12. Le profiteur des intempéries

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Malcolm

J’y vais fort, là, avec tellement de vigueur que le bureau bouge et vient frapper le mur contre lequel il est installé. J’ai mes mains sur ses hanches et je ne retiens pas mes coups de reins. Ce qui est étrange, c’est que ça m’a l’air différent de d’habitude. Et les gémissements plus aigus. Mais… Oh oui, c’est Jade qui est là entre mes bras, contre mon torse. Mais toujours ce bruit sourd qui continue et m’empêche de poursuivre mon rêve. J’ouvre les yeux et il me faut un moment pour retrouver mes esprits. La première chose dont je me rends compte, c’est que Jade est lovée contre moi. Son dos est contre mon torse et mes bras l’entourent dans une sage étreinte à peine perturbée par mon érection que je ne peux maîtriser suite au songe que je viens de faire. Il était bien agréable ce rêve où Jade a pris la place de Marco lors de la nuit qu’il a passée avec moi. Entre la proximité de nos corps, nos discussions sur les livres interdits et les émotions qu’elle fait naître chez moi, pas étonnant que mon rêve n’ait pas été sage.

Je profite un instant de ce moment et écoute la respiration tranquille de la Doc. Je la trouve très mignonne et me demande comment je vais faire pour la réveiller sans passer pour un pervers au vu de la barre qui se situe entre mes jambes. J’essaie de dégager le bras qui est passé sous sa tête, mais cela ne fonctionne pas. Au contraire, elle bouge et j’ai l’impression qu’elle colle encore plus ses fesses contre mon érection avant de s’étirer, féline.

— Bonjour, belle endormie. Toi aussi, tu t’es assoupie ?

— Il semblerait… Faut croire que tu devenais ennuyeux, sourit-elle. Pardon, je me suis un peu étalée.

Elle ne bouge cependant pas et semble contente de rester là comme ça. Je suis moi, gêné et essaie de m’écarter un peu pour qu’elle ressente moins mon érection contre ses fesses.

— Je me demande quelle est la porte qui claque comme ça. C’est ce bruit sourd qui m’a réveillé, moi. Sinon, je crois que je serais toujours dans les bras de Morphée.

— Eh bien, qu’est-ce que tu faisais, avec Morphée ? Pas de la cuisine en tout cas, j’imagine !

— Ah non, pas la cuisine, ça c’est sûr ! rétorqué-je en me dégageant et en me relevant. Ça s'est calmé, tu viens voir avec moi les dégâts ? J’espère qu’il n’y en a pas trop.

— Je te suis, oui, soupire-t-elle en se levant à son tour avant de s’étirer.

— Et n’oublie pas que si on croise du monde, il faut qu’on reprenne nos distances. Comme si on ne se connaissait pas… C’est le retour à la réalité, la fin de cette parenthèse bien agréable. On va de nouveau devoir se cacher. T’en sens-tu capable ? demandé-je en improvisant un petit poème.

— Evidemment, pour qui tu me prends ? rit-elle. Et n’oublie pas notre deal, le poète.

— Je ne l’oublie pas, aucun risque que cette journée avec toi sorte de ma mémoire, je peux te l’assurer.

— Je sais, je suis une personne inoubliable, que veux-tu !

Nous remontons l’escalier l’un derrière l’autre et je constate avec soulagement que mes protections ont tenu. Il y a juste un carreau de cassé au rez-de-chaussée, ce qui explique le courant d’air et la porte battante. Toute la bibliothèque a bien résisté et quand nous montons voir à l’étage, tout est aussi en ordre.

— Ici, au moins, tout a bien résisté. Espérons que ce soit pareil à l’extérieur, indiqué-je alors qu’elle ne me quitte pas d’une semelle.

— J’espère que le cabinet n’est pas endommagé… C’est cool que les livres soient indemnes, en tout cas.

Lorsque nous sortons, nous nous arrêtons immédiatement, saisis d’effroi devant la vue que nous offre la rue principale. De nombreux arbres ont été arrachés, il y a des morceaux de tôle un peu partout. Des pierres étalées par terre. La tempête a laissé des traces et c’est un vrai spectacle de désolation qui s’étale devant nous. Pour l’instant, nous sommes seuls et je me retourne vers Jade qui a l’air aussi horrifiée que moi.

— On a bien fait de se réfugier au sous-sol. Ton cabinet a l’air d’avoir résisté aussi…

— C’est fou… On se croirait au beau milieu d’un village abandonné. Je vais aller chercher du matériel, au cas où il aurait des blessés, et faire le tour des quartiers.

Je n’ai pas le temps de répondre qu’une petite voiturette du Conseil arrive à l’angle de la rue. C’est Marco qui est assis à l’avant et il a un haut parleur. Pour l’instant, je n’arrive pas à comprendre ce qu’il dit mais il semble déterminé à faire passer son message à tout le monde. Instinctivement, je m’éloigne un peu de Jade et nous le regardons manœuvrer entre les décombres, un peu incrédules de le voir faire sa route sans se préoccuper vraiment des dégâts autour de lui.

Lorsqu’il arrive à notre hauteur, il me fait un signe amical de la main avant de vite reprendre son haut-parleur. Et là, je reste bouche bée quand je comprends les messages qu’il énonce d’une voix claire et autoritaire.

