Chapitre 7 - Vivre la passion

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Zach était une étoile polaire, un port d'attache et pourtant Ben le voyait comme une étoile filante qui disparaitrait dès qu'il le connaitrait mieux. Ben avait peur de perdre Zach. Mais plus il se découvrait plus Zach s'approchait de lui. Il perdit vite cette peur. Il en était arrivé à un point où plus Zach se donnait à lui, plus Ben se sentait affamé. Il n'avait pas imaginé que le velouté et le parfum d'une peau puissent le faire tomber en esclavage consenti. Ben nappait son amoureux de baisers. Ses caresses coulaient sur la peau brune et poilue de Zach. À chacune de leurs étreintes, Ben perdait pied: son corps entier devenait un pénis sensible et excité. L'envie du corps de Zach, de sa présence enveloppante, du son de sa voix profonde et rocailleuse, et de ses yeux sombres posés sur lui, sourdait, suintait, suppurait et exsudait de tout son être. Zach faisait naître en lui une frénésie érotique et sexuelle qui le dépassait. Il se sentait lubrique, satyre et sans gêne. L'entrée de Zach dans sa vie et dans son lit avait fait disparaître tous ses anciens amants insignifiants. Il les avait tous oubliés, ils étaient maintenant, radiés de ses souvenirs, ils retournaient d'où ils n'auraient jamais dû sortir, du néant. Ils lui avaient fait vivre trop de nuits navrantes où il avait espéré l'inattendu et la tendresse, alors qu'il ne lui en était resté que de l'inanité, des nausées et le goût amer de l'humiliation.

Pour Ben, il n'y avait plus aucune espèce de mesure de temps ou d'espace lorsqu'il était avec Zach, qui aurait pu lui dire : « Viens avec moi ! », il l'aurait suivi au bout du monde. La capacité de Zach à donner sans attendre la moindre contrepartie, l'avait métamorphosé. Pour la première fois de sa vie, Ben avait senti qu'enfin, il pouvait être lui-même. Il pouvait rire aux éclats, faire des plaisanteries grivoises ou donner son opinion sur n'importe quel sujet, sans se retenir ni s'empêcher d'être lui. Zach, en étant naturel, sincère et probe, lui avait rendu sa liberté. Il était libre d'être aimé et d'aimer. Il se souviendrait toujours de la saison qui lui avait coupé le souffle, et qui l'avait rendu à lui-même : jusqu'à la fin des temps, il aimerait les derniers jours de septembre, les premiers jours d'automne.

Zach était dans un état d'esprit aussi passionnel qu'admiratif. Les vagues de désir qui l'assaillaient, lui faisaient savoir des choses évidentes, mais jamais encore vécues: que toucher du bout des doigts ce qui ne sera jamais soi, alors que l'on veut se fondre en l'autre, était un tourbillon de sentiments contradictoires et merveilleux; que tout corps plongé dans l'autre, se noie dans un déferlement de vénération et d'ensorcellement. Leurs nuits étaient des successions de passion, de tendresse et de transports sans fin. Même après la jouissance séminale, Zach désirait encore et encore Ben. Détacher son corps du sien le plongeait dans l'affliction. Sa passion était une douleur, mais c'était aussi la plus douce des tortures. Il était devenu masochiste consentant : il aimait sentir son cœur se serrer lorsqu'il s'éloignait de Ben. Il ne vivait que pour le retrouver, le voir rire, le voir lire, le voir dormir, le voir manger, le voir vivre.

C'était sa première fois, sa première passion amoureuse, son premier véritable amour. Il n'avait jamais vécu quelque chose de comparable. Il voulait se donner corps et âme à cet homme. Cet amour faisait résonner le présent avec fracas, tout était plus rapide, plus fort, plus bandant et plus beau. L'amour magnifiait ce qui l'entourait. Il entrevoyait dans les moments plus calmes ce que cette passion pourrait devenir avec le temps, comme la nuit où Ben frissonnant de froid, il l'avait recouvert d'une deuxième couverture. De petites attentions devaient jalonner leur vie pour garder cette flamme allumée. Maintenant, il profitait du brasier de la passion, avant que plus tard, elle se soit transformée en une douce chaleur d'amour tendre.

