La croisière ne s'amuse plus

17 minutes de lecture

Enfin! Mes premières vacances! Ça fait presque deux ans que j'ai fini mes études et que je travaille en continu. J'ai besoin de prendre quelques jours pour moi, loin de ma Belgique natale, de ma famille envahissantes et du boulot. Pour me déconnecter entièrement, et même si j'avais dit que ce n'est absolument pas le genre de voyage que je ferais, j'ai décidé de partir en croisière. Pas dans les Caraïbes ou en Méditerranée, mers déjà trop visitées et polluées. Pas en Arctic non plus, je n'ai pas envie d'aller me les geler et les ours polaires ont déjà vu trop de monde ainsi. J'ai donc décidé de prendre l'une de ces petites croisières un peu plus familiales et moins polluantes en mer de Norvège.

Quelques heures après avoir terminé au travail, je suis dans l'avion, direction Oslo, capitale de la Norvège. J'ai hâte. Mes parents nettement moins, comme s'ils craignaient qu'il m'arrive quelque chose. Ou que je leur manque de trop durant le mois où je serai à des milliers de kilomètres d'eux. Et six heures plus tard, je suis arrivée à mon hôtel pour passer une bonne nuit de sommeil avant de prendre la mer.

Le lendemain matin, je ferme ma valise dans la petite chambre de l'hôtel, direction le port où j'ai rendez-vous avec une vingtaine d'autres personnes pour partir en croisière et découvrir les merveilles des côtes norvégiennes jusqu'en Laponie et en revenir. Tranquille, paisible et sans pression. Je m'arrête devant la bibliothèque et cède à mon envie de découvrir comment mes collègues travaillent. Juste un petit tour ne va pas me tuer. Je dépose ma valise au poste de sécurité et m'en vais flâner dans les rayonnages. Une de mes collègues vient me trouver pour voir si elle peut m'aider. Je lui souris et lui explique ma situation, ce qui la fait rire. Ce n'est pas tous les jours qu'ils ont la visite d'une comparse curieuse. Elle se fait un plaisir de m'expliquer leur fonctionnement, jusqu'à ce que mon téléphone ne se mette à sonner. Il est temps pour moi de partir et de rejoindre le port. Je m'excuse poliment et lui promets de m'arrêter un peu plus longtemps à mon retour de croisière. On s'échange nos numéros, se promettant de garder le contact.

J'arrive au port pile au bon moment, découvrant le groupe de touristes qui commencent à monter sur le bateau. Je m'enregistre et rassure le capitaine qui commençait à s'inquiéter de mon absence alors que je lui avais dit que j'étais arrivée et que je devrais arriver à l'heure. Il m'excuse mon retard avec un sourire, me prend ma valise et me tend son bras pour me guider lui-même jusqu'à ma cabine.

Ce n'est pas très grand, juste l'espace pour un lit, une armoire surmontée d'un miroir et un minuscule bureau qui ressemble plus à la plaquette d'un siège dans un auditoire universitaire. Heureusement, j'ai une petite salle de bain privée. Vraiment toute petite. À peine un WC et un lavabo auquel on peut accrocher le pommeau de la douche. J'ai de la chance d'être seule, on n'aurait jamais tenu là-dedans à deux. Je défais ma valise et ressors pour savourer le départ. Quelques enfants, un cartable sur le dos, nous font signe de la main pendant que l'ancre est levée et que l'embarcation s'éloigne doucement du ponton. Je leur réponds d'un geste de la main en souriant, accompagnée par deux jeunes femmes rousses qui gloussent comme des gamines.

Quelques heures plus tard, mon regard se perd dans les paysages déchiquetés de la côte rocailleuse norvégienne. C'est magnifique. Les rares bâtiments ne sont pas très hauts, généralement colorés en blanc et semblent posés sur la grève. De gros rochers sortent de l'eau, promontoires narguant les flots par leur solidité et leur longévité. On atteint rapidement le Sud de la Norvège, passant par le Skagerrak, ce détroit séparant le Danemark et le reste des pays scandinaves, pour remonter le long des rivages de plus en plus sauvages. On avance vite et, au soir, Oslo est déjà bien loin à l'Est.

Avec la nuit, les températures descendent encore plus et me forcent à rentrer avant que je me transforme en glaçons sur le pont supérieur. Au moment où je rentre, je croise le capitaine qui me sourit et il m'annonce que le repas est prêt. Au menu: du cabillaud tout juste péché depuis le bateau avec une salade de pommes de terre et légumes de saison. C'est délicieux et c'est avec l'estomac bien rempli des déjà des dizaines de photos à trier et à envoyer à ma famille que je rejoints ma cabine pour une nuit de sommeil paisible.

