28. Ça chauffe à Dubaï

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Pénélope

Je m’étire doucement, mes yeux parcourant les moulures au plafond tandis que mon corps s’éveille tranquillement. Plutôt reposée grâce à la séance de jacuzzi d’hier soir, j’avoue apprécier ne pas avoir mal au dos après avoir passé de longues heures assise devant mon ordinateur ou en réunions diverses. Mon corps est reposé, contrairement à mon cerveau déjà en train de carburer.

Je me mets sur le côté et observe mon colocataire, profondément endormi. Allongé sur le ventre, l’une de ses jambes sort de sous le drap qui découvre la moitié de son corps. Son bras passé sous l’oreiller, son visage tourné dans ma direction, avec dix ans de moins et une barbe moins fournie, je pourrais me croire de retour en Normandie.

Si je tendais la main, je pourrais sentir sa peau chaude sous mes doigts qui picotent d’anticipation, et je dois me raisonner pour ne pas les passer dans sa tignasse courte. Il ne va pas falloir que nous nous retrouvions tous les deux dans cette situation trop souvent, sinon tout ceci va partir en cacahuète.

Je me lève aussi silencieusement que possible aux souvenirs de nos nuits à deux, m’enferme dans la salle de bain en soupirant et troque ma nuisette contre mon maillot encore humide de notre séance de jacuzzi. J’enfile un peignoir, me brosse les dents rapidement, dompte ma crinière d’une queue de cheval et quitte la chambre non sans avoir vérifié que Jonas dormait encore.

Un soupir de bien-être passe la barrière de mes lèvres lorsque je plonge dans l’eau de la piscine. Il y a une éternité que je n’ai pas eu ou pris le temps d’aller nager, trop engoncée dans mon quotidien. Métro-boulot-dodo, seule la musique a pris un peu de place dans cette routine bien huilée.

Je suis surprise de voir la silhouette de Jonas apparaître. Je fais comme si de rien n’était sans manquer le spectacle qui s’offre à moi. Il est encore tôt, il y a peu de monde ici, mais dans tous les cas, mon attention est toute tournée vers celui qui ôte son tee-shirt et se dirige vers le bord de la piscine où il s’assied. Il m’observe terminer ma longueur, battant des pieds dans l’eau, et je le rejoins finalement, m’accoudant à ses côtés.

— Tu ne peux déjà plus te passer de moi ? plaisanté-je.

— Disons que la soirée d’hier était bien agréable et que c’est bien de commencer la journée aussi par une petite baignade. Cet hôtel, malgré son air un peu vieillot, est quand même assez cool.

— L’eau est bonne, profite !

Je me recule en l’éclaboussant et m’éloigne rapidement alors qu’il grommelle, un sourire au coin des lèvres.

— Il manque quand même quelques toboggans. Même avec dix ans de plus, je ne dirais pas non aux infrastructures du camping où nous sommes allés avec les parents l’année de nos dix-huit ans, souris-je. Le luxe, c’est sympa mais parfois ennuyeux.

— En même temps, au milieu d’un hôtel comme celui-ci, difficile d’installer des toboggans. Je ne sais même pas comment ils ont fait pour la piscine. Les architectes sont trop forts ! Bien plus que ceux qui ont fait la maison commune du camping, sourit-il.

Je l’observe descendre dans l’eau et se mettre à faire des longueurs à son tour. Je reste comme une conne au beau milieu de la piscine à l’observer, ne pouvant m’empêcher de repenser à nos vacances communes lorsque nous étions ados. Jonas et moi pouvions passer nos après-midi à la piscine à jouer comme des gosses, mais il y avait toujours un moment où l’on cherchait un coin tranquille pour se bécoter et se tripoter, incapables de rester longtemps loin l’un de l’autre, même si Baptiste ronchonnait quand il nous grillait, qu’il le menaçait de lui refaire le portrait s’il me faisait du mal.

