Chapitre 34 : Quiproquo

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  • Nous ne pouvons pas continuer comme ça ! s’exclama Laure en s’adressant à ses amis.

Il s'agissait d'un vrai cri du coeur.

***

Nice n’avait pas voulu rentrer dans sa chambre, si bien que Kimi la traina jusqu’à la sienne. Sur le chemin, la plus petite des deux n’avait cessé d’exprimer sa peur de sécher les cours. Elle n’aurait jamais envisagé un jour qu’elle brosserait l’école, et encore moins pour un garçon, même s’il ne s’agissait pas de n’importe lequel. Son cœur se serrait à chaque fois qu’elle revoyait le moment où il lui avait agrippé la main. Elle l’avait rejeté. À nouveau, elle regrettait ses actes.

Au contraire, la blonde n’en était pas à sa première fois. Au lycée Gordon, elle avait plus souvent fait le mur que de rester assiste en classe. Quoi que, même les cours s’avérait être des vacances en comparaison au cursus de Saint-Clair.

Dans la chambre, Kimi s’installa directement sur son lit dans lequel Nice hésita à monter. Elle s’assit d’abord avec pudeur sur le bord de celui-ci. Tremblante, elle continua de s’inquiéter.

  • Je n’aurais vraiment pas dû… Qu’est-ce que vont dire mes parents s’ils l’apprennent ?
  • C’est bon, on demandera à Kyle de trouver une solution ou un truc dans le genre, non ? Puis Laure a dit qu’elle te couvrait dans un premier temps, ça va aller, ne t'inquiètes pas; lui sourit-elle.

La petite marqua un temps et la dévisagea.

  • Tu t’es adaptée bien trop vite à cette école…
  • Tu trouves ? J’ai l’habitude de la loi de la jungle, c’est peut-être pour ça, pouffa-t-elle. Et toi alors ? Comment ça se fait que tu ne te sois pas habituée au rythme ?
  • Mais je suis à jour dans les cours et...

Kimi rigola à nouveau et s’installa confortablement pour débuter une discussion.

  • Parfois, j’ai l’impression que tu ne penses qu’à l’école, je me trompe ? Je ne m'en rendais pas compte avant aujourd’hui, mais tu as l’air vachement crevée…
  • C’est à cause de la dispute…
  • Vraiment ? la coupa-t-elle.

À nouveau, elle la fixa du même regard perçant qu’elle lui avait montré en la forçant de rentrer à l’internat. C’était comme si elle pouvait lire dans ses pensées et à travers son cœur. Le fait qu’elle soit dotée d’un tel sens lui donna la chair de poule. Quelques minutes plus tôt, elle la jalousait d’être proche de son petit ami et maintenant, elle avait envie de se confier à cette même personne.

  • Vos parents sont sévères, à vous les Richess, émit-elle. Vous travailler beaucoup pour l’école, ça m’aide bien d’ailleurs, pouffa-t-elle avant de partager un sourire avec Nice. Mais tu bosses bien plus que les autres, comment ça se fait ?
  • C’est parce que, contrairement aux autres, hésita-t-elle longuement, j’ai un an de moins.
  • Et en quoi c’est différent ? Tu as un an de décalage, mais si tu es en troisième c’est que tu en a les capacités…
  • Dans ce cas, on a tous cette capacité de sauter une année, répondit-elle rapidement.

Elle semblait profondément blessée.

  • Il faut que tu comprennes… Je suis une Richess, mais je suis née une année en retard parce que mes parents n’arrivaient pas à avoir d’enfants. C’est comme si j’étais une erreur, comme si j’avais failli à ma tâche, dés le départ…
  • Pourquoi est-ce que tu dis ça ? sa réflexion lui faisait tellement de peine.
  • Parce que c’est vrai ! Tu connais la loi, non ?
  • Celle d'avoir un enfant à dix-sept ans ?
  • Maintenant, dix-huit, pour éviter au mieux la grossesse durant notre scolarité. Bon pour ma part, j’aurais bel et bien dix-sept ans, sinon la tradition ne perpétuera pas. Parce que je suis née une année en retard, j’ai toujours été la honte de la famille…
  • Tu es sûr de ça ?
  • Pourquoi avoir voulu que je saute une classe, alors ? Mes parents ont tout fait pour que je puisse arriver à Saint-Clair en même temps que les autres, parce qu’il le fallait, à causes des lois. Enfin, c’est surtout mon père qui le voulait, parce que c’est de lui dont j’ai hérité du titre. Et j’ai réussi. Tant bien que mal, mais je suis arrivée au même niveau que les autres. Maintenant, il suffit que je le maintienne.
  • Mais… je ne comprends pas, ils ont ce qu’ils voulaient, non ? Alors pourquoi est-ce que tu étudies autant…
  • Parce que je ne suis pas aussi intelligente que tout le monde le pense ! Pour être au même niveau, je dois redoubler d’effort !

L’émotion la prenait, se recroquevillant sur elle-même dans les draps.

  • C’est vrai que j’ai les meilleures notes, que je rends les travaux les plus intéressant, mais c’est parce que j’y travaille sans relâche ! N’importe qui d’autre serait le faire avec un peu de volonté ! Mais moi si j’y arrive, c’est juste parce que j’y suis obligé ! s’écria-t-elle alors que les larmes restaient bloqués. Il n’y a aucune mérite derrière…
  • Bien sûr que si ! Tu as du mérite, Nice ! Beaucoup !
  • C’est faux, je suis simplement… un robot ! Une espèce de machine qui ne sait faire qu’étudier et… si je traine la patte, si je ne garde pas une moyenne haute, qu’est-ce qu’ils diront ? Je redeviendrais l’enfant qui n’est pas à la hauteur et ça… je ne veux pas, se laissa-t-elle enfin aller dans des pleurs.