Les jours qui suivent, le bateau continue sa lente course vers le nord avec quelques escales à Stavanger, Bergen, Florø et à Ãlesund afin de voir les glaciers et les fjords légendaires.

Je découvre avec plaisir les paysages qui ont inspiré "La Reine des Neiges" et le capitaine pousse le vice encore plus loin en nous diffusant pendant des heures la BO des films de Disney. Je rigole en voyant la tête que tire les autres passagers qui n'en peuvent plus. "Libérée, Délivrée", c'est bon une fois et encore. Cette chanson a l'art de rester en tête toute la sainte journée et de vous revenir en moins de temps qu'il n'en fait pour penser à un mot-clé des paroles. Cependant, là, c'est la cinquième fois qu'elle passe aujourd'hui et le capitaine la fait passer entre quatre et dix fois par jour.

C'est pourquoi je ne m'étonne même pas de voir monter dans la cabine un vieux couple qui rouspète sur tout à chaque instant pour faire comprendre à notre bon capitaine que la coupe glacée est pleine. Je souris d'autant plus en les voyant redescendre avec un air grognon pendant que la musique recommence encore une fois avec le volume doublé. J'échange un regard complice avec l'une des deux sœurs rousses qui avaient fait signe aux enfants en quittant le port avec moi.

Je m'entends bien avec la majorité des passagers, sauf avec le vieux couple de briseurs d'ambiance. Ils viennent toujours nous interrompre dès qu'on commence à parler un peu trop fort pour eux ou qu'on se montre un peu trop excités. Il ne nous a fallu que deux jours pour nous y faire et on se donne un malin plaisir à les tourmenter quand bon nous chante. Alors en voyant leur tête de six pieds de long avec une nouvelle fois la chanson "Je voudrais un bonhomme de neige", je ne résiste pas et l'entonne à tue-tête, accompagnée des deux sœurs et d'un jeune couple avec leurs enfants. On rit comme des tordus pendant qu'ils rentrent dans leur cabine en nous injuriant en espagnol. Tant pis pour eux. Cette croisière est vraiment bon-enfant et je ne compte pas les laisser ruiner mes premières vacances en deux ans.

On passe le cercle polaire quelques heures plus tard et, au milieu de la nuit, avons la chance de voir des aurores boréales. C'est un spectacle magnifique. Le vert, le bleu et l'or se mélangent parfaitement pour former les voiles, dernières traces d'une éruption solaire. Je reste éveillée, les yeux fixés sur le ciel étoilé depuis ma cabine. Je ne sais pas combien de temps je reste ainsi. C'est tellement passionnant.

BAM!

C'est quoi ce grand bruit? On ne va quand même pas rejouer "Titanic"! Je sors de ma cabine en passant mon manteau. La majorité des passagers sont aussi sortis, plus ou moins éveillés et habillés uniquement de leur pyjama. Seuls les deux vieux bougons sont restés dans leurs lits. Nous nous regardons et montons ensemble vers le pont supérieur.

Là, nous nous stoppons avec stupeur. Le capitaine et une grande partie de l'équipage sont attachés avec des cordes. Ils sont seuls et nous font des gestes comme ils le peuvent pour nous dire de fuir. Je me retourne pour rentrer mais nous sommes arrêtés par trois hommes armés. Merde! Des pirates? Ici, en mer de Norvège? Ça doit faire des siècles qu'il n'y en a plus eu. On fait quoi, maintenant? Mon cerveau carbure pour trouver une solution. Je regarde partout autour de moi et dénombre pas moins de vingt pirates qui nous entourent, leurs fusils pointés sur nous. Les sœurs se tiennent l'une à l'autre, des larmes plein les yeux.

On est mal barrés. Je comprends qu'il s'agit d'une prise d'otages. Certains pirates font le tour du bateau, dénichant les derniers passagers qui s'étaient caché un peu partout. Les vieux grincheux insultent passablement les hommes qui braquent leurs armes sur eux sans en tenir compte. Ils veulent se faire tuer ou quoi? À moins qu'ils ne veulent attirer l'attention sur eux pour nous permettre de partir sans nous faire remarquer... Cependant, je ne crois pas qu'ils se sacrifieraient pour nous, surtout après toutes les mauvaises blagues qu'on leur a fait.

