49. Zéro pointé pour l’Espion

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Jonas

Je souris à Philippe, notre patron qui fait demi-tour, rassuré de voir que ses deux directeurs ont décidé de faire la paix et de collaborer pour le bien de la société. Il m’a encore félicité de mon choix de laisser la place et d’aller tenter l’aventure à Dubaï. Le pauvre, s’il savait que je fais attention non pas pour que mes dernières semaines se passent calmement mais bien parce que je veux retrouver Pénélope dans un lit chaque soir ou presque ! Je ne suis pas fou, non plus, le plaisir est tellement intense que ça serait bête de gâcher une chance pour un bon mot au boulot !

— Tu as posé ton après-midi, tu disais ? Je n’étais pas au courant. Tu as un souci ?

— J’ai rendez-vous avec Steven pour discuter du divorce, j’ai tellement hâte, soupire la jolie rousse en grimaçant.

— Ah oui, je vois. Bon courage, alors.

J’hésite un instant à continuer mais ma curiosité est la plus forte. Je ne sais pas si elle va me répondre, mais j’ai besoin de savoir où ils en sont. Si elle l’a épousé, c’est qu’il y a eu des sentiments forts entre eux. Sont-ils vraiment tous morts ?

— Et ça se passe comment avec lui, en ce moment ? C’est toujours à couteaux tirés ? Tu n’as pas besoin d’avoir un garde du corps cet après-midi ?

— Il y a bien longtemps que je n’ai pas eu besoin de garde du corps, Johnny. Disons qu’on ne s’est pas encore entretués… Steven est plus zen, plus avenant, sans vraiment lâcher du lest, ce qui m’agace.

Tu m’étonnes qu’il soit plus avenant. Le gars, il ne doit rêver qu’à une chose, la remettre dans son lit. Et comment le blâmer ? Je fais semblant de ne pas prêter plus d’attention à l’histoire mais dans ma tête, les idées fusent dans tous les sens. Je finis par prendre une décision que j’espère ne pas regretter plus tard. Discrètement, je pose moi aussi mon après-midi, annule mes rendez-vous et me libère. Nono n’a peut-être pas besoin d’un garde du corps mais elle en aura un. Et s’il tente quoi que ce soit, j’interviendrai avec la manière forte. Enfin, si elle n’est pas d’accord et ne retombe pas dans ses bras volontairement… Là au moins, je serais aux premières loges pour y assister…

M’étant discrètement renseigné sur le lieu de rendez-vous, je fais un crochet par chez moi avant d’aller me poster dans le café où elle va voir son futur ex-mari. La serveuse me regarde bizarrement et je vérifie dans le grand miroir qui surplombe toutes les tables que mon look ne me rend pas trop visible. J’ai enfilé une perruque rousse qui vient d’un déguisement d’Halloween et suis habillé tout en noir, pour être le plus discret possible. Je me suis mis dans un coin du café pour pouvoir observer toute la pièce en espérant que Pénélope ne me remarque pas quand elle arrivera.

Je ne tarde pas à la voir débarquer et mes craintes semblent bien fondées. Steven est avec elle et ils sont tout sourires en s’asseyant à quelques tables de moi. Je ne sais pas s’il lui a raconté une blague mais ça l’a bien fait rire. J’espère que l’adage, femme qui rit à moitié dans ton lit, ne va pas se vérifier cet après-midi. Je me renfrogne dans mon siège lorsque la jeune serveuse vient prendre leur commande et que Nono en profite pour laisser errer son regard. Je crois qu’elle ne m’a pas reconnu et je continue donc à les observer. Je tends l’oreille et écoute leur conversation.

— Tu sais, Penny, c’est dommage que ça finisse comme ça. On pourrait peut-être au moins garder notre groupe, non ? Cela nous permettrait de continuer à nous voir…

Pourvu qu’elle lui dise non ! Ce serait le meilleur moyen de la reconquérir, ça. Et fini notre contrat…

— On a déjà trouvé un nouveau guitariste. Et tu me connais, quand quelque chose est terminé, je tourne totalement la page. Rien ne sert de garder un lien qui pourra rendre les choses plus compliquées qu’elles ne le sont déjà.

— Tu as sûrement raison. Et pour l’appartement, on fait comment ? Tu peux vraiment me racheter ma part ? Sinon, je la garde et tu me laisses l’utiliser de temps en temps.

Je ne peux retenir un grognement en l’entendant déblatérer ses stratégies toutes plus foireuses les unes que les autres juste pour rester en contact avec son ex-femme. J’ai dû être plus bruyant que je ne le croyais car la serveuse s’approche de moi et s’arrête devant ma table.

— Vous souhaitez quelque chose ?

— Euh, je vais reprendre une eau gazeuse, s’il vous plaît. Je crois que j’ai avalé de travers.

Elle s’éloigne sans insister davantage et je peux reporter mon attention vers la table de Pénélope mais là, mon cœur s’arrête. Ses yeux sont fixés sur moi et je constate qu’elle fait un effort pour ne pas tirer une grimace. Elle m’a reconnu, c’est évident. Et je sens que je vais passer un mauvais quart d’heure. Je fais mine de rien mais les battements de mon palpitant s’intensifient. Je suis dans la merde. Heureusement pour moi, Steven n’a rien capté et il continue son petit jeu stupide.

— Peut-être que cet éloignement va nous faire du bien et nous faire comprendre qu’en fait, la vie loin l’un de l’autre n’a pas de saveur. Moi, j’y crois encore.

— Je pourrais te brosser dans le sens du poil, essayer d’arrondir les angles pour ne pas être trop brutale, mais tu me connais, Steven, ce n’est pas mon genre. Et si je suis tout à fait honnête avec toi, je me sens beaucoup mieux depuis que nous sommes séparés. Ça m’ennuie pour le groupe, pour ta famille, pour nos années passées ensemble, mais je crois vraiment qu’il faut mettre un point final à tout ça.

