Une vie douce
J'aimerais avoir droit à une vie plus douce. Je suis assis dans le petit rayon de soleil qui passe par la fenêtre du salon et bouger mes doigts sur le clavier me semble si difficile. J'aimerais chantonner les chansons de ma playlist et j'aimerais réussir à finir mes phrases sans m'y reprendre à trois fois, mais ma force m'échappe et même parler me semble impossible. Je ne sais même plus de quoi me plaindre tant mon cerveau est saturé par la série de petites douleurs, de fourmis, de tensions. Mes pensées évoluent dans un brouillard perpétuel sans trop savoir s'il s'agit d'anxiété, de fatigue ou des médicaments. Est-il utile de dire que ce n'est pas une bonne matinée ?
Ma concentration s'enfuit par vague et je sais que la fatigue finira par me rattraper. Pourtant, je veux écrire. Mais écrire quoi ? Quelle partie de ce trop plein ? Pourtant la journée avait si bien commencé. Le chien nous a fait la fête dès notre réveil. J'ai joué avec le chaton. Pris mes médicaments. Sorti le chien pour son pipi du matin. Actuellement, elle veille sur moi depuis le canapé et le chaton court dans le salon. Papi chat, lui, dort en ronronnant sur le balcon, roulé en boule dans sa chaise préférée. De là où je suis, je voisles rats blottis l'un contre l'autre dans leur cage, tous en boules pour se protéger du courant d'air froid qui passe par la fenêtre ouverte.
Je vais me répéter. Chaque paragraphe me prends un temps fou. J'aimerais tant avoir la tête claire. Je cherche un peu de force, un peu de courage au fond de mes tripes mais il ne me reste pas grand chose.
Bénis sois ce petit rayon de soleil dans ma nuque. Le haut de mon dos est tout fâché, mais la chaleur le soulage un peu.
Le changement, ça fait peur, même quand la situation actuelle n'est objectivement pas bonne.
***
Je reviens sur ce chapitre quelques jours après mon premier jet. Je ne sais qu'en penser, après tout j'ai promis de ne pas me censurer quand je me plaindrais. Ne pas effacer ce paragraphe geignard écrit en pleine crise n'est pas facile. Je me rends compte aussi que je ne l'ai jamais fini.
J'aimerais que la vie soit plus douce, pour moi, mais aussi pour les autres. J'aimerais être une de ces forces naturelles qui savent rendre la vie plus accueillantes à leurs proches. J'aimerais pouvoir protéger les êtres qui me sont chers. Je pense aux gens qui me côtoient au quotidien. Notre petit foyer de rescapé, de paumés, de râtés. Ce serait bon de plus avoir à se soucier de ce qu'on va manger le soir, des factures d'électricité, de porter chaque jour la peur de ne pas pouvoir payer son loyer, et j'aimerais ne pas ajouter sur leur dos la pression d'avoir un invalide épuisé dans l'appartement. J'aimerais leur dire mon amour. Il est si difficile de respecter les besoins de chacun et si essentiel de s'aider comme on peut, de parler. Dans notre petit trou bizarre, je voulais surtout laisser savoir que même si la vie était pleine de complications, d'emmerdes et bien trop épuisante, je ne suis plus malheureux. Je ne suis plus submergé par le poids du monde. Et même dans les moments de douleur, un rayon de soleil, la présence d'un ami, humain ou à poils, me rend la vie plus facile. La situation actuelle, dans notre petit appartement où il y a toujours quelqu'un en crise dans la chambre d'ami ou dans le canapé, incapable de travailler, en couple polyamoureux avec an partenaire extraordinaire... Rien de tout cela n'était prévu. Mais je ne regrette rien. Je sais que la situation n'est pas pérenne, que je ne pourrais pas rester dans cette situation indéfiniment, mais j'ai moins peur des changements à venir quand je sais que j'ai un soutien solide. Je ne pense pas pouvoir écrire beaucoup plus, la fatigue me rattrape ; j'ai eu une journée chargée hier et mon corps réclame du repos. Qu'est-ce que c'est fatigant, d'avoir un corps. Je trouve le mien particulièrement exigeant.
Pensez à vos proches, entourez-vous bien, il n'existe pas de trop plein d'amour dans ce monde. Et protégez-vous. Vous méritez de la paix et de la douceur, toujours.
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