56. Lui faire sa fête

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Pénélope

J’aurais dû prendre deux mois de vacances. Sérieusement, bosser pendant une canicule, à Paris qui plus est ? C’est juste un cauchemar. Si j’étais dénuée de toute pudeur, je me baladerais dans l’open space en bikini. Bon, pas sûre que ce serait l’idéal pour la productivité générale, entre ceux qui critiqueraient mon Size + et ceux qui l’apprécieraient… Jonas ne serait sans doute plus bon à rien et se déshydraterait en bavant comme un escargot. Déjà qu’il a la langue qui pend chaque fois que je me penche un peu trop et que mon caraco baille… Un vrai obsédé et, honnêtement, je ne sais pas comment il fait pour avoir une libido en état de marche avec la chaleur qu’il fait dans notre bureau. Lui et moi sommes contre la clim, pourtant, je suis à deux doigts de faire une entorse à mon règlement sous peine de finir en abricot desséché. J’espère vraiment qu’il fera frais chez lui ce soir, mais nous avons tout fermé en partant ce matin pour que ce soit le cas.

Mon collègue a pour mission de boucler ses dossiers d’ici à vendredi puisque, non content de se barrer plus tôt que prévu à Dubaï, il a pris quelques jours de vacances qu’il va passer chez ses parents, nous amputant encore du temps qu’il nous reste tous les deux. Est-ce que je prends un malin plaisir à le déconcentrer ? Clairement… Il ne mérite pas que je lui fiche la paix, même si j’imagine que s’il accumule du retard, il devra bosser tard vendredi…

— Dis-moi, pour le dossier Marchand, tout a déjà été validé par Philippe ? l’interrogé-je en m’asseyant sur le rebord de son bureau, documents en main, sans prendre garde à rajuster ma jupe qui remonte sur mes cuisses.

— Euh… Quel dossier ? me demande-t-il en relevant les yeux avant de me sourire et de poser sa main sur mon genou nu.

— Le dossier Marchand, Beau Gosse… Connecte les neurones, souris-je en m’éventant avec les documents.

— Là, c’est pas au dossier que j’ai envie de me connecter, si tu vois ce que je veux dire, rétorque-t-il en accentuant ses caresses alors que je sens sa main remonter doucement le long de ma cuisse. Et pour Marchand, tout est prêt pour toi, tu vas faire des ravages, je pense.

— Comment tu peux avoir envie de te connecter en ce moment ? Enfin… personnellement, je n’imagine ça que sous une douche ou dans une baignoire, ris-je en stoppant sa main lorsqu’elle glisse entre mes cuisses. Un peu de sérieux, Marconi.

— J’ai tout le temps envie de me connecter avec toi, je n’y peux rien. Dommage qu’il n’y ait pas de douche ici, alors…

Je lui souris et glisse sur ses genoux le temps d’un baiser. Tant pis si nous sommes surpris, après tout, dans un peu plus d’une semaine, il ne sera plus là… Et les ragots ne m’empêcheront pas de travailler, les regards en coin seront limités par son absence.

C’est mon téléphone qui nous interrompt tandis que les mains baladeuses de Jonas échauffent ma peau déjà en ébullition. Je me détache difficilement de mon pot de colle favori et décroche en rajustant mon haut.

— Oui, Boss ? Pitié, dites-moi qu’on part en rendez-vous avec un nouveau client et qu’on va tester des piscines !

— Ah non, pas de piscine pour toi mais un entretien dans le bureau du chef, c’est tout aussi rafraîchissant, non ? Sur ton agenda, c’est marqué que tu es disponible. Tu peux venir me voir, s’il te plaît ?

— Bien, Chef ! J’arrive de suite, réponds-je avant de raccrocher. Souhaite-moi bonne chance, j’ai rendez-vous dans le frigo du patron. Je déjeune avec les filles ce midi, tu te souviens ?

— Oui, ça va, je me souviens même si tu fais tout pour que mon cerveau perde toute capacité de réflexion. Au moins, ce midi, je serai un peu efficace !