— Le Conseil rappelle à tous qu’il est interdit de laisser des détritus par terre. Toute personne qui ne les ramassera pas se verra infliger une amende forfaitaire. N’oubliez pas le tri. Tout mauvais recyclage sera lui aussi sanctionné.

Recycler ? Mais c’est quoi ce message ? C’est ça l’information cruciale que veut nous partager le Conseil ? Ils sont fous, ou quoi ? Et le pire, c’est qu’il continue, le con.

— Le Conseil rappelle à tous qu’il est important de préserver les bâtiments et de faire les réparations nécessaires afin d’éviter toute perte d’énergie et toute consommation inappropriée. La sanction pour tout contrevenant sera importante.

Heureusement qu’il s’éloigne et qu’on ne peut plus saisir ce qu’il dit car je ne pensais pas qu’ils pouvaient sortir de telles âneries ! Nous échangeons un regard avec Jade avant d’éclater de rire.

— Tu te rends compte de ce qu’ils nous sortent ? On vient de subir une tempête comme rarement et il faut recycler nos déchets ? C’est du grand n’importe quoi ! m’emporté-je.

— Qu’est-ce que tu veux… Leur logique n’est pas la nôtre, apparemment. Mais c’est quand même drôlement le bordel. Pourquoi tout le monde n’a pas rentré ses poubelles, sérieusement ? Quelle idée…

— Parce que le dimanche, c’est le jour où il faut les sortir. Si tu ne le fais pas, tu risques une amende du Conseil ! Tout, ils contrôlent tout et nous, on fait les moutons. Recycler… Pff… Tu verras qu’ils ne vont pas sortir un sou pour les réparations !

— Pourquoi est-ce qu’ils le feraient, voyons ? On n’avait qu’à mieux sécuriser nos toits, grimace-t-elle en tirant sur une tôle pour l’éloigner du chemin. Mieux réfléchir à comment garder nos poubelles debout, mieux… On ne peut pas être des moutons, Malcolm, puisqu’on doit réfléchir par nous-même. Non ?

— Ouais, je crois surtout qu’ils cherchent à nous coller des amendes pour qu’on soit obligés de les rembourser en allant travailler pour réparer le bâtiment du Conseil dès que possible. Ils ont besoin de travaux d’intérêt général pour leurs travaux particuliers, si tu veux mon avis…

— J’ai hâte de me prendre une amende parce que je soignerai les gens plutôt que de ramasser la merde des autres, tiens. Ils vont m’entendre chanter.

— Tu crois que je peux venir t’aider ? Cela m’évitera d’aller moi aussi jouer au réparateur. Et puis, tu vas avoir besoin de soutien, je pense.

— Je ne dis jamais non à un coup de main. Qui sait, on se retrouvera peut-être aux réparations dans leur château ensemble, sourit Jade.

— De toute façon, avec mon attelle, je pense que je vais échapper aux travaux forcés, je vais pouvoir t’épauler. On va voir à ton cabinet pour récupérer ton matériel ou tu n’en as pas besoin ?

— On y passe, il faut que je récupère des bandages et des pansements, au cas où, mais je pense que tout le monde était à l’abri. J’espère, surtout, me répond-elle en se dirigeant vers le bâtiment.

— Attention ! crié-je en la retenant par le bras avant qu’elle ne se prenne les pieds dans des morceaux de plâtre au sol. Fais attention où tu marches, il y a des débris partout ! Et taper dans les ordures, ça mérite une amende, je suis sûr ! dis-je, amusé.

— Merci… On aurait été malins, toi avec un poignet en moins, moi avec une cheville estropiée, pour aider les autres. Tu aurais pu te faire mal, en plus, tu aurais dû me laisser m’étaler et te taper un fou-rire.

— Je suis là pour t’aider, pas pour me moquer ! Si je veux mériter mon titre de meilleur assistant du monde, il y a du travail !

— Du monde, rien que ça ? Tu risquerais de prendre le melon, se moque-t-elle en ouvrant la porte.

Elle fait rapidement le tour du propriétaire avant de revenir, satisfaite, une trousse médicale dans une main et deux morceaux d’étoffe verts dans l’autre.

— C’est quoi, ce truc ? Tu veux qu’on rejoigne la Croix Verte ?

— Ben, ça sera une excuse pour travailler ensemble. L’équipe de secours inter-sexe. Tu verras, c’est magique, tu mets ça autour du bras et tout le monde croira qu’on est en mission dirigée par le Conseil, rit-elle.

— Tu es vraiment une maligne, toi ! Mais il va falloir que tu me le noues autour du bras, avec une main, c’est un peu compliqué.

— Heureusement que je n’ai pas coupé le bras, ça aurait été encore plus galère, me taquine-t-elle en glissant le tissu autour de mon biceps.

J’apprécie ce simple contact un peu trop à mon goût, mais ça n’a pas l’air de la déranger plus que ça. Elle me tend un sac avec plein de matériel dedans et nous sortons ensemble à la recherche d’éventuelles victimes. Je ne sais pas si je vais vraiment pouvoir l’aider mais en réalité, ce n’est pas le plus important. Ce que je veux, c’est rester avec elle et encore profiter de cette tempête pour passer du temps en sa compagnie. C’est normal d’abuser, non ?

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