52. Gaspard le cafteur

9 minutes de lecture

Pénélope

Je souris en apercevant Jonas au bout du couloir lorsque je sors de la cuisine du restaurant où nous sommes installés. Aujourd’hui, mes parents fêtent leurs trente-cinq ans de mariage et nous ont tous réunis pour l’occasion. La tablée est longue, bruyante, mais impossible de ne pas se réjouir de les voir encore aussi amoureux.

J’ai longtemps espéré vivre cet amour passionné et fusionnel qu’ils ont connu et connaissent encore… Jonas m’a d’ailleurs permis d’y croire, adolescente, puisque notre relation était plutôt similaire à celle de mes parents. Sauf que l’amour de ma vie à moi est allé fricoter dès qu’il a eu un peu d’espace et que nous avons été moins fusionnels. Où en serions-nous aujourd’hui si les choses avaient été différentes ? Mariés, sans doute. Peut-être même qu’il m’aurait fait changer d’avis et que nous aurions un ou deux enfants… Au lieu de quoi, lui et moi avons une belle carrière dans la communication, de beaux appartements dans lesquels nous rentrons chaque soir seuls. Enfin, Jonas a son chat, Blacko, qui adore venir se coucher sur moi lorsque je me retrouve au lit avec son maître, comme s’il voulait marquer son territoire et me dire que, dans tous les cas, il retrouvera sa place à un moment donné. Il n’a pas tort, d’ailleurs…

Je rejoins mon amant et l’attire dans le local de stockage de la vaisselle que j’ai aperçu lors de mon premier passage. Je suis allée demander en cuisine qu’on mette un peu de vie sur les desserts commandés par mes parents pour l’occasion, que ce soit des bougies ou n’importe quoi qui fasse de la lumière. Comme il s’agit du même cuistot qui officie ici depuis plus de quinze ans, autant dire qu’il en a connu, des anniversaires de mariage de mes parents. Yves est d’ailleurs l’oncle d’un ami de lycée de Jonas et moi, ce qui nous a permis de manger ici à plusieurs reprises à moindre prix, à une époque. C’était le seul restaurant en dehors de la ville où se trouvait notre école qui était desservi par la seule et unique ligne de bus, sans doute parce que le dépôt se trouve à deux-cents mètres d’ici.

Jonas a bien compris le message et je me retrouve délicatement plaquée contre la porte à peine est-elle fermée. Ses lèvres au goût du vin blanc sucré qu’il a dégusté avec son plat capturent les miennes, ses mains pressent mes hanches tandis que tout son corps entre en contact avec le mien. J’en ai eu envie toute la soirée, mais impossible de faire quoi que ce soit avec six paires d’yeux aux aguets en la présence de nos parents, cinq enfants de deux à sept ans… Je soupçonne d’ailleurs Marine, ma frangine, d’être enceinte du quatrième, mais je me garderai bien de tout commentaire sous peine d’entendre un “et toi, le premier, il est prévu pour la Saint Glinglin ?”

Bon sang, reste focus, Pénélope ! J’ai le cerveau qui part dans tous les sens, ce soir. Sans doute le départ de Jonas qui approche, l’anniversaire de mariage de mes parents alors que je suis en pleine procédure de divorce… Jonas qui va partir. Ah, je l’ai déjà dit ? Oui, mais ça me chamboule un peu trop. Bref ! On a dit focus sur le beau gosse qui butine mes lèvres et dont les mains baladeuses ont déjà franchi la barrière de mon caraco, se perdant sur mes reins, glissant sous la ceinture de mon pantalon en lin pour caresser le bombé de mon postérieur.

— Vas-y mollo, ris-je. Si l’un de nos parents grille que l’on a passé un moment à se bécoter, ils vont payer le champagne et organiser nos noces avant même qu’on sorte du restaurant.

— J’ai pas envie d’y aller mollo, Nono. Tu es… irrésistible !

— Tu comptes me flatter comme ça pour finir dans mon lit, c’est ça ?

— Non, je sais que je vais finir dans ton lit. Je te flatte parce que je le pense ! Chez toi, y a rien à jeter ! Tout est parfait !

— Quel beau parleur ! Bon, on se dépêche de manger le dessert et on déguerpit ? Tu as une idée de fuite ?

— Fuir ? Tu crois que c’est possible ? Tu sais comme moi que ces fêtes n’en finissent jamais, soupire-t-il en caressant mes cheveux, son regard plongé dans mes yeux. Mais bon, au moins, on affronte ça à deux. Et je te promets d’essayer de trouver le moyen de ne pas te laisser cette nuit sans un orgasme ou deux !

