15. Les progrès de la chanteuse

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Jonas

Je me demande si j’ai bien fait de suivre le conseil de Marc. Ce type est compétent mais il a quand même une drôle de façon de parler des femmes, je trouve. Et j’ai donc du mal à lui faire confiance. Mais ce qu’il m’a révélé tout à l’heure, je n’arrive pas à le mettre de côté. Il m’a indiqué le bar où Pénélope se produit tous les vendredis soirs et il m’a suggéré d’aller nous y retrouver, que c’est selon lui le meilleur moyen de mieux cerner qui est cette femme qu’il semble à la fois haîr et adorer afin de mieux la combattre. Je suis arrivé un peu en avance et je n’ose pas entrer sans lui. Si je tombe sur mon ex, je n’ai aucune excuse pour ma présence ici, j’ai besoin de son ancien collègue comme caution morale, quels que soient ses défauts et son absence totale de féminisme. Je suis soulagé de le voir enfin se pointer, ce qui me permet d’arrêter de faire semblant d’être captivé par l’écran de mon téléphone.

— Salut Marc. Te voilà enfin !

— Désolé pour le retard, ma voisine m’a mis le grappin dessus, impossible de m’en débarrasser.

— Serais-tu un bourreau des cœurs ? lui demandé-je en le suivant alors qu’il pousse la porte du bar.

— Moi ? Si peu… Bon OK, peut-être bien, mais celle-là à soixante-dix ans et se plaint du moindre bruit que je fais… Même tirer une chaise sur le parquet la rend dingue, tu vois le genre, ricane-t-il.

Je vois surtout que même les petites vieilles, il les dénigre. Je commence à bien cerner le personnage mais là, ce n’est pas ça qui importe. Je découvre l’atmosphère du bar et suis séduit par les lumières bleues installées un peu partout. Le Blue Bar porte bien son nom et l’ambiance a l’air à la fois chaleureuse et détendue. Sur scène, je suis déçu de ne pas voir celle pour qui je suis venu. A sa place, une jeune brunette s’essaie à une imitation de Rihanna. C’est pas mal, mais peut mieux faire, dira-t-on. Nous allons nous installer non loin de la scène et commandons à boire en attendant que Pénélope et son mari fassent leur apparition.

— Tu viens souvent écouter Pénélope ici ? Cela ne lui donne pas l’impression que tu es un… stalker ? Tu sais, avec me too, ça pourrait vite être assimilé à du harcèlement.

— Il nous arrive de nous retrouver ici avec les collègues le vendredi pour boire un verre. Je ne suis pas un stalker, je le jure ! s’esclaffe-t-il.

Ouais, vu la façon dont il reluque toutes les femmes qui passent à proximité, je n’en suis pas si sûr. C’est vrai qu’il y a des jolies filles ici, mais son regard un peu mielleux est très… dérangeant ? Si j’étais une femme, je crois que je n’apprécierais pas du tout. Surtout s’il rajoute à ça une remarque un peu graveleuse dont il a le secret.

La jeune Rihanna termine son récital et se retire sous les applaudissements polis de la salle. Je me tourne vers la scène où apparaît un type un peu punk avec sa guitare et deux autres qui s’installent à la batterie et à la basse. Ils commencent à jouer un élément rythmique répétitif, sans que Pénélope ne fasse son apparition. Je ne peux m’empêcher de me demander comment elle a fait pour me remplacer par ce mec à l’opposé de moi. Un vrai chanteur pour midinettes, avec ses cheveux trop longs, son air nonchalant et sa barbe mal taillée. Ou pas taillée du tout, on dirait. Bon, il a du talent et il sait y faire avec sa guitare. C’est déjà ça.

Tout à coup, je l’entends, c’est elle, c’est sûr. Sa voix est à la fois mélodieuse mais avec des tonalités plus rock que ce à quoi je m’attendais. Un spot se dirige sur elle et la lumière l’auréole alors qu’elle vient rejoindre les camarades de son groupe. Tout semble tellement naturel dans sa façon de faire qu’on dirait presque qu’elle est née sur scène, qu’elle a chanté toute sa vie. Quand nous étions ensemble, elle aimait ça, mais seulement sous la douche ou en faisant la cuisine, comme n’importe qui. Là, elle fait la star. Contrairement à ce qu’il s’est passé pour Rihanna Junior, tout le monde s’est arrêté de parler et l’attention de tous est portée sur la chanteuse, magnifique comme toujours. Il faut dire qu’elle a tout pour plaire. Au-delà de sa voix qui résonne de manière énergique et sensuelle dans nos oreilles, sa tenue vaut le détour. La rousse a en effet revêtu une chemise blanche pleine de paillettes et je mettrais ma main au feu, vu les transparences créées par l’éclairage, qu’elle ne porte rien en dessous. Franchement, avec une poitrine comme la sienne, ce serait dommage de ne pas la mettre ainsi en valeur. Et son jean moulant est à tomber. Pénélope a un cul d’enfer qui m’a toujours rendu fou et ce soir ne déroge pas à la règle. Je crois qu’on peut dire d’elle qu’elle est pulpeuse, voluptueuse et a un charme fou. Tous les hommes qui l’observent et l’écoutent sont sous le charme et je suis convaincu que je ne suis pas le seul à bander en la regardant caresser ainsi son micro. Ou peut-être que si et tant pis si ça fait de moi un pervers. Je trouve Pénélope bandante malgré tout ce qu’elle a pu me faire.

Lorsque le récital s’achève, c’est un tonnerre d’applaudissements qui les remercie de leur prestation. Je note les groupies au premier rang qui se pâment devant le guitariste et mon regard croise celui de Pénélope qui semble surprise de me découvrir dans l’audience.

— Tu avais raison, Marc, ils assurent ! Et ici, ils ont du succès !

— Ouais, ils sont pas mal… Ils ont un petit public, c’est toujours blindé ici le vendredi soir. Et Pénélope est bien moins coincée ici qu’au bureau, si tu vois ce que je veux dire. Je sais que je ne devrais pas dire un truc comme ça, mais franchement, on dirait bien que c’est dans ses lolos qu’elle a le plus de talent, hein !

Je lève les yeux au ciel devant ce rustre qui n’est capable d’apprécier qu’une partie infime de tout ce que Pénélope a à offrir au monde. Entre son physique de rêve, son talent de chanteuse et son intelligence au travail, elle est bien loin de se résumer à sa poitrine. Marc voit que sa réflexion m’a un peu déplu et, pour se redonner une certaine contenance, il commande une nouvelle tournée. Je me contente d’un cocktail sans alcool, ne voulant pas abuser avant de rentrer chez moi. Alors que je m’apprête à me lever pour partir, j’ai la surprise de voir débarquer ma collègue, suivie de près par son mari.

— Félicitations ! leur lancé-je tandis qu’ils s’installent à nos côtés. Je ne m’attendais pas à tomber sur toi, mais la surprise est incroyable !

Je mens avec aplomb et suis satisfait de voir le sourire se dessiner sur les lèvres de la jolie rousse.

— Ravie de te voir ici. Je te présente Steven. Chéri, tu connais déjà Marc… et voici Jonas, mon nouveau collègue de bureau.

C’est tout ce qu’elle trouve à dire sur moi ? Je suis un simple collègue ? Son mari en tout cas n’est pas impressionné et m’accorde à peine quelques secondes d’attention avant de laisser courir ses yeux un peu partout sauf sur son épouse qui me semble pourtant, et de loin, la fille la plus excitante du bar.

— Je ne te connaissais pas ce talent. Enfin, quand on était ensemble, tu chantais déjà bien, la provoqué-je, mais on dirait que tu t’es bien améliorée !

Là, j’ai capté l’attention des deux autres mâles assis à table. Entre Marco qui reste bouche bée devant la révélation que je viens de faire et ce Steven dont j’ai capté toute l’attention, je suis content de l’effet que ma petite phrase a produit. Surtout que Pénélope, loin de s’offusquer, me répond le plus naturellement du monde, comme si cela l’amusait de provoquer son mari aux regards si peu discrets vers les autres nanas présentes ce soir.

— C’est vrai, j’ai pas mal bossé ma voix. Il faut dire que je ne fais que chanter, je ne bats pas des œufs en même temps sur scène.

Je crois qu’elle fait exprès de parler de ça et qu’elle a le même souvenir que moi en tête. C’était un dimanche matin, je crois, un peu avant que je ne parte à Chicago. L’époque où on vivait en parfaite harmonie, loin de toutes les disputes qui ont suivi et qui ont repris depuis qu’elle est devenue ma collègue. Je l’avais surprise en passant la voir après un entraînement de tennis, vêtue d’un simple tablier sans rien d’autre que ses sous-vêtements dessous, son bol à la main et en train de chanter. Profitant de l’absence de sa famille, je n’avais pas tardé à l’emmener dans sa chambre pour une séance plus qu’agréable.

— Peut-être que tu devrais chanter aussi au bureau, alors, ça nous permettrait de ne pas tant nous disputer.

— Vous vous connaissez d’avant ? m’interrompt Steven, perplexe face aux regards que j’échange avec son épouse et aux propos que nous tenons.

— Jonas est un vieil ami, élude Pénélope sans détourner les yeux des miens. Tu peux faire signe au barman ? Je crois qu’il a oublié qu’on descend de scène, je meurs de soif.

J’hésite à répondre mais je n’ai pas le temps de placer un mot car son mari semble pris d’une vive jalousie.

— Un vieil ami avec qui tu chantais ? Je croyais que c’était avec moi que tu avais tout appris, reprend-il, agressif.

— Concernant la musique, oui, enfin… tout, faut pas pousser non plus, hein ! sourit-elle pour masquer son agacement. Jonas chante comme un pied, mais bon, ça n’avait pas grande importance puisqu’on ne faisait pas de musique ensemble. J’ai eu une vie avant toi, tu te souviens ?

La tension redescend légèrement lorsque le barman vient leur apporter des boissons et cela me laisse un peu de temps pour réfléchir à l’attitude à adopter envers elle. J’avoue que je me sens comme un petit coq qui veut réaffirmer son territoire, même si je n’y ai plus aucun droit.

— Heureusement que j’étais meilleur au lit qu’en musique, n’est-ce pas ! Enfin, on ne peut pas tout avoir, on dirait, provoqué-je doucement. Le sexe ou la musique, c’est comme boire ou conduire, il faut choisir !

— Le sexe ? Un vieil ami, hein ? marmonne Steven avant de me jauger du regard. Et sur quoi tu juges mes compétences sexuelles, au juste ?

— Oh, je ne juge pas, désolé, je parlais pour moi. Il ne faut pas que tu te sentes visé, surtout que c’est toi qu’elle a épousé, pas moi. Cela devrait te rassurer, dis-je en me levant. Marc, si tu as fini d’ouvrir la bouche, ça te va si on rentre et qu’on laisse les tourtereaux se remettre de leur concert ?

— Ouais, je te suis. Je crois que tu as des choses à me raconter. Bonne fin de soirée, Pénélope !

— Bonne soirée les musiciens ! A lundi au bureau, Pénélope.

— Bonne soirée… et, Jonas ! me retient-elle en attrapant mon poignet. N’oublie pas que j’en connais des bonnes sur toi, si des fois il te vient à l’esprit de balancer des trucs qui ne regardent que nous à Marco l’asticot.

Je pouffe en entendant le surnom qu’elle lui donne et lui adresse un clin d'œil pour lui signifier mon accord. Je me dépêche de sortir et entends Steven grogner alors que je m’éloigne. Je prends rapidement congé de l’asticot, visiblement frustré, et reprends le chemin pour rentrer chez moi. Cela fait du bien de ne pas être celui qui s’engueule avec Pénélope. Finalement, c’était une belle soirée.

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