Les vieux nous rejoignent dans l'amas qu'on forme, poussés violemment par deux hommes. La femme me tombe dans les bras et je l'aide à se relever. Elle me regarde avec un regard nouveau et me remercie. Son mari est tombé sur les sœurs qui ont valsé au sol. On les aide à se remettre sur pieds alors que les pirates nous hurlent dessus de nous rapprocher de l'équipage. Les passagers forment un cercle autour d'eux. Je me place tout derrière, près du bastingage et du capitaine. Lentement, je me baisse et détache les liens qui enserrent ses bras et qui l'empêchaient de parler. Il me remercie à demi-mot. Les femmes qui m'entourent font la même chose avec les autres sans se faire remarquer par les envahisseurs. Ceux-ci demandent à parler à ceux qui comprennent le vieux norois.

Le norois? Vraiment? La vieille langue des Scandinaves n'est plus vraiment parlée depuis la fin des expéditions vikings, la christianisation avant de recevoir le coup de grâce avec l'invasion russe. Par pur plaisir et par curiosité, j'ai appris plusieurs langues toute seule. Dont le norois. Cependant, je n'ai pas envie de me faire remarquer, surtout par des criminels. Malheureusement pour moi, certains de mes comparses savent que je la maitrise, ayant repris plusieurs fois l'un de nos guides qui ne semblait pas vraiment traduire la langue de ses ancêtres. Plusieurs regards coulent vers moi avec plus ou moins de discrétion. Pas assez discret que pour ne pas être remarqué par le chef des pirates. Il m'ordonne d'avancer vers eux et de ne pas faire de bêtises si je tiens à la vie. Ben tiens! Ça leur ferait une belle jambe si la seule personne qui possède ce qu'ils cherchent venait à les lâcher. Donc je ne m'avance pas et reste calmement avec les autres passagers.

« Allez la brune! Approche avant qu'on ne vienne te chercher par les cheveux!, énerve l'un des pirates

— Quelle brune?, demande faussement innocemment l'une des passagères brunes.

— Celle avec les yeux bleus. Et arrêtez vos conneries!, répond un autre criminel.

— Il va falloir être plus clair, je suis désolée. On est plusieurs sur ce bateau à être brune avec des yeux bleus, ricane la cuisinière qui pourrait se faire passer pour ma mère.

— Putain vous faites chier! Celle qui est derrière cette couille molle de capitaine. Approche ou je tire sur toutes les brunes de ce putain de bateau!»

Je ne veux pas que les autres se fassent blesser par ma faute et commence à avancer vers eux. Une main se pose sur ma cuisse, me retenant à ma place. Le capitaine n'a manifestement pas apprécié de se faire insulter et a décidé de jouer avec le feu. Les pirates n'ont pas encore remarqué que lui et ses hommes ont été détachés et qu'ils ne gardent leurs baillons que pour faire semblant et ne pas tous nous faire tuer. Mon cerveau carbure trop et je sens la fatigue prendre le pas sur la raison. J'ai envie que cette merde se finisse rapidement et qu'on puisse tous rejoindre notre lit rapidement. Mais les hommes qui nous font face ne sont pas de cet avis. Deux d'entre eux s'avancent droit vers moi, leurs armes pointées vers les autres passagers.

Soudain, tout se passe très vite. Les passagers qui faisaient barrière entre le capitaine et les pirates s'écartent d'un bon, laissant le passage libre pour les matelots qui courent vers nos assaillants pour les désarmer. Des coups de feu sont tirés, des poings volent à tout-va et du sang se repent sur le bois du pont. Je sens qu'on me force à me coucher au sol et qu'on m'y maintient avec un poids lourd et chaud. Puis ce poids m'est enlevé et je sens qu'on me tire par les cheveux pour me redresser. Je sens le froid contact du canon d'un fusil et m'immobilise. Tout le monde fait de même et regarde dans ma direction avec stupeur pour les derniers matelots encore debout et un sourire victorieux sur les visages des pirates. Le capitaine est le premier à se ressaisir et à tenter de voler à mon secours. Malheureusement pour lui, l'homme qui me tient est plus prompt que lui et l'abat froidement d'une balle dans le cœur. Je hurle et me fais éclabousser du sang qui s'échappe de la cage thoracique du vieux commandant qui me tombe dessus.

Je pleure à chaudes larmes, me débats contre la poigne dure du meurtrier qui ne me lâche pas, mais rien n'y fait. Je suis prisonnière de sa volonté. Je l'entends rire méchamment, le vois shooter dans le corps sans vie et remarque à peine que les derniers passagers en vie sur le bateau sont abattus un par un. Des hurlements retentissent, les cliquetis des fusils sont rapides. Puis il fait silencieux d'un seul coup. Je reste figée, glacée jusqu'au cœur, et remarque à peine l'haleine fétide du chef des assassins quand il me fait reporter la faute de ces meurtres parce que je ne me suis pas avancée assez rapidement. Je n'ai pas le temps de répliquer qu'un coup m'est porté à la tempe et que l'obscurité tombe sur moi comme une chape.

