38. Devine qui vient te branler ce soir ?
Malcolm
Je relis l’ouvrage que j’ai dérobé dans la réserve interdite lorsque Marco m’a donné son code. J’ai déjà parcouru le livre des dizaines de fois mais je n’arrive toujours pas à percer le mystère dont l’auteur parle de manière si confuse et si indirecte que je reste dans le flou le plus total. J’en viens même à me demander s’il n’est pas écrit dans un code indéchiffrable, cet ouvrage tellement il reste mystérieux. Je me lève et me prends un verre d’eau avant de retourner à mon fauteuil. Je n’ai pas l’habitude de rester chez moi à ne rien faire. Je crois que depuis que je suis en âge de penser, c’est la première fois que la bibliothèque est fermée. Depuis toujours, ça a été mon havre de paix, mon repère. Là, je suis un peu perdu. Et ce n’est pas relire le livre une énième fois qui va vraiment combler ce manque que je ressens dans ma vie.
En même temps, qui est-ce que j’essaie de tromper avec ces idées. Parce que si manque il y a, ce n’est pas de mon travail, non. Le manque, c’est celui que je ressens quand je pense à Jade, si proche et si inatteignable. Depuis la nuit au Moulin, je ne l’ai pas revue. Elle a dû aller à son travail mais comme je n’ai rien à faire au centre du village, je ne m’y suis pas rendu. Pas envie qu’on me repère. Et donc, je m’ennuie chez moi. Je m’ennuie alors que j’ai plein de choses à faire pour le Conseil .Je m’ennuie alors que je pourrais être en train de vivre la belle vie avec cette jolie femme qui sait si bien me rendre fou.
Je me dirige vers mes petites plantes sur mon balcon. Cette année, j’ai décidé de faire pousser des tournesols. Pas sûr que ça fonctionne, mais les regarder grandir, ça devrait m’occuper les prochains mois, non ? Je me mets au ras du sol pour voir si elles poussent, mais non, rien ne bouge. Je deviens fou à ne rien faire entre mes quatre murs… à tourner en rond sans but. On m’a retiré mon travail et éloigné de mon amour, il y a de quoi déprimer, non ?
En sortant de la petite douche que j’ai prise pour passer cinq minutes, j’ai la surprise d’entendre qu’on frappe à ma porte. Immédiatement, j’ai le fol espoir que c’est Jade qui, par je ne sais quel moyen, a réussi à venir me retrouver et, sans prendre la peine de me recouvrir d’autre chose que de ma serviette, je fonce lui ouvrir la porte. Et là, je me retrouve bien face à quelqu’un avec qui j’ai déjà fait l’amour, mais il est un peu trop barbu pour être ma jolie chérie.
— Christopher ? Mais qu’est-ce que tu fais là ? Tu es seul ? Marc n’est pas là avec toi ?
— Je peux entrer ? soupire-t-il en massant sa nuque. Je… on s’est disputés, en fait.
— Euh, oui, vas-y, entre. De toute façon, ce n’est pas comme si tu me dérangeais… Je t’offre un café ?
— Je veux bien, merci. Marc m’a tapé une crise parce que… enfin… disons que je me suis fait réprimander par les gardes, quoi, marmonne-t-il en s’asseyant sur le canapé.
Je jette un oeil curieux vers lui mais me retiens de poser des questions. Je le connais bien, si je le brusque, il va se refermer comme une huitre et je ne saurai jamais rien. Il était comme ça quand on se fréquentait. Je me contente de lui faire chauffer un café et de lui amener une tasse. Quand je vois son regard se poser sur mon torse nu, je réalise que je ne me suis toujours pas habillé.
— Ça te fait du bien ? demandé-je en pensant au café.
— Non, je m’en fous, je… c’était juste une distraction, bordel ! Attends… de quoi tu parles ?
— Je parlais du café, mais je pense que je commence à comprendre. Tu t’es fait piquer avec des livres interdits, c’est ça ?
— Ouais, soupire-t-il sans oser croiser mon regard. A la maison c’est l’enfer, c’était… Franchement, ces bouquins m’apportaient plus d’excitation que mon mec. Marc est insupportable et totalement fermé, j’en ai ma claque, moi.
— Tu ne crois pas que c’est à cause de la période d’ajustement suite à l’arrivée du bébé ? Vous vous aimez, non ?
— Marc ne vit plus que pour le petit, et j’ai à peine le droit de m’en approcher. Une vraie mère poule, c’est… insupportable, râle-t-il. J’en viens à me demander ce que je fous avec lui.
Je n’ai pas le temps de répondre qu’on frappe à nouveau à ma porte. Moi qui pensais que j’allais m’ennuyer toute la soirée, j’ai un succès fou. Et ce coup-ci, j’espère vraiment que ce n’est pas Jade. Christophe serait capable de lui sauter dessus vu son état. Je me lève et ouvre la porte pour tomber sur un Marco qui se ramène, un bouquet de fleurs des champs à la main.
— Marco ? Tu fais quoi là ? J’ai oublié un rendez-vous ?
— J’ai finalement pu me libérer, je voulais te faire une surprise, mais… apparemment, j’arrive trop tard.
Il vient d’apercevoir Christopher derrière moi et c’est vrai que je suis en train de rajuster ma serviette qui ne fait que glisser. L’image est trompeuse, je pense.
— Trop tard ? Pourquoi tu dis ça ?
— Tu me poses vraiment la question ? Tu m’as l’air déjà bien occupé. Je vous souhaite une bonne soirée, alors.