Je lui envoie un baiser et file retrouver le patron qui m’accueille, tout sourire, et me fait signe de m’installer. Au moins, je ne pense pas me prendre de soufflante, c’est déjà ça.

— Tu me proposes de tester des hôtels de luxe avant d’établir une campagne de pub ? Ce serait vachement cool, ça, Boss.

— Après la piscine, les hôtels ? Je vais peut-être te donner ça comme objectifs de développement de notre marché, rigole-t-il. Comment se passent les derniers jours avec Jonas ? Vous parvenez à bien échanger et à bien préparer son départ ?

Je tente de ne pas grimacer ou montrer ma frustration de le voir plongé à fond dans le boulot, et souris poliment.

— Oui, oui, tout roule. En même temps, il ne sera pas non plus injoignable si besoin.

— Non, c’est vrai, mais bientôt, c’est toi qui vas gérer. Je n’ai pas d’inquiétude te concernant, mais il va nous manquer. On n’en serait pas là sans lui, tu sais ?

— Je suis ingrate si je réponds qu’un autre aurait sans doute fait aussi bien ? grimacé-je.

— Oui, tu es ingrate ! rétorque-t-il, le sourire aux lèvres. Et pour te faire pardonner cette bêtise, je vais te confier une mission de la plus haute importance ! Vendredi, on organise un pot de départ pour ton collègue et comme je n’ai pas le temps de gérer ça, c’est toi qui vas t’en occuper ! Tu es contente de cette promotion, hein ?

— Wow, quoi ? Je… Tu plaisantes, j’espère ? ris-je. Tu crois que moi, j’ai le temps, avec le control freak qui partage mon bureau ?

— Eh bien, ce sera ton premier défi en tant que responsable à part entière ! Je compte sur toi pour que la soirée soit inoubliable, hein ! Tu as carte blanche !

— Hum… Sinon on annule son départ ? Ce sera plus simple.

— Eh bien, moi qui croyais que tu serais pressée de ne plus l’avoir dans les pattes ! Allez, au boulot ! Je compte sur toi, vraiment.

J’acquiesce et quitte le bureau en me demandant pourquoi j’ai fait cette proposition. Et je me pose encore et toujours cette question lorsque je rejoins les filles au parc où elles sont déjà installées sur l’herbe, en pleine dégustation de leur sandwich. Ça me perturbe vraiment d’avoir sorti cela à Philippe aussi naturellement. Jonas s’en va, point, je l’ai accepté après tout…

— Je vais avoir besoin de vos cerveaux, les filles. Je suis chargée d’organiser une soirée inoubliable pour le départ de Jonas… J’ai trois jours, quoi, après il part en vacances. Donc hormis n’inviter personne et l’attacher à mon lit, je n’ai pas vraiment d’idées, ris-je.

— Je crois que ça ne lui déplairait pas, ça, surtout si tu nous invites aussi, répond du tac au tac Elise.

— Pourquoi c’est toi qui dois organiser ça ? Il a quoi en tête, Philippe ? Tu crois qu’il a capté qu’il y avait un truc entre vous ? me demande Solène, plus raisonnable.

— Je ne pense pas… Je suis sa collègue de bureau, il n’a pas le temps de s’en occuper, ça lui semble logique que ce soit à moi de le faire, apparemment. Et tu peux rêver, Elise, je ne partage pas et je compte bien l’épuiser avant son départ à la campagne.

— Non, je rigolais, hein ? On te le laisse… D’ailleurs, comment tu le vis, son départ ? Tu crois que tu vas te remettre de ne plus profiter de ce bel étalon tous les jours ? C’est pire qu’une addiction, non ?

— Je… je crois que je ne vais réaliser que quand il sera parti, en fait… J’ai du mal à imaginer qu’il parte, encore…

— Tu sais qu’on sera là, nous, pour t’aider à tenir le choc ? Girl Power ! Et on t’aidera à en trouver un autre… Enfin, si c’est ça que tu voudras. On sera juste là pour toi, en fait, quoi que tu décides.

— Ce que je voudrai ? grimacé-je. J’en sais trop rien, en fait… Le voir partir, c’est un peu revivre ce qu’il s’est passé il y a dix ans, je ne suis pas sûre d’être très fan des émotions qui vont me traverser à ce moment-là.