Je reviens à moi, ballottée entre deux parois dures et froides au rythme de la houle qui nous emporte. J'ouvre difficilement les yeux et les referme tout aussi vite, priant pour que le peu que j'en ai vu ne soit qu'un cauchemar. Malheureusement, c'est la réalité et les pirates qui ont tué tous les passagers et membres de l'équipage du bateau de croisière sont bien réveillés et attentifs. L'un d'eux remarque que je suis revenue à moi et me relève d'un coup, me balançant contre la coque de l'embarcation en bois. Je pousse un gémissement quand ma tête rencontre le mur, faisant grossir la bosse colossale qui garnissait déjà mon crâne après sa rencontre avec la crosse de l'arme qui m'avait assommée sur le navire de croisière. Je me redresse difficilement et rouvre mes paupières gonflées.

Il fait encore sombre mais l'aube ne tardera pas, illuminant vaguement l'horizon de vert. Je compte quinze autres personnes sur le pont. Où sont passé les cinq que j'avais compté sur l'autre navire? Faisant semblant d'être choquée par le sang qui me recouvre (en réalité, je suis réellement troublée par la vision d'horreur de mon manteau et mon pyjama couleur rouille après avoir absorbé le sang de mes comparses), j'écoute la conversation des pirates. Ils sont furieux. Rien ne s'est passé comme prévu, leur informateur s'est trompé et il n'y avait pas l'interprète qu'ils attendaient parmi les passagers de la croisière. En plus de cette avarie, ils ont perdu sept des leurs avec la rébellion de l'équipage. Je souris faiblement, mes compagnons ne sont pas morts pour rien, finalement, ils en ont emmené quelques-uns avec eux dans la mort. Cependant, ce n'est pas la joie macabre qui m'emplit, c'est la tristesse de ne pas avoir pu en sauver. La culpabilité du survivant me prend aux tripes dans une douleur que je ne connais déjà que trop bien.

Je me fais toute petite et songe un instant à me jeter à l'eau pour leur échapper. En y réfléchissant, ça serait stupide et je ne pourrais jamais me venger si je venais à mourir dans la mer gelée. Nous sommes trop au Nord que pour me risquer à la nage jusqu'au continent. Dans mon coin, les pirates m'oublient un moment et j'en profite pour finir l'état des lieux de mes blessures et de mon état général. Ce n'est guère brillant, surtout mentalement, mais j'ai connu pire. En-dehors de l'état de choc et du froid, je ne dois déplorer que la grosse bosse sur la tempe et quelques côtes fêlées causées par mes rencontres avec la coque du bateau. Je sens un peu de sang couler au niveau des coudes et des genoux sans gravité.

Quelques heures plus trad, le soleil brille haut dans le ciel de printemps et les pirates attendent quelque chose. Quoi? Je n'en sais rien. Mais je sens que j'ai un rôle à jouer dans cette histoire. Plus les heures passent, plus j'ai faim, soif et froid. Je suis aussi fatiguée mais je ne veux pas prendre le risque de m'endormir maintenant, je crains trop ce qu'ils pourraient me faire. Enfin, alors que le soleil est à son zénith, une autre embarcation s'approche de la nôtre. À son bord, il n'y a qu'une femme que je ne parviens pas à voir clairement. Mes kidnappeurs me bouchent la vue et je ne parviens à voir qu'une chevelure brune aux reflets roux. Elle parle norvégien, leur donne fièrement quelque chose et repart tout aussi vite qu'elle est arrivée. Je ne comprends pas pourquoi ils cherchaient quelqu'un qui parle et lit le vieux norois. Est-ce que ça a à voir avec l'objet qu'elle vient de leur donner?

Pour avoir des réponses à mes questions, il faut que j'attende le début de soirée. L'un des pirates, sans doute le plus jeune d'entre eux, s'approche de moi avec un verre et une grande cruche d'eau. Il me donne le gobelet et je me jette dessus comme l'assoiffée que je suis. Il rit doucement et me resserre. Une fois. Deux fois. Cinq fois au total. Ça fait tellement de bien de ne plus avoir la bouche pâteuse et l'estomac remplis, même si ce n'est que du liquide. Il me tend ensuite une couverture et je le remercie d'un mouvement de tête. Enfin quelqu'un de gentil. Enfin... J'espère... Il me sourit et s'éloigne de moi sans un regard en arrière. On n'a pas échangé un seul mot mais il m'a fait plus de bien que ce que je n'ai eu en vingt-quatre heures.

