Jean

Comme d'habitude, la rentrée se fait dans un gigantesque bordel. Les étudiants cherchent leurs camarades de classe, des visages familiers ou encore leur classe. On me remarque dès que ma voiture arrive sur le parking de l'Université Paul-Valéry-Montpellier. La blonde qui se colle à moi n'arrange rien, ni mon physique plus qu'avantageux. Dans les couloirs, on me salue d'un mouvement de tête ou d'un coup sur l'épaule, marmonnant mon nom ou mon surnom ou des encouragements alors que la saison de football n'a pas encore commencé.

- Dis Jean, on n'aurait pas pu aller chez toi à la place de venir dès le premier jour?

- Loreen, c'est notre premier jour de notre master. On ne va pas commencer à sécher dès le premier jour.

- Pff... Tu n'es même pas drôle. Bon, je vois les filles. On se retrouve à la cafétéria à midi.

Elle me colle un baiser sonore et creux sur la bouche et file rejoindre ses amies pendant que je repère ma propre bande et la rejoints. On parle des derniers résultats des matchs de foot du week-end et de la viande fraiche qui vient de débarquer en ville pour la rentrée. Les gars ne pensent qu'à faire la fête, à boire, à fumer certains, et à baiser le maximum de filles avant les vacances de la Toussaint. Je suis déjà las de cette agitation. Il me faut un challenge, un divertissement pour ne pas replonger dans la merde dans laquelle j'étais à la fin de l'année dernière.

En rejoignant l'auditoire où je dois suivre mon premier cours d'anglais de l'année, je bouscule sans le vouloir une petite chose brune à lunettes qui tombe à la renverse. Elle le fait exprès ou quoi? Tomber à terre après juste un petit coup dans le bras? Elle doit avoir la force d'une mouche. C'est alors qu'elle relève la tête pour me foudroyer de son regard bleu glacier. Mon cerveau disjoncte et ma bite se réveille d'un bond. Son petit visage est juste parfait et ses yeux me rendent dingue. Je m'imagine déjà la plaquer contre le mur en plongeant ma langue dans sa petite bouche faite pour sucer.

- Ne t'excuse surtout pas. Et ne m'aide pas à me relever, espèce de con.

Son accent me fait bander encore plus fort et mon cerveau ne redémarre toujours pas. Elle se relève, souffle sur une de ses mèches qui est tombée sur son visage et entre dans l'auditoire. Je pense que je viens de trouver ma distraction. Une image de Loreen s'impose dans mon esprit, mais je m'en fiche, je ne suis avec elle que parce que ça plait à ma mère et que c'est une relation facile. J'ai besoin de nouveauté et cette fille sera parfaite pour ça.

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Keana

Non mais c'est qui ce connard? Il me pousse à terre sans s'excuser et il ne m'aide même pas à me relever. Je lui dis ma façon de penser et entre dans l'auditoire où le prof commence à se préparer pour donner cours. Je me présente à lui comme me l'a conseillé la secrétaire de département et lui propose de lui donner un coup de main s'il le souhaite pour ses cours comme assistante. Il me demande des références que je n'ai pas, mais je parviens à me sauver en lui apprenant que je suis l'Erasmus de Cambridge et que je suis anglaise. Puis je vais m'asseoir vers le milieu de l'auditoire en faisant à peine attention aux autres qui m'entourent. Puis le cours commence et je me plonge dans mon syllabus.

À la fin du cours, le prof me demande de rester quelques minutes de plus pour me proposer de devenir son assistante dont il aura bien besoin pour organiser les travaux pour les élèves. En sortant, je remarque que l'idiot qui m'a fait tomber deux heures plus tôt se tient appuyé sur le mur qui fait face à la porte de l'auditoire. Je soulève un sourcil et me dirige vers la bibliothèque la plus proche où j'ai rendez-vous avec l'une des bibliothécaires pour récupérer les derniers ouvrages pour mes cours ainsi que quelques méthodes de français pour me perfectionner dans la langue de Molière. Elle est d'une gentillesse incroyable, sort à peine des études et me propose d'aller boire un verre dans la semaine pour aller découvrir la ville avec elle, ce que je m'empresse d'accepter.

En sortant de la bibliothèque pour aller manger, je croise à nouveau ce mec. Il me suit? J'ose espérer que non sinon ça serait vachement glauque. Je me prends un sandwich au poulet avec une bouteille d'eau et vais m'installer à une table près d'une fenêtre. À ce moment-là, une troupe de filles arrive et s'installe à la même place que moi. J'ai envie de partir mais zut à la fin! J'étais là la première! Donc je reste. Les filles sont bientôt rejointes par un bande de garçons tous plus musclés et bronzés les uns que les autres. Et lui. Encore. Je prends une profonde respiration pour me calmer et finis rapidement mon repas. Au moment où je pars, l'une des filles, la plus blonde et la plus maquillée du groupe m'interpelle.

- On ne t'a jamais vue, toi! T'es qui?

- Qui ça? Moi? Keana. Je suis en Erasmus ici pour l'année. Pourquoi? Ça pose un problème?

- Non, au contraire. Désolée si je t'ai parue grossière, ce n'était pas mon intention. Je voulais te proposer de te joindre à nous, ce soir pour la première soirée de l'année.

- C'est gentil, merci, mais ça ne va pas être possible. On ne se connait même pas et vous voulez m'inviter à aller boire? Ça sera sans moi. Merci quand même.

Et sans un mot de plus, je m'éloigne rapidement en direction de mon prochain cours. Évidemment, il faut que ce même groupe soit presqu'au complet pour le suivre et qu'ils s'installent tous près de moi, comme si je faisais partie de leur cercle. En écoutant un peu leur conversation, je comprends que la fille qui m'a interpellée s'appelle Loreen et qu'elle sort avec le mec qui m'a bousculée ce matin, un certain Jean qui ne semble pas très attiré par sa copine qui lui grimpe littéralement sur les genoux pour suivre le cours. Ça va être une très longue année si je n'arrive pas à me détendre un peu et à créer des amitiés comme mon stupide frère me l'a encore répété hier soir. En fin de séance, alors que je m'apprête à rentrer chez moi, Loreen me rattrape en courant et me propose à nouveau de sortir avec eux ce soir. J'hésite un peu avant d'accepter. Après tout, on ne vit qu'une seule fois et il faut en profiter, non? Toute contente, elle me dit de les rejoindre devant la paroisse étudiante Sainte Bernadette à vingt heures pour aller manger tous ensemble avant de nous rendre à cette fête. J'espère que je ne vais pas regretter ma décision demain et me jure de ne pas boire plus de trois verres.