Zach s'était toujours dit que la vie était une succession d'expériences. Certaines, et même la plupart, ne menaient à rien, mais aucune ne servait à rien, on en tirait toujours des leçons, on apprenait ce qui nous convenait vraiment. L'on pouvait avoir une vie très ordinaire, qui nous seyait, ou faire des trucs extraordinaires qui ne nous rendaient pas heureux.

D'avoir rencontré les hommes des Ateliers du Bonheur, Zach était certain que tout était possible. Chaque couple ou trouple vivait selon leurs propres règles: Val et Boris papillonnaient toujours en couple avec d'autres hommes; Malo et Thor étaient des pères de famille en relation exclusive comme le trouple que formaient Sébastien, Victor et Alfred; Dorian et Salah avaient décidé de vivre chacun dans son appartement et de se rejoindre quand bon leur semblait, comme d'ailleurs, Sam et Bosco; Aël et Caleb vivaient collés l'un à l'autre dès qu'ils étaient ensemble, ils vivaient cette fusion avec passion et tendresse; Éloi et Jean avaient une relation dominant-dominé volontaire dans toutes les situations de la vie et ils pimentaient leurs ébats de BDSM et de shibari depuis le début de leur rencontre.

Ben et lui trouveraient bien leur façon de suivre leurs envies pour faire perdurer leur amour. Ben avait besoin de se sentir protéger, cajoler et mis en confiance. C'était exactement ce dont Zach était capable et la façon dont il se comportait dans ses relations. Son ex avait trouvé ça ridicule et infantilisant, alors que Ben pouvait enfin lâcher prise et s'abandonner. S'il n'y avait pas de communications dans une relation, lors d'un conflit chaque partenaire pensait qu'il y en avait un qui avait tort et l'autre raison. Zach avait vécu ça lors de ses autres liaisons: il avait laissé faire car il avait oublié de s'affirmer, et surtout d'échanger et de parler. Il avait laissé pourrir certaines situations en croyant que tout allait s'arranger par l'opération du Saint Esprit. "Amen" aurait dit Éloi. Cette fois-ci, il ne voulait rien rater, il voulait construire sur le long terme. Il savait qu'il n'était pas à l'abri de se tromper, ou d'être trompé, mais qui n'essayait pas, ne pouvait que regretter.

Tous deux se levaient de bonheur chaque matin. Ils s'étreignaient, s'embrassaient et se chuchotaient quelques mots galants. Les dimanches de ce mois de décembre étaient particulièrement pluvieux et mornes, alors autant s'attarder au lit afin de tenter le tantrisme par temps triste. Pendant les heures lentes, l'hiver crayonnait de neige fondue le paysage oblique. Zach se délectait à la vue du profil pur et détendu de Ben. Il était beau comme l'homme d'un autre. Chaque jour était un jour où il avait envie de le reconquérir. D'un commun accord, Ben et lui avaient décidé de vivre ensemble entre les murs des Ateliers du Bonheur.

Zach mit en vente son appartement. Son ex traînait des pieds pour libérer le logement. Elle avait pris ça pour une lâche vengeance. Zach ne voulait pas mettre de l'huile sur le feu et surtout il désirait accélérer la vente, alors il la laissa salir sa réputation. Bosco et Thor lui proposèrent d'effectuer le déménagement pour lui. Ils se firent insulter et molester par les petits poings de l'ex furax. Ils avaient loué deux camionnettes: l'une pour les affaires de Zach et l'autre pour la furie. L'appartement fut vidé en moins d'une journée. Zach avait de la peine que cela se soit terminé avec ce genre de scène et surtout de haine. Elle avait voulu mettre un terme à leur relation et elle avait eu totalement raison, mais le fait que Zach ne se soit pas battu pour tenter de la récupérer, avait été un affront qu'elle ne lui pardonnait pas. Ses réactions disproportionnées la firent passées pour une névrosée, exactement le contraire de ce qu'elle voulait. Zach alla la voir pour lui faire entendre raison. Il avait beaucoup de peine qu'elle soit mal perçue par leurs amis. Crier sur les toits que Zach était une « pédale dégénérée », la desservait au plus haut point dans son travail: elle était travailleuse sociale.

