Chapitre 15 : Un nouveau jour.

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  • Bois des petites gorgées, sinon ça va te rendre encore plus malade.

Nice appliqua minutieusement le conseil de Selim, portant doucement l’eau à ses lèvres. Toujours sous l'effet de l’alcool, elle déposa une main sur son front. Le monde tournait.

  • Tu reprends tes esprits ? lui demanda-t-il d’un air inquiet.
  • Ou… oui, merci Selim, peina-t-elle à dire.
  • Si tu ne te sens pas bien, on peut allez aux toilettes…
  • Non ! Non, s’il te plait, le supplia-t-elle de sa paire d’yeux larmoyants.

Il se rendit compte de sa bêtise et baissa le regard, comme un chiot qui venait de se faire gronder. Quel idiot de lui proposer de se rendre à l’endroit où on l’avait agressé.

  • Excuse-moi, je suis con… Tu veux peut-être rentrer ? Rester ici, c’est… pas vraiment l’idéal ?
  • Je ne sais pas, souffla-t-elle en fronçant les sourcils.

Elle n’arrivait plus à réfléchir, à mettre le doigt sur ce qu’elle voulait vraiment. La scène restait ancrée dans sa tête. Selim s’affola quand elle se remit à pleurer. Elle sursauta quand il eut le courage de déposer sa main sur la sienne.

  • Je t’ai fait peur ?
  • Non, merci, fit-elle en rattrapant sa main qu’il s’apprêtait à retirer. Merci d’être toujours là pour moi…
  • Qu’est-ce que tu racontes, rit-il sans aucune sincérité, c’est Alex qu’il faut remercier. S’il n’avait pas été là… Moi, j’aurais perdu le contrôle, assura-t-il. Peut-être que tu ne veux pas en parler, je suis désolé.
  • S’il n’avait pas été là, déglutit-elle, je ne veux même pas y penser… J’ai eu tellement peur, avoua-t-elle d’une voix tremblante. J’ai cru que… que c’était fini, qu’il allait me voler ce que j’ai de plus cher… Ma dignité, ma première fois… Je n’arrive pas à me retirer ces images de la tête, sanglota-t-elle.

Sa voix plaintive, la peur dans son regard et ses doigts qui se resserraient sur les siens, la rage de Selim montait crescendo.

  • Ces choses là devraient toujours être faite avec amour. Je le hais, grogna-t-il, et il va le payer ! Il ne sait pas qui nous sommes ! Plus jamais je laisserais un mec te faire du mal, s’exclama-t-il en regardant droit devant lui.
  • Pour… quoi ? hésita-t-elle, en remontant sa main le long de son bras.
  • Pourquoi ?! Je…

Les prunelles de Nice brillaient sous les lumières de la discothèque. Il s’y perdit et se défit de ce regard dont il était fou amoureux. Jamais il ne lui dirait et encore moins dans ces conditions.

  • C’est la moindre des choses, se reprit-il.
  • Pourquoi ? insista-t-elle en le fixant toujours. Tu sais, continua-t-elle alors qu’il restait muet comme une carpe, quand il m’a… poussé dans les toilettes et que…

Elle n’arrivait pas à finir sa phrase.

  • J’ai pensé à toi de toutes mes forces, lâcha-t-elle difficilement.
  • Ne dis pas ça !

Il refusait d’accepter ses mots. C’est sans doute parce qu’elle venait de vivre quelque chose de si difficile qu’elle se raccrochait à lui. Parce qu’il lui montrait de la gentillesse, alors qu’il n’aurait jamais dû lui accorder d’attention. Dès leur premier jour à Saint-Clair, il avait craqué. Dès qu’il l’avait vue, toute angoissée dans les coulisses à l’idée de monter sur la scène, il avait décidé de jouer un rôle : celui de se ridiculiser à sa place. C’est pour cette raison qu’il tomba devant l’assemblée, faisant bien rire la galerie. Après de telles esclaffes, Nice ne pouvait que s’y rendre le cœur léger. Il payerait cher pour que son visage soit aussi paisible que cette fois-là. Il n’en était rien : il n’y avait que douleur et tristesse, amour et culpabilité, dans son regard adorable et demandeur.

