74. Laisser aller
PDV de Jeff
Cela fait maintenant trois semaines que Fred nous a quitté subitement.
Ely avait refusé d'assister aux funérailles, malgré mon insistance. Je n’avais pas réussi à trouver les mots pour la convaincre. Avant de partir, je l'avais donc confié à Dylan, son allié.
Après cette terrible épreuve, j'ai dû prendre la succession de l'école en attendant la suite .
A ma grande surprise, dans son testament, Fred m’avait légué son école. Mais ce qui me surprit le plus, c’est qu’il me demandait de prendre le relais pour Ely s’il lui arrivait malheur. Ce qui veut dire que Fred avait fait ou revu son testament quelques jours ou semaines avant son décès. Fred devait vraiment tenir à elle pour rédiger ce souhait dans un document officiel.
Face à tous ces événements, je n'ai pas eu une minute à moi, même si je n'oublie pas cette tragédie qui m'a terrassé. J'en arrive même à me demander si j'arriverai à m'en relever. Cependant, Fred ne m'en a pas laissé le choix, en me confiant la mission d'éduquer Ely.
Quant à Ely, elle montrait en apparence qu'elle se fichait du décès de Fred. Mais derrière cette apparence, je savais qu'elle souffrait énormément.
Face à ces pensées, une pointe d'amertume me serra une nouvelle fois le cœur. Si seulement ce soir-là nous n’étions pas sortis ou, encore mieux, si j'avais conduit à sa place nous n'en serions pas là.
Avec des si, nous referions le monde me soufflait ma conscience, je me devais de réagir, et vite.
Au départ, j'ai donné pour ordre aux enseignants d'être souples avec Ely, de lui laisser le temps d'accepter, chose que je n'aurais jamais dû faire car elle est devenue rapidement ingérable.
Ely part complètement à la dérive, je me dois de lui resserrer les boulons, cela devient urgent. Les professeurs n'en peuvent plus. Elle ne fait plus rien et, pire, elle sème la pagaille dans les cours.
Pour finir, je me retrouve donc à la direction d'une école très réputée pour son éducation sévère avec en prime une élève et une soumise ingérable.
PDV d'Ely
Après la disparition de mon Maître, je me suis terrée dans mon mutisme. Je suis vite redevenue la même personne qu'à mes débuts ici. Devant ma tristesse, le lieutenant Jeff m'a permis de retrouver mon dortoir des premiers jours, et par conséquent de retrouver Dylan pour manger et en cours.
Au début j'étais triste mais, au fil du temps, je me suis mise à faire tout et n'importe quoi pour me faire remarquer.
Ce qui me surprend le plus, c'est que les enseignants me laissent faire ce que je veux. Je ne parle même pas du lieutenant Jeff qui m'ignore royalement. Je ne comprends pas sa réaction alors que j'ai besoin de sentir son autorité pour me sentir mieux. J'avais compris au cours des 2 mois précédents que l'autorité qui émanait de lui vis à vis de moi, me donnait une sorte de liberté. Elle m’obligeait à ne plus trop penser au passé.
Je le soupçonne d'ailleurs de m'en vouloir de ne pas l'avoir accompagné au cimetière lors des funérailles, mais, c'était au-dessus de mes forces. Je venais de perdre encore un être cher à mes yeux et le même schéma horrible se reproduisait une nouvelle fois.
Combien de temps le lieutenant Jeff me laissera-t-il faire n'importe quoi ? Me croyait-il responsable comme je le pensais en mon for intérieur?
J'avais été une piètre soumise pour mon Maître, ce qui me faisait beaucoup culpabiliser. Si j'avais été sage mon Maître aurait été auprès de moi au lieu d'être dans cette putain de voiture ! La thèse que je m'étais forgée depuis longtemps se confirmait. J'étais responsable du décès de tous ceux qui m'aimaient.
Il me faut vivre avec tout ce poids sur la conscience et je ne sais pas encore pendant combien de temps je le supporterai.
Ce matin, je sors tranquillement. Je serai en retard comme tous les matins. Après tout, rien ne sert de courir. J'ai pris l'habitude de finir ma nuit pendant les 2 premières heures de cours comme au bon vieux temps.
J'entre sans frapper et, oui, les vieilles habitudes reviennent au galop que voulez-vous !
Un regard noir se pose sur moi mais j'y fais abstraction. Je vais à ma place fétiche, au fond contre le mur. C'est le meilleur endroit pour ne pas entendre le prof nous rabâcher des choses strictement inutiles.
— Mademoiselle Ely, quel plaisir de vous voir, on ne vous attendait plus ! me dis le prof de math.
Il faut dire que j'ai plus de 30 minutes de retard.
— Je peux retourner d'où je viens si je vous dérange ! Répondis-je sur un ton sec.
— BAISSEZ D'UN TON IMMÉDIATEMENT, crie t'il.
— Waouh ! là, dois-je avoir peur ?
— Vous ne savez pas à quoi vous vous engagez en me répondant ainsi.
Je vois les autres élèves stupéfaits de la façon dont je réponds au prof.
— PAS À GRAND CHOSE, HORMIS VOUS CLOUER LE BEC !
— Dans le bureau du colonel immédiatement !
— Je ne voudrais pas vous contredire mais on en a plus, il me semble, à moins d'aller au cimetière.
Je serre les dents en prononçant ce dernier mot, je ne sais pas ce qui me prend de dire ça.
— Pour votre information, si vous étiez à l'heure vous seriez au courant que notre nouveau colonel est le lieutenant Jeff et cela depuis presque 2 semaines.
— QUOI ?
Je viens de prendre un coup de massue sur la tête. Un colonel est fait pour recadrer ses élèves et lui me laisse faire tout ce que je veux depuis 3 semaines.
— Dylan, veuillez accompagner Mademoiselle Ely chez le colonel et donnez lui ce mot par la même occasion.
Au moins, je n'ai pas trop à m'en faire. Il va seulement constater que j'existe toujours, ah ! ah ! ah !
— Ely, je conçois que tu souffres mais tu y a été vraiment trop fort. En plus, il est nouveau et, franchement, c'est le prof le plus sympa que l'on a, essaie de me résonner Dylan.
— Stop, je ne souffre pas, je ne suis pas en sucre alors laisse moi gérer ma vie comme je l'entends.
— D'accord, désolé, je voulais seulement t'aider. Au besoin, n'oublie pas que je suis là, c'est à cela que servent les vrais amis.
Ses paroles me vont droit au cœur. Seulement, je ne peux pas continuer à le laisser s'approcher de moi sous peine qu'il termine comme ceux que j'ai aimés.
— Ouais.
— Au fait, j'ai vu le colonel ce matin dans notre classe. Il n'avait pas l'air de bonne humeur. J'ai entendu de brèves paroles de sa part te concernant, il a prononcé ton prénom en disant : plus de pitié, c'est terminé.
Face aux divulgations de Dylan, je comprends mieux la réaction du prof de math maintenant. Mais ce n'est pas ça qui m'arrêtera, il peut en être certain.
On arrive devant la porte.
— Dylan, s'il te plaît laisse moi partir, j'ai besoin de temps.
— J’aimerai bien mais je vais me faire allumer, je ne peux pas Ely.
Avant qu'il termine sa phrase je pars en courant en lui disant.
— Laisse-moi un peu d'avance puis tu entres.
Annotations