57. Stupide oubli
Jonas
Eh bien ! Il faut croire que plus le moment de se séparer se rapproche, plus nos étreintes sont folles et passionnées ! Moi qui pensais avoir déjà atteint des sommets dans le plaisir et la jouissance, depuis que j’ai annoncé mon départ, c’est encore plus intense. Il faut dire qu’on se connaît par cœur et qu’on sait comment amener l’autre à l’extase ou justement, la retarder juste ce qu’il faut pour créer une explosion des sens et s’envoyer des étoiles plein la tête. Et les gémissements qu’elle vient encore de pousser m’ont complètement fait disjoncter. Je crois que les voisins vont être contents de me voir partir, ils vont pouvoir retrouver un peu de quiétude dans leur immeuble.
J’adore aussi quand elle se love contre moi comme elle le fait maintenant que nous avons pu satisfaire nos désirs primaux et bestiaux. De fauve, elle devient câline. La tigresse se transforme en chatte et j’avoue que je ne rechigne pas à la serrer contre moi, à continuer à la caresser et à l’embrasser. Il nous faut ces instants de calme pour redescendre un peu sur Terre et reprendre contact avec la réalité. Même si cette réalité ne fait pas si envie que ça. Quand je pense que je me suis lancé dans cette aventure vers Dubaï pour m’éloigner de celle que je n’arrive plus à quitter, même pour quelques heures ! Quel con…
— On est bien, là, comme ça. Je crois que j’ai trouvé mon paradis, moi.
Je soupire d’aise en parcourant la douceur de ses courbes, en respirant son odeur si caractéristique après avoir fait l’amour, mélange de nos parfums, et la picore de petits bisous, comme si je voulais la dévorer par petits morceaux.
— Et bientôt, tu vas rejoindre un paradis fiscal… Chacun son truc !
— Je ne sais pas si je fais bien de partir, tu sais ? Ici, j’ai tout ce qu’il me faut… Et partir vers l’inconnu, je me demande si ce n’est pas une connerie.
— Tu as toujours aimé les challenges… Y a pire que Dubaï comme destination, j’imagine.
— Il y a pire mais ça n’est pas non plus la ville de rêve. Tu l’as bien vu quand on y est allés ensemble. Un centre ville moderne et climatisé au milieu d’un désert, je sens que je ne vais pas rigoler tous les jours, soupiré-je en continuant mes caresses.
— Il faut croire que tu aimes te faire du mal, rit-elle. Dire qu’on crève de chaud dans notre bureau pour éviter de mettre la clim… Et tu vas vivre à Dubaï. La blague.
Il faut croire qu’elle a raison. Parce que franchement, la chaleur, je m’en moque un peu. Mais partir et la laisser ici, c’est ça qui me fait le plus mal. Je ne rigole pas quand je dis que je suis au Paradis quand elle est dans mes bras.
— Tu sais, la blague serait meilleure si tu venais avec moi. Dans ces conditions, je crois que je l’apprécierais vraiment, parce que là, ça ne me fait pas trop rire.
— Venir avec toi ? Pour quoi faire, au juste ? Toi et moi, on sait que je n’aurais pas de boulot ou un truc qui ne serait pas à la hauteur du poste que j’occupe actuellement. Ça n'aurait aucun intérêt professionnel pour moi, contrairement à toi.
— Je ne pensais pas au côté boulot… Au pire, tu restes à l’appart et tu m’attends nue, juste là pour le plaisir, dis-je en souriant.
— Ben voyons… Donc je te servirais de jouet sexuel ? T’as pas idée plus naze, sérieux ? J’ai une tronche à rester à la maison ?
— Oh, c’était une blague, hein ? C’est juste que la vie à Dubaï, sans toi, ça risque de perdre un peu de saveur…
— Tu vas pouvoir goûter de la chair fraîche, tu vas vite oublier l’ado enamourée et la femme libérée avec qui tu as partagé ton lit un petit moment, sourit-elle en nichant son nez dans mon cou.
— Tu es difficile à oublier, tu sais ? Je crois que je n’y suis jamais vraiment parvenu, avoué-je en la serrant contre moi.
— Faut croire que changer de pays t’aide assez facilement à m’oublier, t’aurais sans doute dû rester aux States, marmonne Pénélope en se levant.
Mais qu’est-ce qui lui prend ? Pourquoi s’est-elle ainsi tendue et prend-elle de la distance ?
— Tu reviens encore sur cette histoire ? Les States, tu n’as jamais voulu comprendre ce qu’il s’y était passé. Et là, tu recommences, soufflé-je. C’est fatiguant… Pourquoi ne pas profiter du temps présent, tout simplement ?
— Ne me dis pas que tu ne m’as jamais vraiment oubliée alors… soupire-t-elle en enfilant son peignoir. Y a pas grand-chose à comprendre, l’essentiel était très clair.
Je n’ai pas le temps de me défendre, de reprendre cette explication qu’on a déjà eue tant de fois, que mon téléphone sonne. Je jette un œil, pas décidé à décrocher mais quand je vois le numéro de ma mère, je me résigne à savoir ce qu’elle me veut.
— Oui, Maman ? Il y a un souci ? demandé-je en faisant un signe d’excuse à Pénélope.
— Tu es où, Johnny ? Ton père et moi, on est devant chez toi, et hormis Blacko qui miaule à travers la porte, il n’y a personne.
— Devant chez moi ? C’est quoi, cette histoire ? paniqué-je en me relevant. Vous êtes à Paris ?
— Oui, nous passons deux jours ici, tu ne te souviens pas ? Je t’en ai parlé il y a quelques semaines.
— Je… je ne pensais pas que vous seriez là si tôt… Je suis chez une amie et… Ne bougez pas, j’arrive !
Je raccroche avant de me faire incendier et me mets frénétiquement à la recherche de mes vêtements sous l'œil plutôt amusé de Pénélope.
— Ça te fait rire ? Mes parents sont là ! J’avais complètement oublié…
— Évidemment que cela me fait rire ! Tu voudrais quoi, que je stresse pour toi ? C’est plutôt drôle, en vérité.
Je lui tire la langue et me rhabille sous ses yeux qui me matent sans aucune retenue. Elle ne perd rien pour attendre mais là, je suis obligé d’aller m’occuper de mes parents.
— J’ai le droit à un bisou avant de partir ?
— Je ne sais pas… Le mérites-tu ? minaude-t-elle en se pressant contre moi.
Je crois que oui, je le mérite, car nos lèvres se retrouvent le plus naturellement du monde et le baiser que nous échangeons dure assez longtemps pour que mon téléphone sonne à nouveau. Je m’écarte à regret et file en répondant à ma mère qui s’impatiente. Je la rassure en lui disant que je suis sur le chemin mais je ne fais pas de miracle et je les retrouve devant chez moi, excédés d’avoir tant attendu.
— Voilà, voilà ! J’ai fait aussi vite que possible ! Entrez, voyons !
Je leur fais la bise et pénètre dans mon salon. La première chose que je vois, c’est un tee-shirt laissé par Pénélope qui l’a mis à sécher après un de nos jeux pas très sages. Je file pour le récupérer mais ma mère n’a rien manqué de mon petit manège car j’en profite aussi pour pousser une paire de ses chaussures sous le canapé afin de les faire disparaître de leur vue.
— Aurais-tu oublié de faire le ménage ? Ou… tu ne vis plus seul ?
— Bien sûr que je vis seul ! Qui voudrait vivre avec un ours comme moi ! Mais bon, ça n’empêche pas de recevoir du monde. Je ne suis pas asocial non plus, hein ? Et pour le ménage, je ne pensais pas que vous débarqueriez chez moi comme ça.
Secrètement, j’espère qu’elle ne va pas aller inspecter ma chambre car là, difficile de cacher tout ce qui a pu s’y tramer. Pénélope, même si elle ne s’est pas incrustée chez moi, a quand même fini par laisser plein de choses pour les fois où elle passe la nuit avec moi. Comme j’ai fait chez elle d’ailleurs.
— Eh bien, si on attend une invitation, jamais on ne pourra venir, plaisante mon père en câlinant le matou de la maison.
— Et donc, quand rencontrons-nous cette femme que tu reçois ? Est-ce que c’est du sérieux ? Parce que ton départ à Dubaï…
— Comment ça, mon départ à Dubaï ? demandé-je pour gagner du temps et réfléchir à ce que je vais lui répondre.
— Eh bien, est-ce que ton départ à Dubaï compromet cette relation ? Et qui est cette femme ?
— Non, non, ça ne compromet rien du tout. Vous savez que je n’ai jamais vécu comme un moine, je profite de la vie et des bons moments qu’elle offre, c’est tout. Et cette femme, hésité-je avant de poursuivre. Cette femme, c’est juste un amusement, un divertissement qui permet que l’attente du départ soit plus agréable, rien de plus. N’allez pas vous imaginer autre chose ! Ce serait vraiment stupide de ma part de me mettre en couple alors que je pars dans si peu de temps.
— Et ça te rend vraiment heureux, de papillonner comme ça ? me demande ma mère.
— Faute de mieux, je fais avec. Et je ne vais pas te donner les détails, mais il y a plein de choses très satisfaisantes, si tu vois ce que je veux dire !
Mon père glousse en m’entendant alors que ma mère lève les yeux au ciel. J’ai au moins réussi à la faire arrêter de me poser des questions et nous échangeons sur des thèmes plus neutres jusqu’à ce que je les accompagne à leur hôtel. Sur le chemin du retour, je n’arrive cependant pas à m’enlever de la tête les mots que j’ai prononcés. Je dois vraiment être stupide d’avoir pensé que je pouvais reformer un couple avec Pénélope. Elle est toujours dans le même état d’esprit, sans confiance et, même si le sexe est formidable, il n’y a rien de plus que ça. Un amusement, un divertissement en effet, rien de plus. Et je crois que réaliser ça fait encore plus mal que je ne l’aurais cru. Qu’est-ce que j’attendais, aussi ? L’amour, quand on laisse passer sa chance, c’est rare qu’on puisse la saisir à nouveau. Les States sont passés par là. Jamais je n’ai oublié Pénélope, je suis content d’avoir renoué le fil de notre relation avec elle, mais ce fil est ténu et ne repose que sur notre entente sexuelle. Les sentiments n’ont rien à faire dans notre contrat qui s’achève bientôt. Finalement, c’est peut-être ma jolie rousse qui a raison : vivement que je me trouve de la chair fraîche pour oublier tous ces moments exceptionnels que j’ai eu la chance de vivre une seconde fois !
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