Je suis surprise par la gerbe d’eau que je me prends en pleine face, bois la tasse et tousse en fusillant du regard le fauteur de trouble.

— Pas très classe, la bataille d’eau dans un Palace de Dubaï, ris-je finalement.

— Non, mais ça me faisait trop envie. En souvenir du bon vieux temps ! A l’époque, tu te défendais plus vigoureusement !

— C’est vrai, mais je ne voudrais pas te casser le dos, tu as vieilli après tout !

— Essaie déjà de m’attraper, petite vieille. Tu n’as pas l’air aussi bien entretenue que moi !

— Wow, est-ce que tu insinues que je me suis empâtée ? Que j’ai pris du poids ? Fais gaffe à ce que tu dis, Marconi !

Je ne lui laisse pas le temps de déguerpir et lui saute dessus pour le surprendre. Vu son corps toujours aussi bien entretenu, nul doute qu’il continue le tennis de manière régulière. Son dos musculeux pressé contre mon buste, mes bras autour de ses épaules, je ris alors qu’il se tortille pour se débarrasser de moi. Je sens ses mains sur mes cuisses, l’entends rire, lui aussi, et me surprends à apprécier ce moment malgré la rancœur persistante.

Je fais moins la maligne lorsqu’il parvient à me faire lâcher prise. Je me retrouve sous l’eau et profite de ma position de faiblesse pour glisser entre ses jambes et le renverser à son tour. Après quoi, je me précipite jusqu’à l’escalier pour sortir de l’eau, hilare et poursuivie.

— Match nul ou on est d’accord pour dire que je t’ai bien eu ?

— Où est-ce que tu as vu un match nul, toi ? gronde-t-il. C’est pas demain la veille que tu gagneras contre moi dans l’eau !

Je lève les yeux au ciel et lui balance sa serviette avant d’enfiler mon peignoir sans pour autant le fermer.

— Tu bandes à moitié, Johnny, il est évident que j’ai gagné !

— Et toi t’es trempée de la tête aux pieds, c’est moi qui gagne. Comme d’habitude.

— Toujours aussi insupportables, toi et ton ego. Tu le ranges au placard, parfois ? lui demandé-je alors qu’il essuie son torse.

— Seulement avec les femmes qui ne cherchent pas à le réduire à néant, répond-il en me matant effrontément, son érection désormais bien visible dans son short collé à son corps par l’humidité.

— Tu sous-entends que c’est ce que je cherche à faire ?

— Je ne sais pas ce que tu cherches à faire… C’était tellement plus simple avant, soupire-t-il.

J’acquiesce alors que nous nous dirigeons vers notre chambre. Je me retiens de rire en le voyant plaquer sa serviette de telle sorte à cacher son érection, et le silence règne dans l’ascenseur tandis que nous descendons quelques étages. Il a raison, tout était bien plus simple avant qu’il se tire au States et se tape je ne sais quelle américaine pendant que je l’attendais bien sagement, persuadée que nous supporterions la distance.

— On n’est pas en avance, il va falloir qu’on se dépêche si on veut avoir le temps de manger un morceau avant la réunion.

— Ah oui, si on n’a pas de petit-déjeuner, pas sûr que je vais savoir affronter les prochaines heures avec Monsieur Bordalak ! Tu prends ta douche en premier ou j’y vais ?

— J’y vais si tu veux bien, le temps de me sécher les cheveux pendant que tu y passeras à ton tour ensuite. Ça te va ?

— Faisons comme ça, oui, répond-il alors que je sens son regard sur mes fesses que je me fais un plaisir de dandiner après avoir ôté peignoir et bikini.

Je file à la salle de bain en laissant la porte entrouverte et me glisse rapidement dans la douche à l’italienne. Autant j’ai envie de jouer, mais il faut aussi que l’on se dépêche au risque de contrarier nos clients, alors je me dépêche de me laver, abandonne l’idée de l’après-shampoing et noue une serviette sur ma poitrine tout en regagnant la chambre.