— Tu comptes te faufiler dans ma chambre comme avant ? chuchoté-je, le sourire aux lèvres.

— Je ne suis peut-être plus aussi jeune, mais je m’entretiens, ça devrait le faire ! Rien que d’y penser, je bande déjà.

— Au moins, je suis certaine que mon père ne te ficherait pas à la porte aujourd’hui comme il l’a fait à l’époque ! Je suis même sûre que s’il te chope ce soir, il te prendra dans ses bras en te remerciant.

— Ah oui, mais la honte de se faire prendre comme ça, rit-il. Tu imagines la scène ? Tu crois qu’il me laisserait remettre mon caleçon avant de me prendre dans ses bras ?

— J’espère, m’esclaffé-je. Ce serait vraiment bizarre sinon ! On devrait y retourner sinon on va rater l’arrivée des desserts…

— Un dernier bisou ? demande-t-il en avançant ses lèvres et en prenant un air mignon à souhait.

Je ne me fais pas prier et accède à sa demande, posant mes lèvres sur les siennes. Evidemment, avec Jonas, il ne s’agit jamais d’un petit bisou, c’est souvent intense et torride, et ça peut même virer à l’indécent. Rien de tel pour nous faire griller, d’ailleurs, si bien que je l’abandonne sur le trajet pour faire un détour aux toilettes. J’ai les joues rougies, le regard pétillant et une folle envie de lui, ce qui rend ce retour à table en compagnie de ma famille particulièrement frustrant.

Heureux hasard ou terrible complot fomenté par nos parents, Jonas et moi sommes assis l’un à côté de l’autre, ce qui ne m’aide pas à garder les idées claires, surtout qu’il adore jouer avec le feu. Il n’hésite pas une seconde à poser sa main sur ma cuisse lorsqu’il se penche sur la table et attrape la carafe d’eau, son bras repose sur le dossier de ma chaise et il ne se gêne pas pour caresser mon épaule nue dès qu’il le peut. Même lorsque Gaspard réclame un câlin et prend ses aises sur moi, Jonas trouve un moyen de garder le contact physique Du moins, c’est le cas jusqu’à ce que mon neveu nous surprenne en arrêtant du sucer sa tétine pour l’observer attentivement et balancer de manière suffisamment audible pour que toute la tablée l’entende.

— Hé, Zonas, t’as rapporté de la glace au chocolat ?

Bizarrement, les conversations se sont stoppées et les regards sont tournés dans notre direction. Apparemment, ils n’ont pas raconté tout leur weekend à leurs parents, même Baptiste n’était pas au courant, si j’en crois ses sourcils froncés et ses yeux inquisiteurs. Pour ma part, je n’ai aucune envie de me justifier, mais connaissant nos familles, nous n’y couperons pas et, peu importe ce que nous pourrons dire, ils se feront leur propre idée de la situation.

— Ah non, je ne joue pas au super héros, ce soir. C’est ton papy et ta mamie qui ont tout prévu, répond Jonas comme si c’était la chose la plus naturelle du monde.

Je souris discrètement en buvant une gorgée de mon verre de blanc et ne manque pas le regard inquisiteur de ma mère, alternant entre mon visage, celui de son petit-fils mais aussi celui de mon amant.

— Papy, Mamie, je vais avoir de la glace au chocolat pour le dessert ? se renseigne Gaspard avant de lâcher sans le vouloir la bombe qui va réveiller les marieurs autour de cette table. Quand Zonas est venu chez Tata, il en a rapporté pour le goûter et on en a même mangé en dessert devant Toy Story tous les quatre.

— Ouah, Maman, remballe tes pensées d’annonce de grossesse pour ton prochain anniversaire de mariage, grimacé-je en constatant qu’elle paraît être aux anges. Jonas est venu me sauver en m’apportant de la glace pour les petits, rien de plus.

Mieux vaut éviter de lui dire qu’il a passé une partie de la nuit avec moi, peu vêtu, sinon elle va déjà se mettre à tricoter sa prochaine couverture pour nouveau-né.

— Ah mais je ne pensais pas à ça, ma Chérie. Mais maintenant que tu le dis, vous vous êtes remis ensemble tous les deux ? Vous m’avez l’air bien complices !