Ben sut être aux côtés de Zach lors de ce déboire. Il fit abstraction de son immarcescible besoin d'attention pour épauler et cajoler son amant attristé. Cette épreuve leur prouva à tous les deux qu'ils étaient forts et solidaires :

« Arrête d'être gentil tout le temps même lorsque j'ai tort. Je me sens encore plus nul! chouinait Zach.

- Grand béta, je ne suis pas gentil et tu n'as pas tort, alors tu ne dois pas te sentir nul ! répondit Ben.

- C'est à moi d'être là pour toi !

- Alors quoi, je ne peux pas être fort et te soutenir parce que je suis ton "bottom" ?

- Mais non ! Tu as raison, je me comporte comme un prétentieux et un arrogant.

- Tu as un petit côté paternaliste, mais tu t'arranges avec le temps. Je ne me laisserais plus jamais faire, ne t'inquiète pas. J'ai décidé de ne pas brader mes sentiments pour adoucir mes faims d'émoi et d'amour. Si un jour, c'était le cas, je mettrais fin à notre couple. T'es prévenu!

- Tu es merveilleux ! Merci d'être assez patient pour m'aimer malgré les aléas de ma vie.

- Tu as fait exactement pareil pour moi lorsque nous nous sommes rencontrés. Il faudra juste s'assurer que l'on continuera à être uni dans l'adversité! » affirma Ben.


Cette année-là, Noël fut très gai. Les Ateliers du Bonheur firent le plein de bonnes nouvelles. Tudal, le papa de Thor, était venu avec son violon et sa joie de vivre. Il avait décidé de passer plusieurs mois par an avec Thor, Malo et Vikingur. Il avait trouvé un couple qui prendrait soin de son épicerie-bar. Quant à Thor et Malo, ils annoncèrent leur mariage et qu'ils faisaient des démarches pour adopter un nouvel enfant. En début de l'année prochaine, les papas de Malo viendraient habiter près de leur fils, beau-fils et petit-fils. Ils cherchaient une grande maison au calme avec un grand jardin pour accueillir leur famille. La maman d'Aël était venue accompagnée de son amoureux, un professeur de français divorcé et souriant. Azza présenta à tout le monde, une "amie" proche, ils firent tous comme s'ils n'avaient pas compris ce que cela sous-entendait. À partir de janvier, Jibril habiterait avec Fouad qui devenait aveugle. Les appartements des deux hommes étant trop petit, Sam et son entraîneur avaient trouvé une jolie maison de plain-pied avec un jardinet pas trop loin de leur cité HLM où ils avaient leurs habitudes. Éloi avait repris contact avec ses frères. Ce rapprochement fut un soulagement et lui donna le courage de revenir vers la foi catholique. Dorian et Salah voulaient eux aussi se marier, tout en gardant leur propre appartement. Ils tenaient à une certaine indépendance, ils trouvaient que cela nourrissait le feu de leur amour. Salah avait lui totalement abandonné son engagement pour l'Islam, il n'était pas l'"intègre" pour rien. Val et Boris vivaient toujours leur amour au jour le jour. Ils préféraient batifoler et s'ébattre avec des jeunes hommes de leur connaissance ou inconnus. Ils aimaient la vie légère et sans contrainte.

Comme il en avait rêvé, Bosco voulait faire un tour d'Europe à vélo. Il partirait au printemps pour un temps non défini. Il avait invité Sam à le suivre, mais il préférait en profiter pour aller en Mongolie! Quant à l'enflure de Franck, il avait été pris la main dans le sac: à défaut d'être passé devant la justice pour ses façons déplorables de se comporter avec ses jeunes amants, il était poursuivi pour malversations, prises illégales d'intérêts et complicité de délits d'initiés. Ouf! Un de moins! avait dit soulagé, Sam.

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