— Tu peux y aller.

Jonas ne se fait pas prier et je me retiens de glousser en le voyant rajuster son short de bain avant de finalement l’ôter sous mes yeux. Il passe à côté de moi avec un petit sourire aux lèvres et laisse la porte de la salle de bain grande ouverte. Monsieur entre dans le jeu et, ça me tue de le dire, mais ça ne me laisse pas indifférente. J’ai l’impression que mon corps se fait un malin plaisir de me rappeler l’effet que le sien avait sur moi…

Je me secoue, cherchant mon professionnalisme dans ma valise en même temps que mes sous-vêtements. J’ai pris tout ça à la va-vite, faisant ma valise au dernier moment, mais il faut croire que le hasard fait bien les choses, puisque je me retrouve à enfiler un tanga rouge, couleur que le beau gosse qui sifflote sous la douche adore.

J’entre dans la salle de bain sans m’annoncer et allume le sèche-cheveux en voyant la tête de Jonas apparaître, sourcils froncés, par l’ouverture de la douche. Nous jouons clairement tous les deux avec le feu et je me demande combien de temps la dernière barrière qui nous empêche de craquer va tenir. Est-ce que j’en ai envie ? La réponse est oui… Est-ce qu’on devrait se lâcher ? Clairement pas ! On bosse ensemble, on a un passif, c’est dangereux et inconscient de replonger. Comment puis-je simplement y penser alors qu’il y a quinze jours encore, j’étais en couple avec un homme que j’ai épousé ?

Lorsque Jonas sort de la douche, sa trique n’a pas disparu et je l’observe dans le miroir enrouler une serviette autour de sa taille en me reluquant sans gêne. La buée m’empêche de voir clairement ses traits, mais le léger sourire qu’il affiche me réchauffe le bas-ventre. Je noue finalement mes cheveux encore humides en chignon et sursaute lorsqu’il me frôle pour récupérer sa brosse à dents.

Le tableau que nous affichons me déstabilise. On dirait un vrai petit couple en train de se préparer à aller bosser… Comme on le faisait lorsque l’on dormait chez l’un ou chez l’autre avant d’aller prendre le bus pour le lycée. Il se brosse les dents tandis que je commence à me maquiller, lisse sa barbe durant un petit moment, le regard perdu sur ma poitrine encore dénudée à travers le miroir… Je me secoue à nouveau quand mon cerveau l’imagine me hisser sur le rebord du lavabo pour me prendre sauvagement. Je suis carrément en manque, c’est pas possible.

— Tu crois que j’ai encore besoin d’amadouer les clients à coup de décolleté ou je peux garder un minimum de dignité aujourd’hui ? lui demandé-je en me parfumant.

— Hmm ? fait-il alors que je le sors visiblement de sa rêverie. Tu peux faire ce que tu veux, je crois qu’ils vont te manger dans la main…

— Tu parles de toi ou d’eux, là ? me moqué-je en me penchant devant lui pour récupérer mon rouge à lèvres.

— Moi, j’ai déjà le droit au grand jeu, je n’ai pas à me plaindre.

Ses mains se sont posées sur mes hanches et il se colle dans mon dos. Je tente de paraître stoïque mais je sens mon pouls s’accélérer et nos regards se croisent dans la glace pour ne plus se lâcher. Immobiles l’un et l’autre, j’en viens à me demander lequel de nous va craquer quand il recule brusquement et se passe la main dans les cheveux en grommelant des mots incompréhensibles.

— J’ai besoin d’un café, soupiré-je en quittant la salle de bain pour enfiler ma robe. On se retrouve au restaurant ?

— Oui, oui, j’arrive dans quelques minutes.

J’acquiesce, attrape mon sac et mon châle, puis sors de la chambre comme si j’avais le feu aux fesses. C’est un peu le cas, mais pas de la façon qui correspond à cette expression… A jouer avec le feu de la sorte, Jonas et moi risquons de nous brûler, c’est certain.

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