— Et pourquoi il faudrait que ce soit pareil qu’il y a dix ans ? Là, vous avez décidé de vous amuser jusqu’au départ, ce n’est pas pareil que quand vous étiez jeunes et qu’il t’a trompée et déçu tes espoirs.

Ça ne devrait pas l’être non, dans l’idéal. Dans cet idéal que nous avons construit avec l’espoir de ne pas souffrir quand ça se terminera. Sauf que mes réactions depuis que Jonas m’a annoncé que son départ est avancé me font comprendre que je me suis fourré le doigt dans l'œil et bien profond. Il paraît qu’on n’oublie jamais son premier amour. Je vous le donne en mille, c’est une réalité, et replonger était la pire et la meilleure idée possible.

— Il faut croire que je me suis plantée sur toute la ligne en m’imaginant que j’aurais pu n’impliquer que mon cul dans cette histoire, soupiré-je.

— Ah oui, tu en es là ? Ce n’est plus que du cul ? Faut dire, avec un ex, c’est pas évident d’oublier les sentiments… Et lui, il en dit quoi ?

— Je crois que ça fait un petit moment qu’il vogue entre deux eaux. J’ai tenté de freiner ses ardeurs, mais… je sais pas, je crois que lui comme moi n’avons pas vraiment réfléchi… On voulait se revoir en essayant de se protéger. Le résultat est le même, finalement.

— Il est raide dingue de toi, tu veux dire, intervient Elise. Il te dévore des yeux ! Je ne sais même pas comment il va faire en partant. Je suis convaincue qu’il n’a qu’une envie, que tu partes avec lui !

— Partir avec lui ? Impossible… Déjà, Philippe ne voudrait pas perdre ses deux directeurs créatifs et ça n’aurait aucune plus-value pour l’antenne. Et puis, Jonas me connaît, vivre si loin de ma famille, c’est juste impossible.

— Et tu crois qu’il part là-bas pour de bon ? Personne ne va vraiment vivre à Dubaï sur le long terme, si ? Tu ne crois pas que dans six mois maximum, il sera de retour et que vous pourrez vous remettre ensemble ?

— Ce n’était pas vraiment le sujet de conversation de base, soupiré-je. J’ai besoin d’un coup de main pour préparer cette fête de départ, qu’il soit définitif ou non… Je peux compter sur vous ?

— Pour l’attacher au lit ? sourit Elise. Moi, j’en suis ! Et pour le reste aussi, bien sûr ! Tu crois qu’il aime les confettis ? On va lui en fourrer partout, il en retrouvera jusqu’à Dubaï !

— Tu peux arrêter de fantasmer cette scène, ris-je. Moi vivante, ça n’arrivera pas ! Quant aux confettis… pas sûre qu’il apprécie, mais justement, plus ça va l’enquiquiner, mieux ce sera.

— Oui, et il faudrait qu’on imagine un truc où tu peux le tenter toute la soirée sans qu’il puisse te toucher. Tu sais, pour bien le frustrer avant la dernière soirée en amoureux ? Du genre où on lui impose de porter des gros gants toute la soirée, pouffe Solène en imaginant la scène.

— T’es grave ! Et puis… je crois que je suis plutôt habile pour frustrer la bête, ne t’inquiète pas pour ça. Il faut surtout que l’on organise un truc pour les collègues… Un bar ? Un restau ? Bon sang, ça va me prendre le chou tout l’après-midi.

— On fait ça au boulot, non ? On transforme la salle de réunion en disco des années soixante, on met ABBA à fond et on boit jusqu’à pas d’heure ! C’est ça, faire la fête !

J’éclate de rire mais ne mets pas vraiment cette idée aux oubliettes. L’idée de décoincer un peu l’étage où nous travaillons me plaît bien… J’espère que Philippe s’en contentera ! Pour le reste, je préfère autant mettre de côté mes interrogations, j’ai bien trop de choses à penser pour que mon palpitant qui s’emballe en pensant à Jonas puisse être pris en considération… pour le moment.

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