— On bosse ensemble, donc il fallait bien qu’on mette de l’eau dans notre vin. Pour le reste… il n’y a rien d’autre entre nous qu’une potentielle amitié.

Nous avons convenu qu’il valait mieux éviter de dire quoi que ce soit aux parents, mais dire à voix haute qu’il n’y a rien entre Jonas et moi me fait bizarre, surtout que cela fait maintenant plusieurs semaines que nous passons une bonne partie de nos nuits ensemble… Adorable, il m’a même apporté une bonne dose de gras et de sucre quand je lui ai dit que j’étais dans la mauvaise période du mois. Il reste celui qui me connaît le mieux, jamais Steven ne s’est préoccupé de mon état comme Jonas pouvait le faire déjà adolescent et encore ce mois-ci. Alors… Rien d’autre qu’une amitié ? J’ai l’impression de cracher de l’acide en disant ça.

— Pas de bébé en vue, je confirme, rigole Jonas. Mais Pénélope reste la plus belle femme de la région, n’est-ce pas ? Ca aurait été dommage de rester fâchés et de ne pas profiter de son sourire.

— Jonas, tu ferais vraiment mieux de profiter d’autre chose que de son sourire, je te le dis, moi ! pouffe ma mère qui a peut-être un peu trop bu.

— Ce n’est pas de son caractère de cochon dont il veut profiter et on peut le comprendre, ricane ma frangine tandis que notre frère confirme d'un hochement de tête.

— Bon, vous avez fini de disserter sur nous, oui ? Pitié, laissez-nous respirer et questionnez-vous plutôt sur les choses utiles. Par exemple, je tiens à porter à votre attention que Marine n’a pas bu une goutte d’alcool ce soir et n’a pas non plus picoré dans le plateau de charcuterie pendant l’apéro…

Je souris de toutes mes dents quand mon aînée me fusille du regard et la laisse se dépatouiller avec l’annonce pas du tout préparée de sa grossesse. Heureusement pour mon matricule, les desserts arrivent avant qu’elle n’ait eu le temps de faire tomber la foudre sur ma petite personne et je déguste mon café gourmand avec plaisir, même si entre Gaspard et Jonas, je me retrouve avec une mousse au chocolat amputée. C’est bien connu, c’est meilleur dans l’assiette des autres.

Nous nous attardons un peu à table, si bien que mon filleul s’est calé tranquillement et semble apprécier se servir de mes seins comme d’un oreiller. Je suis quasi certaine que Jonas pourrait dire qu’il est jaloux, mais il le garde pour lui, pourtant je sens son regard peser sur moi à plusieurs reprises. Lorsque je dépose un Gaspard toujours endormi dans son siège auto, mon amant attrape ma main et me fait la bise comme si de rien n’était tandis que je ne manque pas de lui rappeler que la fenêtre sera ouverte.. Je salue ses parents d’une accolade et prends le volant de la voiture de mes géniteurs pour les ramener à bon port.

Une fois dans ma chambre et alors que j’entends mon frère se plaindre que les petits sont un peu trop réveillés après leur sieste dans la voiture depuis sa propre chambre, je me déshabille rapidement et passe par ma minuscule salle d’eau pour me démaquiller et me brosser les dents. Je ne me fais pas prier pour me glisser sous le drap après avoir ouvert la fenêtre en grand. L’air frais ne fait pas de mal et j’ai déjà hâte de me coller contre Jonas.

Je ne bouge pas d’un poil lorsque je l’entends grimper sur l’appentis en jurant comme un charretier. C’est plutôt rare qu’il se lâche à ce point et je me retiens difficilement de rire quand il atterrit un peu rudement dans ma chambre. Pour la discrétion, on repassera.

— C’est toi ou Dumbo ? me moqué-je en allumant la lampe de chevet.

— Purée, c’est plus haut que quand on était jeunes, non ? Et ne te moque pas ou je te prive de bisous !

Je l’observe rabattre la fenêtre sans la fermer entièrement puis se déshabiller en vitesse, comme s’il risquait de se faire prendre. Évidemment, je ne manque rien de ce spectacle des plus agréables et lui ouvre le drap dès qu’il approche du lit. Jonas se glisse contre moi et je soupire d’aise en me lovant contre son corps chaud. Nos lèvres se trouvent et il n’y a plus de place ni pour la parlote, ni pour les moqueries. En revanche, un peu d’exercice après cette soirée au restaurant n’est pas de refus et aucun de nous ne s’en plaint, bien au contraire !

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0