50. Toasts aux orgasmes
Pénélope
Un gloussement m’échappe en voyant Elise nous resservir un verre de Mojito. Allez savoir pourquoi, quand on fête le célibat de l’une de nous trois – mais jamais de Solène puisqu’elle a son Victor – c’est à coups de cocktails et de mal de crâne carabiné le lendemain. Et quoi de mieux que de finir totalement bourrées quand c’est la fête et pour Elise, et pour moi ?
Solène a insisté pour qu’on célèbre la fin de cette semaine de parties de jambes en l’air pour Elise, avec un avocat qu’elle a daté sur un site de rencontre. Pourquoi est-ce que ça s’est terminé aussi vite ? Parce que ce con jouait sur plusieurs tableaux. Quant à moi… je fête un divorce qui n’a pas encore été prononcé, mais l’acceptation de mon futur ex… du moins à première vue. On verra ce que cela donne, mais il ne m’a plus envoyé de message ni tenté de me contacter depuis que nous nous sommes vus cette semaine, c’est déjà ça.
Je leur proposerais bien de fêter les orgasmes que j’ai à la pelle avec Jonas, mais il est bien possible qu’elles ne me croiraient pas… Pourtant, c’est véridique, il fait tout ce qu’il faut pour que je ne sois jamais frustrée et que je finisse par jouir. Coucher avec Jonas, c’est gagner à l’euromillion à chaque fois, tout simplement parce qu’il connaît mon corps comme personne et n’a pas un poil d’égoïsme au lit, ou sur ce canapé où je me trouve, sur la table en verre de ma salle à manger, sur le plan de travail de la cuisine, dans la baignoire, la douche et j’en passe. Mon cerveau a totalement remplacé Steven dans ce lieu où nous avons pourtant vécu un moment. Quand je regarde mon canapé, c’est Jonas à genoux entre mes cuisses que je vois… et c’est pareil un peu partout ici.
— Wow, vas-y mollo sur le service, gloussé-je en tentant vainement d’empêcher Solène de remplir mon verre à peine est-il vide.
Je veux garder les idées claires, j’ai rencard en fin de soirée. D’ailleurs, j’adore les filles, mais il faut qu’elles décampent assez tôt, ce soir… J’ai défié Jonas de parvenir à me faire jouir sans jamais me toucher avec ses mains, j’ai hâte de voir ça. Bon sang, ça m’excite déjà rien que d’y penser. Pourquoi j’ai accepté cette soirée entre nanas ? Ah oui, j’en ai déjà refusé trois, trop occupée à profiter de mon amour de jeunesse.
D’ailleurs, ce dernier me chauffe par messages depuis déjà une bonne heure et c’est de la triche, parce que je doute qu’il les écrive avec sa langue ou sa… Ouais, l’image est bizarre, j’en conviens.
— Bon, je vais chercher le dessert ! m’enthousiasmé-je en me levant.
Oulah, le sol n’est plus très droit, ce soir… Sosso a réussi à me faire trop boire, mais je ne perds pas de vue mon objectif : Jonas et moi, la jouissance sans les mains. Alors je me dépêche, autant que possible, de débarrasser la table basse de l’apéritif dînatoire qui a, Dieu merci, épongé un peu d’alcool, et récupère les mousses au chocolat maison dans le réfrigérateur. J’en ai fait plus pour pouvoir en offrir à mon amant qui adore ça et, je plaide coupable, maintenant que je suis un peu éméchée, l’idée qu’il savoure ce dessert sur mon corps me paraît vraiment intéressante… même si ça risque de coller et qu’un sol qui tangue dans une douche en levrette, ce n’est sans doute pas l’idéal.
Bon sang, même avec un coup dans le nez je ne pense qu’à ça… Mon cerveau carbure au plaisir, et pas n’importe lequel.
Je profite d’ailleurs d’être en cuisine pour répondre à son dernier message.
[Arrête de me chauffer. Si je crame avant que tu débarques, la soirée va vite être finie !]
Je glousse comme une andouille en apportant le plateau au salon, où Elise trinque avec Solène aux “enfoirés quand même capables de nous faire jouir”, parce qu’elle vient de passer une semaine de folie et pourrait apparemment rivaliser avec moi sur le compte des orgasmes. Dommage que le type en saute une autre en début de soirée alors que mon amie cherche l’homme de sa vie…
Je zieute une nouvelle fois mon téléphone quand je surprends un regard bourré de curiosité qui me pousse à le ranger et à me tenir à carreaux. Je n’ai pas dit aux filles pour Jonas et moi… Est-ce que j’ai honte ? Non ! Mais j’ai la trouille, alors je préfère ne pas les entendre me dire combien c’est risqué de recoucher avec son ex… Je me le dis déjà quotidiennement et j’oublie tout quand son corps percute le mien…
— Délicieuse, cette mousse, non ? demandé-je, la bouche pleine, pour détourner l’attention.
— On s’en fout de la mousse. A qui tu écris comme ça depuis tout à l’heure ? Tu t’es trouvée un nouveau Jules ?