“L’alcool, c’est l’alcool”, tentait-il de se convaincre, mais il craquait pour ses beaux yeux, pour ses jolies petites pommettes et son air tourmenté.

Il s’en voulait déjà quand il passa sa main derrière sa nuque pour déposer son front contre le sien.

  • Ne dis pas ça, répéta-t-il d’un ton suppliant.
  • Mais, je ne suis pas contre que tu me protèges, avoua-t-elle d’une voix toute timide.
  • Je te mettrais plus en danger qu’autre chose…
  • C’est faux ! Tu es le garçon le plus gentil que je connaisse !
  • Si j’étais gentil, je n’aurais pas envie de t’embrasser maintenant ! Alors même que ce gars… Je ne pense qu’à ça, rougit-il de tout son soûl.

Il détourna son visage flamboyant, bien qu’il serrât un peu plus sa main. Nice laissa échapper un hoquet, des larmes chaudes coulant sur ses joues tout aussi rougies. Sa respiration se saccada de plus en plus et ses traits se durcirent. Il se retourna à nouveau, croyant qu’elle faisait une nouvelle crise, mais elle était simplement déterminée :

  • Je m’en fiche, fit-elle en essuyant ces larmes, je t’aime.
  • Tu es saoul, souffla-t-il après un temps.
  • Oui, mais je t’aime…
  • Tu ne peux pas ! refusa-t-il d’un mouvement de tête.
  • Je t’aime quand même ! Alors embrasse-moi ! s’écria-t-elle douloureusement.

Comment lui résister ? Comment envoyer valser ses envies par-dessus son épaule ? Et pourquoi ne pas craquer ? Selim attrapa doucement son visage, malgré l’envie de se précipiter. Depuis le temps qu’il en rêvait, il déposa enfin ses lèvres contre les siennes. Enivrée, Nice se laissa tomber dans ses bras tandis qu’il l’embrassait avec délicatesse.

  • C’est doux, murmura-t-il, son nez contre le sien.
  • C’est la chose la plus douce que je n’ai jamais connue…
  • Vraiment ? Pourtant je ne t’ai pas encore dit que je t’aime, lui confia-t-il.

Ils partagèrent un rire et quelques larmes supplémentaires, assis dans leur coin de la salle. Kyle au bar fit une tape sur l’épaule de Sky, alors que Laure et Kimi se resservaient en bière.

  • Combien de temps je leur laisse pour demander une rançon ?
  • C’est pas vrai, souffla Sky.
  • Tu ne vas pas faire ça quand même ? s’outra Kimi, pourquoi tu ne les laisses pas vivre leur histoire ?
  • C’est toi qui a mis des idées pareilles dans la tête de Selim ? l’attaqua-t-il.
  • Il est possible qu’il m’en ait parlé, mais je n’ai fait que donner mon avis…
  • Tu aurais dû t’abstenir ! Ces amoureux idiots, l’amour va les ruiner… Kyle, fais ton job ! lui ordonna-t-il avant de s’éloigner une énième fois.

Discrètement, le journaliste prit quelques photos. Laure retient Kimi d’aller lui chercher des noises.