Je n’ai pas le temps de répondre qu’il se retourne et s’éloigne en prenant les escaliers pour s’enfuir au plus vite, son petit bouquet à la main. J’hésite entre le plaindre de se faire des idées comme ça sur Christopher et moi et sur le soulagement que j’ai à ne pas avoir à payer ma dette en couchant avec lui. Je referme la porte et soupire.
— Je vais aller m’habiller un peu, sinon toute l’île va penser qu’on s’est remis ensemble. Tu m’attends ici ?
— Ça ferait peut-être réagir Marc, en fait, sourit-il, un sourcil levé. T’es sûr de vouloir t’habiller ?
— Je pensais que c’était les filles qui t’excitaient maintenant ? Tu sais bien que toi et moi, c’est un peu du passé et qu’il vaut mieux ne pas replonger alors que tu as refait ta vie. Tu es papa, maintenant, ça compte, quand même !
— Je suis père, pas marié. Et il n’appartient qu’à nous de raviver le passé, non ?
Il joint le geste à la parole et retire son tee-shirt pour dévoiler son magnifique torse bien musclé. Je me souviens comme c’était agréable de le caresser, mais là, mon corps ne réagit pas. Je crois bien que les livres interdits ont eu plus d’influence sur moi que sur lui.
— Chris, tu n’es pas marié, mais tu es un mec fidèle. Cela ne te ressemble pas de faire ça. Je suis désolé si je t’ai donné des idées parce que je sortais de la douche, mais toi et moi, ça ne serait pas sérieux de recommencer. Pas maintenant que tu as un bébé.
Il ne s’est cependant pas arrêté pendant mon petit speech et le voilà nu comme un ver, devant moi. Son sexe est bandé et, une nouvelle fois, je me souviens de tout le plaisir que j’ai pris à le caresser, à le sentir en moi. C’était vraiment agréable mais là, tout de suite, je ne ressens aucune envie.
— On fait tous des choses qui ne nous ressemblent pas, parfois. C’est quand même agréable d’éteindre son cerveau et de profiter un peu de la vie de temps en temps, non ? Je ne te demande rien d’autre que du plaisir. J’ai envie de toi, je veux juste que tu me prennes, me lance-t-il avant de tirer sur ma serviette.
A ma grande surprise, mon sexe est lui aussi déjà bien bandé et j’hésite un instant avant de réaliser que ce n’est pas la main de mon ex que j’ai envie de sentir sur ma virilité, mais bien celle de Jade. C’est elle que j’ai imaginée dire qu’elle voulait que je la prenne. Je repousse gentiment le bras de Christophe qui s’était mis à me masturber.
— Arrête Chris. Tu es en train de faire une grosse connerie, là. Ce n’est pas avec moi qu’il faut que tu te laisses aller, c’est avec Marc. C’est lui, ton partenaire. C’est avec lui que tu vis. C’est lui que tu aimes et c’est lui que tu dois reconquérir, pas moi. Je te conseille de retourner le voir et de lui sauter dessus dès que tu arrives. Tu verras qu’il ne va pas te repousser. Prends l’initiative et tu verras qu’avec lui, tu pourras profiter de la vie.
— Donc, tu me rejettes, vraiment ? Je… Bordel, Malcolm, tu t’en fous de Marc, non ? Si moi j’en ai envie, c’est mon problème, pas le tien ! Pourquoi ?
— Parce que c’est ce qu’il faut faire. Franchement, tu crois que c’est facile pour moi de te rejeter ? Tu vois comme je bande en te regardant ? Je suis sûr que ça fait longtemps que tu n’as pas fait le même show à ton mec. Tu lui fais ça, je te jure qu’il va te sauter dessus. Tu es vraiment un beau mec ! Et ce sera beaucoup plus satisfaisant de le faire avec lui qu’avec moi, tu ne crois pas ? Essaie au moins. Et si tu n’es toujours pas satisfait, tu sais où me trouver…
— J’y crois pas, marmonne-t-il en se rhabillant, le visage crispé. T’es bibliothécaire, pas un foutu psychologue, Malcolm. Tu ne sais rien de ce que je vis chez moi, alors tu peux te garder tes conseils à la con.
— Tu me remercieras plus tard, Chris. Je te promets que c’est ça qu’il faut faire. Alors, si ça peut t’aider, énerve-toi contre moi, mais va voir ton mec. Marc mérite que tu fasses l’effort. Votre petit bébé aussi.
— C’est ça, bougonne l’intéressé en me lançant un regard mauvais. Bonne branlette, lâcheur. Tu devrais peut-être rappeler ton petit garde, y en aura au moins un de nous deux qui baisera ce soir.
Il sort en claquant la porte derrière lui. Je suis un peu surpris de la façon dont il m’a parlé, bien loin du garçon sympa que je connais d’habitude. Ça doit vraiment aller mal avec son mec, je m’en veux un peu de l’avoir laissé ainsi partir. Mais en même temps, je suis soulagé. Même si mon corps a réagi mécaniquement à la stimulation qu’il a rencontrée, mon cœur n’a pas du tout suivi. Je n’ai rien ressenti devant ce sexe dressé, rien en tous cas de comparable à ce que je vis quand je suis avec Jade. Je crois que le combat pour Chris avec moi est perdu d’avance. J’ai franchi la ligne rouge, j’ai découvert la réalité au-delà des livres et le plaisir que l’on peut éprouver quand un homme et une femme s’aiment et s’entraînent vers le firmament de l’extase. Plus rien ne pourra me faire revenir vers les hommes, aussi attirants soient-ils.
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