Chapitre 1
Avez-vous déjà vu un de ces films où les héros sont bloqués, enfermés dans un endroit coupé du monde civilisé, avec un tueur dont, bien sûr, on ignore l’identité jusqu’à la fin ?
J’ai vécu ce genre d’expérience. En vrai.
Je m’appelle Simon. Cette histoire est arrivée l’année passée, vers le mois de décembre. Je venais de me faire jeter par Stella, une fille dont j’étais complètement dingue. Sans rentrer dans les détails, elle trouvait que je m’investissais un peu trop dans notre relation. Elle me trouvait sympa, drôle, mais apparemment ce n’était pas suffisant. Moi, comme je l’ai déjà dit, j’étais complètement bleu de cette fille. Elle était belle à tomber et sa voix cassée lui donnait un charme fou. Elle avait un humour plutôt noir, ce qui tranchait avec la fille éblouissante qu’elle était. Ça me plaisait énormément. Et moi, quand je suis amoureux, je me donne à fond, peut- être même trop. Elle a fini par trouver que mes petits cadeaux, mes câlins incessants, mon empressement à lui dire « Je t’aime » cinquante-trois fois par jour (minimum), tout ça était vraiment trop. Elle étouffait. Elle me le disait souvent, j’aurais donc dû voir ce qui allait arriver. Elle m’a envoyé un message sur mon portable, un dimanche matin, qui disait : « C’est fini. Désolée. Bonne journée. Stella. ». « Bonne journée » ? Je vous avais dit qu’elle avait un humour plutôt… noir.
Bref, inutile de vous dire que j’étais passablement dépité. Je ne sortais presque plus de chez moi, juste pour aller travailler et faire les courses. Je restais seul devant ma télévision, seul devant ma console de jeux vidéo, seul devant mon ordinateur (enfin… avec mes 236 amis Facebook, quoi…). Un jour, le téléphone a sonné. C’était Bernie, mon meilleur ami (et accessoirement, mon cousin…). En fait, son prénom, c’est Bernard. Mais je préfère l’appeler « Bernie » que « Nanard »… Lui aussi, je crois.
Il travaille dans une station de ski. C’est le genre de mec qui vous aide à bien saisir le tire-fesse, ou bien celui qui est au stand des skis de location… Bref, il fait un peu de tout…
– Ben alors, ma poulette ?
– Hey, Bernie…
– Je suis un peu déçu, j’espérais que tu ne répondrais pas…
– Ça me va droit au cœur, cousin…
– Non, sérieux, tu es encore cloîtré chez toi ?
– Boarf…
– Il va bien falloir que tu l’oublies un jour, cette nana… Elle n’était pas si extraordinaire que ça quand même ? En plus, elle avait un gros nez…
– N’importe quoi…
– Bon, écoute. Tu es mon cousin. Et tu es mon pote. Je crois que j’ai la solution pour toi.
– Raconte…
– Viens à la station. Je t’offre l’entrée ! Tu verras, rien de tel qu’une journée de glisse dans la poudreuse ! En plus, ça grouille de nanas en cette belle saison…
– Bof, je ne sais pas…
- Écoute, vieux, tu es obligé de venir. J’ai déjà ta place.
C’est ainsi que je me suis retrouvé dans cette station battue par la neige, avec une pair de skis sous le bras, à regarder ces gens qui semblaient trouver follement amusant de filer à trente kilomètres heure sur deux fins bouts de bois avec un risque constant de se viander et de se casser quelque chose.
Moi, peureux ? Naaan…
La journée s’est déroulée sans accroc. Désespérément sans accroc. A part descendre, remonter, descendre, remonter, je n’ai pas fait grand-chose. Il n’est pas utile que je m’éternise sur cette journée… J’étais ravi de reprendre le téléphérique qu’on devait prendre pour descendre de la montagne. Le temps commençait à se couvrir et le vent soufflait beaucoup plus fort. Mon salaud de cousin (vous savez, celui qui m’a obligé à venir dans cet endroit froid et dangereux ?) se trouvait dans la télécabine et me regardait en souriant. