Epilogue 1 : La surprise du chef
Jonas
Que c’est étrange de me retrouver ici après tout ce temps. Il ne s’est passé qu’un peu moins de trois mois depuis mon départ pour Dubaï mais j’ai du mal à me dire que c’est ici que j’ai travaillé toutes ces années. Oh, j’aime toujours sortir du métro et découvrir cette esplanade mais après ces semaines passées à l’étranger, j’ai un peu du mal à ne pas remarquer ces personnes qui ne respectent pas les autres et les bousculent, ou à ne pas sentir ces odeurs de transpirations que j’avais un peu oubliées pendant mon exil. En fait, je subis le choc culturel beaucoup plus qu’à mon arrivée aux Emirats Arabes Unis. C’est fou.
Alors que je m’approche des bureaux de Swan International, je me demande si j’ai bien fait de ne prévenir personne que j’étais rentré. Même Philippe n’est pas au courant, bien qu’il sache que j’ai terminé ma mission. Il me pense en vacances en train de profiter de mon jacuzzi et d’un temps de repos bien mérité mais j’avais trop hâte de rentrer. Et hier soir, j’ai lutté pour ne pas appeler Pénélope tout de suite mais j’ai trop envie de la surprendre là où tout a recommencé, suite à la fusion entre nos deux sociétés. Et d’officialiser par la même occasion notre relation qui, cette fois, a résisté à l’éloignement. On s’est écrit tous les jours, on a tchatté presque autant, on a découvert les joies du sexe virtuel à distance et on a passé une semaine de rêve quand elle est venue me retrouver. On sait désormais que nous pouvons affronter toutes les épreuves de la vie.
Vu l’heure à laquelle j’ai décidé d’arriver, je ne croise personne que je connais à l’entrée du bâtiment et je me sens tout excité à l’idée de débarquer comme une fleur alors que mes collègues sont déjà tous à leurs postes. Je ne sais pas pourquoi j’ai décidé de faire cette folie mais maintenant que je suis dans l’ascenseur, impossible de faire marche arrière. Et lorsque je pénètre dans le hall, je ne suis pas déçu de l’accueil que me réservent Stella et Elise qui sautent de joie et se précipitent vers moi, quittant leur poste sans une once de professionnalisme. Avant d’avoir eu le temps de réaliser, je me retrouve avec les deux dans les bras et ne sais pas comment gérer ces marques d’effusion.
— Eh bien, quel accueil ! ris-je en les repoussant gentiment. Je comprends qu’on ait du succès si vous accueillez tous les clients comme ça.
— C’est l’accueil réservé à nos collègues lorsqu’ils décident enfin de rentrer après des mois d’exil ! Faut pas pousser, les clients n’ont pas droit aux câlins ! rit Stella sans me lâcher.
— Mais qu’est-ce que tu fais là ? m’interroge Elise. Personne ne nous a prévenus que tu revenais déjà aujourd’hui ! Ce n’était pas censé être dans deux ou trois semaines ? Je croyais que tu étais en congés et la Boss ne nous a rien dit non plus. Pourquoi vous nous faites des cachotteries comme ça ?
— La Boss n’est pas au courant, chuchoté-je en prenant un ton de conspirateur. Personne ne l’est d’ailleurs. Je m’en vais lui faire la surprise de mon retour de ce pas. Vous prévenez Philippe que je suis là ? Mais pas trop vite, hein, que j’aie le temps de profiter un peu de Pénélope, d’accord ?
— OK, bureau interdit aux moins de dix-huit ans, s’esclaffe Elise. Tant mieux, elle est ronchonne ces derniers jours, ça va la calmer. Vas-y mollo quand même, l’isolation est moyenne, on vous entendait vous engueuler, j’imagine que ce sera la même si vous gémissez !
— J’ai raté un épisode ? questionne Stella alors que son regard navigue de sa collègue à moi.
— Je vous laisse échanger vos cancans et m’en vais rejoindre celle que je compte bien épouser un de ces jours.
Je ris de voir le “oh” de surprise dans la bouche de Stella et me félicite en entendant la remarque de sa collègue que nous ayons résisté aux tentations ici, on se serait fait griller sinon, puis je me dirige vers le bureau de Pénélope, mon ancien lieu de travail, dans lequel j’entre sans frapper. La jolie rousse est concentrée sur son ordinateur et ne remarque pas tout de suite que je suis à la porte. Derrière moi, j’entends les gloussements des secrétaires et je referme donc doucement le battant.
— Eh bien, m’annoncé-je, toi qui m’avais promis de me réserver un accueil digne d’un émir pétrolier, tu fais bien peu de cas de moi ! Madame la Boss, me permettez-vous de m’approcher pour vous embrasser ?
Pénélope lève les yeux vers moi et reste un court instant sans bouger, ne croyant pas le message transmis par ses yeux et ses oreilles à son cerveau. Quand enfin les connexions se refont, elle bondit hors de son fauteuil et s’élance avec encore plus de fougue que mes fans de l’accueil pour se jeter dans mes bras. Nos lèvres se retrouvent avec plaisir et nous nous embrassons avec fougue alors que je la fais tournoyer autour de moi en prolongeant cet instant magique avant de la reposer à terre.
— Bon sang, mais qu’est-ce que tu fais déjà là ? Et pourquoi tu ne m’as rien dit ? J’aurais pris ma journée ! geint-elle en posant encore et encore ses lèvres sur les miennes.
— C’est la surprise du Chef ! rigolé-je en répondant à chacun de ses baisers. Tu n’es pas heureuse de me revoir ? Si c’est comme ça, je repars tout de suite ! Enfin, je repasse à l’hôtel où j’ai dormi hier pour récupérer mes affaires d’abord, bien sûr.
— Sérieusement ? Tu as dormi à l’hôtel ? Mais… pourquoi ? Je t’aurais ouvert à n’importe quelle heure cette nuit, moi !
— Parce que j’aime souffrir et… surtout, je voulais qu’on prenne ce nouveau départ là où tout a recommencé. Pour repartir du bon pied, tu vois. C’est sûrement très bête, mais je peux te dire que le sourire que tu as affiché quand tu m’as vu, à l’instant, je ne l’oublierai jamais. Je t’aime, Pénélope ! Et maintenant, on ne se quitte plus jamais !
— J’aurais eu le même sourire hier soir ou cette nuit, Johnny, mais j’aurais été beaucoup moins habillée, sourit-elle en me lançant une oeillade brûlante.
— Je suis vraiment très bête, en effet… Il faudra que je me fasse pardonner ce soir. Ou cet après-midi si tu peux te libérer. Tu en penses quoi ? Je le mérite un peu quand même ?
— Je ne sais pas si je vais pouvoir, tu me préviens un peu tard, Chéri, il faut que je voie si je peux décaler mon rendez-vous.
— On va dire au patron de s’en occuper, j’ai trop envie de te retrouver, de profiter de toi. Même si ça ne fait pas longtemps que tu es repartie de Dubaï, j’ai l’impression que ça fait une éternité. Tu m’as tant manqué, ma Nono d’amour.
— Toi aussi, tu m’as manqué, soupire-t-elle en nichant son nez dans mon cou. Je te laisse expliquer au patron pourquoi il va devoir faire mon boulot, par contre.
Quand on parle du loup… Le voilà qui rapplique et lui aussi se permet d’entrer sans frapper ni s’annoncer. Un peu surpris, il se stoppe dans son élan avant de nous lancer un regard entendu.
— Bonjour Philippe ! Surprise, je suis de retour plus tôt que prévu ! Prêt à reprendre mon poste ! Et comme tu peux voir, je me suis réconcilié avec Pénélope, rigolé-je alors qu’elle est toujours serrée contre moi.
— Je vois ça… C’est la distance qui vous réconcilie ? Il y a risque de nouvelle crise ou ça va aller ? Bienvenue, dans tous les cas.
— Je pense qu’on n’est plus au niveau de la crise, là. Il faudra juste que je puisse réinstaller mon bureau où il était et ce sera reparti comme avant !
— Ah parce que tu penses que tu vas reprendre ta place l’air de rien ? rigole Pénélope. Tu nous as abandonnés, il va falloir ramer un peu !
— Je confirme, je crois qu’il va falloir le mettre dans un recoin et lui montrer qui c’est la nouvelle patronne, ici, ajoute Philippe qui semble toujours un peu perplexe sur notre relation.
— Un recoin ? Après avoir mené de main de maître l’ouverture de notre antenne et les opérations avec Silvania Petroleum, c’est toute la reconnaissance à laquelle je vais avoir droit ? m’offusqué-je tandis que ma compagne semble adorer cette remarque de notre chef.
— Et alors ? J’ai mené d’une main de maître les opérations ici et pas seulement avec un client, mon cher, tu crois quoi ?
— Ça veut dire quoi, ça ? Que je vais devoir aller m’installer dans un couloir ? Philippe, tu ne vas pas cautionner ça, quand même ! Si tu me fais un coup comme ça, je… hésité-je avant de poursuivre un peu en désespoir de cause. Tu n’auras plus de partenaire pour tes matches du samedi ! Finis les entraînements de tennis avec moi ! continué-je toujours aussi pathétique.
— Et c’est reparti… A peine rentré et tu joues déjà sur ta relation avec le boss. C’est quoi la prochaine étape ? Lui rappeler que tu es un beau-fils potentiel ? grommelle Pénélope tandis que Philippe grimace.
— Ah non, ça, ce n’est pas possible. Tu sais bien que la seule avec qui j’envisage un futur, c’est toi, concédé-je. Je… je crois que j’ai gardé de mauvaises habitudes et il faut changer tout ça. Patron, dites-moi où je peux m’installer et je m’adapterai. Par contre, même si je vais le faire avec respect, et même amour, je peux le dire, je ne compte pas m’écraser et la compétition va être féroce avec cette jolie femme au si fort caractère ! Je crois que la boîte va encore plus prospérer, grâce à nous.
— Eh bien, ça promet, s’amuse notre chef. En tout cas, Pénélope a raison sur un point, elle a montré qu’elle faisait très bien le job. A toi de nous montrer que tu peux retrouver ta place. Et pour le bureau, je vous laisse vous débrouiller comme des grands. Je veux juste que cet espace ne se transforme pas en autre chose qu’un espace de travail. C’est clair ?
— Oui, Chef, tonné-je en lui faisant un salut militaire.
— Oui, Chef, lance Pénélope en souriant. Je te propose un bureau installé dans le coin, ça te va ?
— Tout me va tant qu’il y a vue sur ton bureau, ma Chérie. Ça n'empêchera pas que ça reste un espace de travail, ajouté-je vivement alors que Philippe toussote. Promis, Chef.
— J’espère bien, énonce-t-il en continuant à nous observer, toujours un peu perplexe, avant de nous laisser et de retourner dans son bureau.
Je me penche vers Pénélope qui m’offre à nouveau ses lèvres en nouant ses bras autour de mon cou. C’est fou comme ça me fait du bien de la retrouver. Désormais, quel que soit le bureau, quel que soit le lieu, je sais que je serai heureux parce qu’elle est là, près de moi. C’est la femme de ma vie et sans elle, mon existence n’est pas complète. Je l’ai su dès que je l’ai vue la première fois, quand nous étions gamins, je le savais toutes ces années, je le sais et suis ravi de voir que malgré les épreuves, nous avons pu nous retrouver. Et tant pis pour le philosophe qui a dit que l’occasion ne tapait qu’une fois à la fenêtre. Nous avons eu la chance, grâce à nos parents en partie, il faut l’avouer, d’en avoir une nouvelle et nous l’avons saisie pour reprendre ensemble le chemin du bonheur. A nous de ne plus nous en éloigner.
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