J'ai des choses à dire, des trucs à cracher, des tonnes de colère et de tristesse accumulées au fil des années et qui courrent en petites bêtes noires à l'arrière de ma tête, dans mes membres, dans mes organes, ça me brûle le ventre, ça paralyse mes membres, ça tire dans mon dos, dans mes poignets, dans mes jambes. J'ai mal, tous les jours, ça me colle une sale rage au ventre, j'vous jure, j'ai le coeur en pagaille et un cri bloqué au creux de la gorge.

 Faut pas croire, je vais survivre. J'ai survécu jusque là et je compte bien rester ici encore un bon moment. J'ai décidé que je voulais être vieux, un jour. Un objectif simple et clair en principe, mais vivre, c'est un travail à plein temps. Et le temps, on en a peu quand on dort entre 12 et 15 heures par jour.

 Je vais survivre, mais j'ai un poids conséquent sur les épaules et ce projet sera MON espace. Je ne m'excuserais pas de ce qui j'y dirais, je serais aussi cru que je le souhaite, aussi triste que je le souhaite. J'ai besoin d'un espace pour être faible, pour être en colère, pour être désespéré, pour être cynique. J'ai besoin d'un espace où je n'ai pas besoin d'être fort et où je peux laisser sortir la frustration que j'entasse dans un coin de ma tête.

 Ne vous en faites pas pour moi. Je suis fort, et je sais aussi rire de mes difficultés. Si je n'avais pas retrouvé une situation acceptable, une certaine force, je ne pourrais pas en parler ainsi, je ne m'exposerais pas à vos regards. Venez si vous le souhaitez. Je vais parler de moi, mais aussi, je vais parler de ce qu'il y a autour de moi. De handicap. De transidentité. De ce que c'est que de ne pas avoir le luxe d'exister dans les cases, où il faut, comme il le faut. Des galères, mais certainement aussi des bonheurs que je peux trouver dans la bizarrerie de mon quotidien.

 Je ne suis pas à l'endroit où je pensais que je serais à cette période de ma vie. Mais je ne regrette rien. Bienvenue dans mon journal.