— Quoi ? Oh, non ! C’est mon frère, rien de plus, énoncé-je avant de grimacer.
Ouais, non, l’idée est débile, vu les messages échangés. Quelle horreur !
— Au fait, Victor a repris la boxe, ça y est ? éludé-je.
— Purée, j’y crois pas, là. Tu t’en fous de Victor, non ? C’est ton frère qui te met le rouge aux joues comme ça ?
— Hein ? Mais non, enfin ! T’es folle ! Je… Merde, possible que j’ai trouvé quelqu’un pour réchauffer mes draps de temps en temps, ouais. Et alors ? Victor et la boxe, ça m’intéresse vraiment. En plus, je le trouve hyper sexy quand il boxe.
— C’est vrai qu’il est trop sexy, renchérit Elise. Avec son petit short et ses beaux abdos !
— Non mais, arrête, Elise. T’es trop bourrée ou quoi ? T’as pas entendu ce qu’a dit notre Penny à nous ? Elle a un mec qui lui réchauffe les draps ! Et sa minette aussi, vu sa tête ! Il est beau ? Il est doué ? Raconte !
— Je n’en dirai pas plus, gloussé-je en mimant de zipper ma bouche. Trop de plaisir, ça coupe la parole…
— Eh, à quoi ça sert les soirées entre filles si ce n’est pas pour se chauffer en se racontant tout ? Tiens, je vais t’ouvrir la bouche, reprends un verre ! s’empresse de me répondre Solène en me servant à nouveau. Et si tu nous donnes des détails, je vous raconte comment mon petit Victor a adoré quand je lui ai fait une petite surprise !
— Ouais, dis-nous au moins qui c’est ! On le connaît ?
Je soupire et avale une gorgée de mon cocktail. Je n’ai jamais été très friande des détails sexuels de la vie de mes amies. Les savoir frustrées ou satisfaites me suffit amplement. Quand Elise a traversé le désert, Solène et moi lui avons offert un Womanizer, c’est le max dont je suis capable. J’assume mes actes, je suis du genre plutôt libérée au lit, mais cela reste de l’ordre de l’intime.
— Il y a trop de parties de jambes en l’air, trop d’orgasmes et trop de détails pour que je ne puisse en sélectionner que quelques-uns, ris-je. Jonas est toujours aussi chaud au lit.
Je grimace en constatant que l’alcool me délie un peu trop la langue, et je suis sûre que Solène jubilerait de voir son plan machiavélique fonctionner si elle n’était pas à deux doigts de gober les mouches, tout comme Elise, d’ailleurs.
— Quoi ? On baise, rien de plus !
— Putain, mais c’est Jonas, quoi ! Tu m’étonnes qu’au boulot, vous ne passiez plus tout votre temps à vous disputer ! Et il est si chaud que ça ?
— Tu t’es remise avec ton ex ? s’étonne Elise, plus posément. Tu fais n’importe quoi, non ?
— Non, on profite simplement du temps avant son départ pour Dubaï pour… vivre d’orgasmes et de mousse au chocolat ? De plaisir et de douches crapuleuses ? Vous voyez le genre… On n’est pas ensemble.
— Tu essaies de le retenir pour l’empêcher de partir en le faisant jouir, c’est ça ? Tu le vois souvent ? Enfin, en dehors du boulot, je veux dire…
— Je n’essaie pas de le retenir !
Une partie de moi a même hâte qu’il parte, celle qui meurt de trouille à l’idée de retomber amoureuse de Jonas, celle qui se voile la face parce que pour retomber amoureuse, encore faut-il ne plus l’avoir été à un moment donné…
— J’essaie de profiter de ce que la fusion avec les cygnes m’a apporté de bon : retrouver mon ex et premier amour, profiter à nouveau de sa bouche magique, de ses mains adroites et de… ce petit plus qui n’est pas si petit et qui se trouve entre ses jambes. Bref, je profite des plaisirs de la vie, je tourne la page de mon mariage foireux en prime, c’est tout bénéf !
— Vous fusionnez bien, ça se voit ! se moque Soso en riant.
— Wow, ça donne envie ce que tu dis, renchérit notre amie, les yeux rêveurs. Quand je pense que moi, je vais me retrouver sans petit plus jusqu’à ce que je retrouve un mec…
— Dis-toi que je baise en CDD après que le CDI de mon mariage a foiré, si tu trouves que ma situation est plus agréable que la tienne. Et rappelle-toi que j’ai vingt-neuf ans. Divorcée avant trente ans, sans gosse… Toutes les mauvaises langues vont me voir finir vieille fille avec quinze chats chez moi qui me boufferont quand je crèverai seule.
Nous nous observons toutes les trois quelques secondes avant d’éclater de rire. Le tableau n’a pourtant rien de très joyeux, mais ces clichés sont tellement présents qu’il est impossible de ne pas s’en moquer.
— Bon, terminez-moi cette mousse au chocolat et rentrez chez vous, j’ai rendez-vous avec le septième ciel, moi, ce soir !