Mille-huit-cent crocodiles plus tard, le chef des pirates s'approche de moi et m'ordonne de me lever et de le suivre. Je n'ai d'autre choix que de le suivre. J'ai les jambes engourdies d'être resté prostrée sur le pont gelé. Pourtant, je m'arrange pour ne pas me faire distancer et agrandis mon enjambée pour suivre le capitaine jusqu'à l'échelle pour descendre au pont inférieur. Une fois dans l'espace sombre et chaud, je me tends encore plus au lieu de me détendre en sentant la chaleur m'envelopper. Une dizaine d'hommes m'entourent et certains pointent leur arme vers moi, ce qui ne me rassure absolument pas.

«Alors, princesse? On ne fait plus la fière, hein?

— Fous-lui la paix, Hans. C'est pas cool ce qu'elle a vécu aujourd'hui. Aucun d'entre vous ne lui a donné de coup de main ou ne lui a même donné un verre d'eau.

— Oh! Comme c'est mignon! Le petit Vlad fait son petit gentil.

— Hans! Vlad! Ça suffit! On arrête les conneries. J'admets qu'on n'a pas été sympa avec la p'tite demoiselle, mais on s'en fout. On a autre chose à faire que de palabrer. Alors la p'tite va nous dire ce qui est écrit sur ce parchemin. Bien gentiment si elle ne veut pas finir comme ses p'tits camarades.»

Comment foutre la tension en une seconde? Je prends un profonde respiration et regarde le dénommé Vlad qui hoche la tête et me sourit pour me donner du courage. Je prends le vieux parchemin posé sur la table branlante et l'ouvre avec précaution. Il a l'air de dater d'une autre époque et j'ai peur qu'il ne se décompose entre mes doigts. J'y devine plus que je n'y lis des caractères runiques. J'étale le précieux document sur la table et suis les traits de charbon, me remémorant mon dictionnaire de norois que j'avais trouvé dans la réserve de la bibliothèque. Je commence à y lire l'histoire d'un ancien chef de village mais avant que je ne puisse comprendre vraiment ce que je lis, le bateau est secoué dans tous les sens et se brise à l'avant. Tous les hommes tentent de remonter en même temps vers le pont supérieur alors que l'eau envahit la cabine. Vlad me prend par la main et passe par la poupe pour me faire remonter vers la surface.

Une fois en haut, je vois l'iceberg qu'on a percuté. Autant je disais ça pour rire quand les pirates nous ont abordés, autant cette fois c'est pour de vrai. Je commence à paniquer. On est perdu au milieu de nulle part, au milieu de l'océan arctique où la température de l'eau doit être à approximativement à deux degré. Autant garder la tête hors de l'eau, au sec pour le moins. Vlad me met un gilet de sauvetage fabriqué à partir de bois sec et d'une vieille chambre à air de vélo. Génial. Ma survie dépend d'un morceau de bricolage qui tient à peine en un seul bout.

Puis la proue se casse et se sépare de la poupe et le bateau tombe en miettes. Je sens que "Titanic", même si certains pensent qu'il ne s'agit que d'un film, il y a du vrai dedans, comme l'histoire du cuistot complètement ivre qui a survécu en gardant la tête au sec et au chaud avec les vapeurs de l'alcool. Je regrette de ne pas en avoir avec moi, pour une fois que ça m'aurait été utile... Je m'accroche à la barrière de la poupe et la contourne pour faire face à l'eau bouillonnante. J'ai peur mais je dois y arriver si je veux survivre. J'attends que la surface ne soit qu'à deux mètres de mes pieds et saute vers une planche que j'ai repérée avec les dernières lueurs du jour.

Je ne sais pas comment, mais j'y suis arrivée. La planche me permet de rester à flots et de ne pas me noyer directement, même si je sais que je suis loin d'être sauvée. Sans moyens de communication ou une île sur laquelle m'échouer, je n'irai pas très loin. Je tente le tout pour le tout, le parchemin que j'ai pris au dernier moment pour le cacher dans une bouteille coincé contre ma poitrine. Au loin, j'entends les pirates s'appeler et hurler de rage. Je sens qu'il y en a un qui va passer un sale quart d'heure. Je m'éloigne le plus discrètement possible d'eux, vers les derniers rayons de soleil, avant de sombrer dans les bras accueillants de Morphée.

Quand je reviens à moi, je suis sur une plage de galets. Je sens la bouteille contre moi et mon gilet de sauvetage bricolé m'a finalement sauvé la vie. Où est-ce que je suis arrivée?

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