Durant leurs échanges suivants, elle n’arrête pas de jeter des regards vers moi et j’ai du mal à y lire ce qu’elle pense. Je fais mine de me plonger dans mon téléphone et hésite à m’en aller mais leur conversation s’arrête assez brusquement, après un silence où clairement, ils n’ont plus rien à se dire. Avant que j’aie eu le temps de m’éloigner, Steven se lève, fait la bise à Pénélope et se barre, la laissant seule à table. Je suis toujours en pleine hésitation mais la jolie rousse a l’air décidée à me confronter car elle se lève et s’installe sur la chaise en face de la mienne. Elle n’a pas l’air contente.

— Tiens, tu es là ? osé-je demander sans réussir à sourire. Tu sais que tu es toujours aussi belle ?

— Quelques courbettes ne t’aideront pas à t’en sortir, Johnny. Je peux savoir ce que tu fiches ici ?

— Je ne suis pas Johnny. Je suis ici incognito, en mission de… surveillance pour le compte d’une puissance étrangère. Et tu es en train de ruiner ma mission, là.

Je tente l’humour même si je ne suis pas sûr que ça fonctionne. Au point où j’en suis, je ne risque plus rien.

— Étrangère comme… la Russie ? Ou Mars ? Je ne savais pas que tu étais un genre de 007.

— Je suis surtout un genre de zéro tout court, ris-je. Non, j’avoue, j’étais jaloux que tu passes du temps avec Steven et j’avais raison de croire qu’il allait essayer de te reconquérir, non ?

— Ah, parce qu’en plus, tu espionnais carrément notre conversation, soupire-t-elle. Et tu ne me fais absolument pas confiance.

— Je n’arrive pas à lutter contre ma jalousie, soupiré-je. Je… je n’avais pas d’inquiétude sur le fait que tu le rejettes, mais il fallait que je le voie de moi-même pour vraiment y croire. Ça fait de moi un zéro, zéro, zéro, non ?

— Je confirme, surtout que de nous deux, c’est toi l’homme aux multiples conquêtes, pas moi.

— Je suis inexcusable, je sais, mais tu me pardonnes quand même ? Ma bêtise nous permet de nous voir, c’est bien, non ? Parce que je ne rigolais pas quand je disais que tu étais toujours aussi belle. Je ne sais pas comment ton stupide mari a fait pour résister à l’envie de te sauter dessus.

— Mon stupide futur ex-mari se tape une nana de vingt ans à peine, Jonas. Il n’en a plus rien à foutre de moi si ce n’est pour le côté confortable du mariage.

— Il doit déjà regretter, tu n’as rien à envier à une nana de vingt ans, je t’assure. Et même si tu peux légitimement m’en vouloir aussi, j’avoue que je suis content d’être ici avec toi au lieu d’être au boulot. Ici, au moins, je peux espérer un petit bisou, non ?

— Pousse pas le bouchon, tu es venu ici pour m’espionner, s’esclaffe-t-elle. Tu ne veux pas que je te félicite non plus ?

— Ah si, tu pourrais me féliciter sur le fait que j’ai maintenant la même couleur de cheveux que toi, sur mon inventivité, ma ténacité, mon côté séducteur irrésistible à la James Bond… Dans les films, les espions finissent toujours avec les jolies femmes, non ?

— Tu sais que ton sex appeal a chuté de manière drastique avec ce costume ?

Je crois que c’est mon jour de chance. Elle n’a pas l’air plus contrariée que ça par mon attitude et son ton n’est pas du tout froid ni rempli de reproches. J’en suis surpris mais surtout ravi.

— Il ne tient qu’à toi de me l’enlever alors. Je suis sûr que ça fera remonter mon sex appeal en flèche. Et pas que ça, d’ailleurs, qui remontera !

— Ah oui, donc en plus de te féliciter pour ton comportement de 000 bidon qui est un poil un red flag, je dois également te déshabiller et te laisser avoir accès à mon corps ? Tu ne manques pas de confiance en tout cas ! J’ai musique dans une heure et demie, tu penses quoi d’un coup vite fait aux toilettes ? Pas très glorieux, mais mieux que rien, j’imagine.

Je manque d’étouffer en entendant sa proposition mais elle me regarde à la fois amusée et clairement excitée. Si j’avais su, ça fait longtemps que j’aurais tenté la perruque rousse !

— J’en pense que c’est une excellente idée, ma Nono. Allons-y, ne perdons plus une minute. Il est urgent que je te montre le véritable sex appeal qui se cache sous ce costume ridicule !

— J’ai surtout hâte que tu vires ce costume, oui, rit-elle en se levant.

Elle attrape ma main et je me colle dans son dos jusqu’aux toilettes pour handicapés dans lesquelles s’engage Pénélope sans hésitation. J’ai à peine le temps de refermer la porte derrière nous que déjà elle se jette sur moi et me retire ma perruque avant de m’embrasser en me plaquant contre la porte. Je la serre contre moi et même si nous procédons avec une certaine urgence, cela n’empêche pas nos excitations respectives de se rejoindre et d’embraser nos désirs. J’ai l’impression que Pénélope veut célébrer la fin de sa relation avec Steven de la plus somptueuse des façons et je ne suis pas le dernier pour répondre à ses attentes. C’est fou ce que tout est naturel entre nous. Notre jouissance dans cet espace confiné est forte et nous faisons tout pour rester discrets malgré le plaisir qui nous foudroie. Et lorsque nous ressortons, c’est le sourire aux lèvres et des étoiles plein la tête. Mission réussie pour Zéro Zéro Zéro et sa jolie Zéro “girl”.

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