— Tu nous raconteras la prochaine fois qu’on se fait une soirée ! Vends-nous un peu de rêve !
Mouais, pas dit que j’en parle davantage. Ces moments-là n’appartiennent qu’à Jonas et moi… Et Jonas va bientôt arriver, alors je mets presque les filles dehors dès qu’elles ont terminé leur mousse. Je ris en entendant Solène consoler Elise qui va rentrer chez elle et passer la nuit seule, m’impatiente quand cette dernière me serre dans ses bras en me répétant encore et encore de profiter pour deux mais de faire attention à mon petit cœur. Je tangue quand Solène me fait faire la danse du sexe, sortie de son imagination, j’imagine, un peu tordue et pas géniale pour mon état…
Quand l’appartement est redevenu silencieux, je débarrasse la table basse, range un peu la cuisine et termine mon verre en mettant un fond de musique. Je file dans la salle de bain, me déshabille et enfile mon peignoir en satin que je noue négligemment autour de ma taille.
J’attends Jonas sur le palier lorsqu’il a sonné, glousse quand il se presse contre moi et me ramène à l’intérieur en bougonnant. Mon hilarité s’accroît quand je comprends qu’il ronchonne parce que j’ai le ventre à l’air et que n’importe qui aurait pu voir que je ne porte rien sous mon peignoir…
— Arrête d’être jaloux comme ça, pouffé-je, tu es le seul à pouvoir toucher, les autres ne font que regarder. Enfin, ce soir tu dois te débrouiller pour ne pas toucher avec les mains, n’oublie pas !
— J’espère bien être le seul à pouvoir toucher ! Et j’ai plein d’idées pour te faire craquer, même sans utiliser mes mains ! Et ça commence par un baiser à ces lèvres qui n’attendent que ça, on dirait.
— Qu’est-ce que tu attends ? Je te préviens, Solène m’a un peu trop fait boire, ce soir, mais je suis quand même en forme ! Enfin… il va falloir éviter les positions acrobatiques, je risque de me casser la figure, le sol tangue un peu, ricané-je.
Il sourit et dénoue mon peignoir avant de le faire tomber à mes pieds en prenant garde à ce que ses mains n’entrent pas en contact avec ma peau, puis se penche vers moi. Je crois qu’il va m’embrasser mais ses lèvres se posent dans mon cou et il commence à me dévorer doucement, comme il sait si bien le faire. Fermant les yeux pour savourer ces sensations, je dois m’agripper à son tee-shirt pour garder l’équilibre.
— On peut aller direct dans ma chambre ? Ça tourne un peu trop à mon goût, marmonné-je en l’entraînant à ma suite dans l’escalier.
— Oui, on passe directement au dessert. Je peux utiliser mes mains pour te maintenir dans l’escalier ou tu vas dire que j’ai échoué à mon défi ?
— Je crois que ça va même être obligatoire, gloussé-je. Sauf si tu me portes sur ton dos. Merde, je crois que j’ai vraiment trop bu, Jo…
— Ne t’inquiète pas, si on ne fait pas le défi ce soir, ce sera demain. Allez, accroche-toi, on monte.
— Demain, promis ? soufflé-je en passant mon bras autour de sa taille. J’ai vraiment envie de voir ce que ça va donner… Bon sang, j’y ai pensé toute la soirée, tu sais ? Je jure que je ne boirai pas une goutte d’alcool demain !
— Promis, ma belle. Allons-nous coucher, tu ne tiens plus debout. Et tu diras à tes copines que je leur en veux de t’avoir mise dans cet état-là, hein ! Elles abusent, là.
Je ricane lorsqu’il me laisse tomber sur le lit, attrape sa main pour l’entraîner avec moi.
— Il fallait fêter la semaine d’Elise. Tu sais, un homme qui te fait jouir systématiquement, c’est plutôt rare. Il méritait qu’on trinque à sa santé, même si c’est un connard qui baisait à tous les râteliers.
— C’est si rare que ça ? me demande-t-il en s’allongeant dans mon dos avant de déposer un doux baiser dans mon cou.
— Tellement rare que même à dix-huit ans, j’en avais conscience et que te quitter a été la décision la plus difficile de ma vie, marmonné-je en me lovant davantage contre lui. Tu restes, cette nuit ? Je te promets de me faire pardonner dès que je ne verrai plus tout en double.
— Bien sûr que je reste. Endors-toi, je veille sur toi.
“Tu me manques”. Je ne sais pas si je pense fortement ces mots en m’endormant ou si je les lui murmure, mais ils n’ont jamais été aussi véridiques. M’endormir dans les bras de Jonas a toujours été un réel kif pour moi. C’était un peu le meilleur moment de la journée, celui où l’on se papouillait, où on se disait “je t’aime” et où l’on parlait d’avenir…Je crois bien que ce sont ces moments qui m’ont le plus manqué lorsque je l’ai quitté. Et je suis trop ivre pour en profiter, ce soir. Quelle andouille !
Annotations