  • Pourquoi est-ce qu’il fait ça ?!
  • Pour les protéger… Il va leur faire payer leur silence, pour les vidéos de surveillances aussi, et grâce à ça, il sera capable de faire son tour de magie habituel.
  • Un tour de magie ? De quoi tu parles ?
  • Toutes ses informations se perdront dans le néant. Avec l’influence de Kyle et l’argent qu’on lui donne, on est certains de rester dans l’ombre.
  • Ce ne serait pas plus simple de vivre honnêtement ?
  • Non, ce n’est pas possible, dit-elle d’un ton catégorique.
  • Sky est affreux, pourquoi est-ce que Kyle lui obéit ?
  • Ils sont amis et l’amitié de Sky est inébranlable… Une fois qu’il te la donne, tu obtiens une sécurité, mais si tu as la malchance de la perdre, tu te transformes en poussière. Il n’en a pas l’air, mais c’est le plus fidèle d’entre nous…
  • Non, on ne dirait vraiment pas, la coupa-t-elle.
  • Devient son amie et tu comprendras, répondit-elle avec un sourire.
  • Je t’avoue que ça ne fait pas partie de mes plans, avoua-t-elle dans une grimace.

Laure fit risette et lui tendis son verre. La fête touchant à sa fin, elles trinquèrent une dernière fois. Légèrement curieuse, Kimi déposa son regard sur le couple qui se couvrait de tendresse. Elle avait un sourire béat, sincère et un poil satisfait.

***

Pourvu d’une grosse paire de lunettes noires, Faye comatait dans la voiture qui la ramenait au bercail. Elle donnait l’impression de se replier dans l’énorme sweat gris à capuche qu’elle portait, dont ses cheveux roux dépassait en une longue queue ondulée.

En sortant du Chevrolet, elle remonta la paire sur l’arête de son nez, la lumière lui donnant mal au crâne. En arrivant devant son père, il ne faisait aucun doute que ce dernier était perspicace. Sur son trente-et-un, l’homme ne lui posa pas trop de questions. Elle le dévisagea. Elliot Fast, avait toujours la classe, alors qu’elle ressemblait à une vieille chaussette puante. L’Apollon portait un pantalon en toile et col roulé noir qui moulait son corps parfait. Le souci du détail, il avait toujours à son poignet la montre que sa femme lui avait offert.

Enfin, il attaqua les hostilités d’un sourire taquin :

  • Je vois que tu as passé une bonne soirée. Je me rappelle de mes premières sorties, inoubliable, rêva-t-il. Mais sache ma fille que l’alcool, la drogue et le sexe seront des ennemis dans ta vie.
  • Papaaa…
  • Je le dis parce que c’est mon rôle de père ! Je ne vais pas t’empêcher de faire la fête alors que je faisais la même chose à ton âge, mais avec modération, ma chérie, insista-t-il en lui baisant le front. Je suppose que tu ne m’accompagnes pas à l’hôpital ? Maman préférai que tu te reposes, ajouta-t-il en lui caressant la joue quand elle lui montra une bouille coupable.
  • Est-ce qu’elle va mourir ? dit-elle après un temps.

Cette question retourna les entrailles de son père qui chercha ses mots pendant un instant, les mains dans les poches.

  • Elle doit continuer les séances de chimio pendant… Honnêtement, je ne sais pas, c’est indéterminé, avoua-t-il tristement.
  • Je devrais peut-être venir ? se ravisa-t-elle.
  • Non, repose-toi, n’oublies pas de travailler pour l’école et demain nous irons la voir à nouveau, d’accord ?
  • Oui, papa, dit-elle en l’attrapant pour lui faire un câlin.
  • Je t’aime tant, profite de la vie ma chérie, parce qu’elle est bien trop précieuse pour ne pas être vécu, fit-il en lui caressant sa longue chevelure. Je dois y aller, ce soir je m’arrêterais aux bureaux, donc on se voit demain matin.
  • D’accord, à demain…