Kimi réfléchit longuement et ne sut comment la consoler.

  • Tu n’as jamais essayé de relâcher un peu la pression, le “niveau”, depuis ?
  • Non…
  • Tu devrais peut-être tenter le coup, tu ne peux pas savoir comment ils réagiraient. Et puis, c’est aussi pour ça que vous vous êtes disputés avec Selim, je me trompe ?

Les yeux tout rouges et bouffis, Nice releva légèrement le menton par fierté. C’est vrai qu’elle n’avait jamais osé tenter l’expérience, mais Kimi avait aussi raison. Du coin de l’œil, elle s’étonna de la voir lui tendre la main. Elle lui souriait chaleureusement. Alors qu’elle ne dit rien, elle eut l’impression de l’entendre lui souffler : “Prends-la”. C’est ce qu’elle fit, laissant son égo de côté. Ce faisant les faces, les deux filles étaient prêtes à entamer un nouveau chapitre. Nice lui expliqua en détail ce qui les avait poussé à se disputer.

  • Tu ne penses quand même pas qu’il t'a… Comment dire ? Tromper ?
  • Non, j’ai confiance en lui ! Vraiment, je… Enfin, même si j’étais jalouse de toi…
  • De moi ?! s'écria Kimi.
  • C’est parce qu’avec la danse, vous êtes devenus proches, avant même qu’on se mette ensemble… J’ai eu peur, qu’il se passe quelque chose. Je suis désolée d’avoir eu ces pensées, avoua-t-elle la tête baissée. Je me rends compte qu’il n’y a rien et qu’il ne prendrait pas le risque de sortir avec moi, si c’était pour me tromper, enfin je crois ?
  • Si je peux t’assurer quelque chose, c’est qu’il est fou de toi !
  • Merci, rougit-elle, mais j’ai peut-être tout gâché ? J’ai dit des choses que je ne pensais pas…
  • Comme quoi ? lui demanda Kimi.
  • J’ai laissé entendre qu’il n’était pas assez intelligent…
  • Et tu le penses ? s’étonna-t-elle.
  • Loin de là ! En fait, bien sûr il ne travaille pas autant que moi, mais…

Quelque chose l’empêchait de dire la suite de ces idées. Kimi l’en convainquit en serrant davantage sa main.

  • Ce n’est pas bien de penser ça, je le sais, souffla-t-elle, mais je l’envie tellement. Il ne se prend pas la tête, il est drôle, ouvert, c’est un garçon vraiment intéressant ! Si on le compare aux autres élèves, il étudie bien plus, mais de nous tous, il est celui qui prends le plus de distances avec l’étude et les travaux à réaliser… Il y va à son aise, et je ne pense pas qu’il risque quoi que ce soit à rendre des seize sur vingt, au lieu de dix-huit…
  • En fait, tu voudrais être un peu plus comme lui ? Non ?

Nice eut du mal à hocher de la tête, mais c’était vrai. Elle aurait tellement voulu pouvoir respirer un peu plus, s’éloigner des responsabilités ne serait-ce qu’un peu, sans paraître pour l’enfant indigne. Honteusement, elle accepta doucement l’idée qu’elle était jalouse de cette liberté dont il jouissait. Comment pouvait-elle lui communiquer ce sentiment sans qu’il ne le prenne mal ? Il devait lui en vouloir à mourir.

A contrario de ce qu’elle pouvait penser, Selim n’avait pas de rancœur à son égard, mais il s’était senti rabaissé.

  • Elle me prend pour un con !
  • Mais non, lui dit Loyd qui s’était installé à son bureau.
  • J’avoue que j’ai du mal à imaginer Nice se foutre de toi ou quoi, ajouta Sky qui se prélassait sur l’appui de fenêtre tout en jouant avec un bic entre ses doigts.
  • Mais non, pas dans ce sens-là ! Littéralement, je suis bête ! Elle devait vouloir un mec intelligent, comme toi Loyd, ou je ne sais pas…
  • Est-ce que tu es certain que c’est ce qu’elle souhaite ?
  • J’en sais rien ! s’énerva-t-il, mais il faut croire que je ne fais pas l’affaire, dit-il en se laissant tomber sur le lit. C’est vrai que je prends un peu l’école à la légère, mais j’ai quand même des bonnes notes… Tout ce que je voulais moi c’est qu’on se fasse une sortie avant que les examens commencent sérieusement…
  • Tu dois penser que pour elle les choses sérieuses ont sans doute déjà commencé. Est-ce que tu as tenté de comprendre pourquoi elle à ce besoin d’étudier plus ?
  • Je sais ! Je vais lui prouver que je peux avoir des notes de malade, moi aussi !

Loyd perdu tout espoir de le faire raisonner, tandis que Sky riait de bon cœur. Il n’avait rien compris aux envies de sa petite amie.

Le quiproquo traina en longueur, si bien qu’il lui annonça la nouvelle le lendemain à l’école. D’un air grave, il annonça devant tout ses amis, dont Faye et Alex qui avait rejoint les rangs comme si de rien était, qu’il la battrait.

Très embarrassée, Nice ne su quoi répondre devant le sérieux qu’il lui affichait.

  • Je vais tout faire pour avoir des meilleures notes que toi ! Et si ce n’est pas le cas, alors c’est que je ne te mérite pas, annonça-t-il.

Il avait vraiment dépassé les bornes cette fois. Elle ne tenta même pas de l’en dissuader, tellement elle se sentait déçue. Peut-être était-il vraiment bête ?

  • Fais ce que tu veux, répondit-elle d’un air las. Je dois étudier, de toute façon, ajouta-t-elle en brandissant ses livres.

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