nord. C’est le tour de Paris et de sa banlieue. Cela me prend des mois. Je vais vers l'Est. Je ratisse chaque département et chaque ville. Si par malheur, je ne le trouve que lors de la visite de la dernière région, j’aurais mis plusieurs années à ces recherches. Tant pis ! Sam peut très bien se trouver dans un des territoires et départements d'outre-mer ou bien en Allemagne, en Autriche ou même au bout du monde. J’ai pensé me rendre en Thaïlande pour faire le tour des innombrables salles de muay thaï ou au Japon, le pays du jujitsu, mais j’ai repoussé l'idée.
En visitant un petit club de sport de combat, dans une banlieue grise d'une ville frontalière d'avec l'Allemagne, j’ai eu la première information intéressante. Il y a plus de dix-huit mois, Sam est passé et a donné gratuitement des cours aux boxeurs les plus avancés en muay. Le directeur de la salle l'a tout de suite reconnu sur la photographie que je lui tends :
─ C'est un grand champion. Oh, je me ferais défoncer si je le disais devant lui. Il déteste la compétition. Il ne boxe que pour lui. J'ai été étonné qu'il vienne se perdre dans notre petite structure. Il vivait dans un hôtel dans le centre. Il est resté moins de trois mois. Un jour, il a dit « Au revoir et merci ! » et il est parti comme il était venu ou presque : depuis, nous recevons une somme rondelette tous les mois sur le compte de l'association. Grâce à ça, on a pu engager un prof à temps complet et changer de vieux équipements obsolètes.
C’est du Sam tout craché. Je me demande bien où il a pu aller après ? Une fois avoir fini le tour de l'Est, je descends vers le Jura. Éloi m’a dit de m'arrêter dans la ville où il a passé une grande partie de son enfance. C'est une petite ville de casernement avec un grand camp militaire. Je me loge dans un relais assez chic. Je prospecte chaque ville abritant des salles d'arts martiaux.
C’est dans une salle multisports du Haut Doubs que je trouve ma nouvelle piste. Il y a plus d'un an, Sam est venu pendant plusieurs semaines pour s'entraîner. Il était toujours seul et parler peu. Il a même pris quelques cours de boxe anglaise. Le coach a bien remarqué ce physique d'athlète et n'a pas été étonné que Sam soit boxeur et jujitsuka : « Parfois, pour gagner, il faut oser le recul et ralentir le rythme! » C'est ce que Sam lui a dit, ça l'a marqué. Il ne s'est pas encore remis d'avoir eu un élève avec un tel punch. Il est étonné que je lui montre un cliché de Sam avec un visage si féminin.
─ C'est la photo d'une femme que vous me montrez. Sam a la mâchoire plus carré.
─ Vous êtes sûr ?
─ Certain ! C'est un sacré bonhomme. Pas bavard, mais un excellent pousseur de fonte et très sympa. Il se comportait super bien avec les femmes du claub, alors que certaines l'auraient pris comme quatre heures, si vous voyez ce que je veux dire, dit-il en riant avec un petit air entendu.
S'il savait que Sam et moi, les nanas, c'est pas notre truc. Elles ne risquent rien avec nous.
Le coach m’apprend qu'il est parti en Suisse pour subir une opération chirurgicale vitale. Quelle opération ? Mystère. J’appelle Val qui a tout de suite su :
─ Bosco, ce n'est pas une mais deux opérations que Sam voulait et devait effectuer depuis son adolescence. Une torsoplastie de masculinisation par mastectomie totale, même s'il n'a que deux œufs au plat. Et une hystérectomie avec salpingectomie et ovariectomie, pour retirer tout ce qui n'a pas lieu d'être dans son corps.
Pour moi, maintenant, il est évident qu'il est allé les faire. Val continue :
─ Lorsqu'il était tout jeune, Sam m'avait assuré qu'il était comme moi, gay. Je n'avais pas compris à l'époque : pourquoi se sentir garçon alors que l'on n'est attiré par eux ? Il m'avait répondu : " Je suis comme toi, t'es un mec et tu ne veux pas être une fille et tu aimes les mecs ? Eh bien moi aussi ! Tu mélanges le genre et la sexualité! "
Son isolement accru et ses phases de silence complet étaient des signes de dépression. Personne n'a compris, aucun d'entre nous n'est une personne trans. Personne ne s'est penché sur la question. Tous nous sommes fiés à sa force de caractère et à son calme apparent. Nous avons mis sa fuite sur le dos du travail et des responsabilités, alors que c'était une dysphorie de genre qui lui pesait.
Je décide de rentrer. C'est la liberté et les choix de Sam. Il a métamorphosé son corps afin de pouvoir être lui-même, de se rapprocher du moi qu’il est profondément. J’espère juste que cette version de lui sera à la hauteur de ses attentes et qu'il aille mieux. Il doit être pour la première fois, plus près de sa réalité. Alors le chercher peut paraître comme un signe d'affection, mais je me rends compte que j’empiète sur l'intimité de mon amour. Il est préférable de rentrer aux Ateliers.
Maintenant, je suis sûr qu'il reviendra encore plus fort et surtout, lui-même. À sa façon, Sam avait construit sa propre virilité et sa propre masculinité, en faisant des sports de combat et du tango, en se tatouant une œuvre homoérotique monumentale, en profitant de son argent pour protéger les plus fragiles et les plus exposés aux violences de certains hommes-cis et même gays. Je comprends aussi mieux pourquoi Val disait que pour lui « il est le plus viril des hommes et que ne pas avoir une bite et deux couilles ne l'empêche pas d'être un homme, un vrai, et même plus vrai que tous les machos de la terre entière. » C'est avec son humanisme que Sam veut aussi être un homme. Mais il a besoin de pouvoir se reconnaître dans un corps adéquat. Cela explique pourquoi il ne le montrait pas à un autre homme. Le seul qui l'a entraperçu, c'était Malo. Cela n'avait duré qu'une nuit. Je suis amoureux d’un valeureux qui s’est battu contre lui-même. Sam, je t’aime, reviens vite.
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