Ils se serrèrent fort dans une dernière étreinte. Une fois partie, elle resta immobile dans le salon aussi vide que son énergie. La vibration de son téléphone la ramena sur terre. L’organisateur de la fête, Davis, lui avait envoyé un message qui eut bon de lui rappeler sa fin de soirée : “Le bonheur est à porté de main, on remet ça quand ?”. Avant cette nuit, elle n’avait jamais touché à la drogue et ne l’avais même jamais envisagé. Honteusement, elle se rappela de la montée d’adrénaline qu’elle avait ressenti en prenant ne serait-ce qu’une de ces pilules. Elle avait ressenti tant de plaisir en une seule fois. Cela faisait longtemps qu’elle ne s’était plus sentie autant envie. Sans ça, est-ce qu’elle en serait venue à embrasser un mec aussi chaud que Davis ? Est-ce qu’elle se serait autant amusée ? Malgré un mal de crâne intense et une fatigue interminable, elle pensa qu’il n’y avait pas de mal à s’en procurer qu’un tout petit peu. Elle tapa alors rapidement sur les touches :

  • Ça peut s’arranger, voyons lundi.

Réfléchissant encore longuement, elle ouvrit une autre discussion pour s’excuser auprès de Nice. Elles se sonnèrent dès qu’elles le purent. Faye regrettait amèrement ses actes, mais sa meilleure amie ne la considérait pas comme coupable. La rousse émit tout de même une plainte au téléphone et sourit ensuite quand elle entendit la bonne nouvelle. Enfin, ils s’étaient embrassés et même s’ils ne savaient pas où cette aventure les emmènerait, Nice semblait heureuse. Même si elle était effrayée par les lois “Richess” et par ce qui lui était arrivée de la nuit, elle comptait bien profiter de cette portion de bonheur. Et elle pouvait compter sur Kyle pour s’occuper du coupable, quitte à devoir en payer le prix fort.

À la fin de l’appel, Faye se retrouva tiraillée entre peur et envie. Elle passait son temps sur les réseaux et les sites de modes à rêver de tous ces vêtements. À vrai dire, elle n’en avait pas moins dans son armoire, mais elle n’avait jamais osé les porter.

Les pensées se bousculaient dans sa tête, comme les fragments de conversations. Elle entendait à nouveau les paroles de Kimi : “Fais juste toi plaisir en portant ce que tu aimes”, puis toutes ses personnes qui la complimentait tous les jours, malgré ses simples pulls et baskets. Elle ressentait son père l’étreindre, lui dire de profiter de la vie. Puis, elle pensait à sa mère malade et enfin aux mots d’Alex : “Une gamine”. Pour qui se prenait-il pour l’insulter, après tout ce qu’elle avait entrepris pour s’entendre avec lui ? Le feu des Fast brûla dans les yeux, elle lui prouverait du contraire.

Ouvrant sa garde-robe en grand, d’un air déterminé et entreprit le même mouvement le lundi matin dans sa chambre à l’internat. Elle jeta quelques affaires sur son grand lit et ne prit même pas la peine de consulter son miroir avant de sortir.

Ses imposants cheveux roux détachés interpellaient les gens sur son passage et davantage le claquement de ses cuissardes noires sur les pavés.

Des filles plus jeunes la regardaient avec envie, et des plus âgés avec jalousie, quand elle se posta devant les grilles de Saint-Clair.

À l’autre bout de la cour, Selim et Alex, assis sur leur banc habituel, relevèrent la tête à cause de la soudaine agitation aux alentours. Ils la regardèrent tout deux s’avancer dans l’allée, vêtue d’une courte combinaison et du même veston en cuir qu’elle portait à la fête. le sourire au bout des lèvres, elle prit plaisir à observer les diverses réactions. La plus alléchante de toutes, transforma sa douce expression en un regard espiègle. Défilant devant les garçons, elle confronta Alex d’un sourcil arqué, avant de continuer son chemin.

Selim ne put s’empêcher de lâcher un sifflement, tout en agitant sa main comme s’il s’était brulé :

  • Waouw, ça c’est une femme !
  • Tu parles, protesta Alex assez bas pour qu’on ne l’entende pas.
  • T’as dit un truc ?

Il fit simplement un “non” de la tête, et s’attarda, comme bien d’autres, sur l'attrayante silhouette de la rousse. À son tour, un haussement de sourcil vint trahir son air impassible.

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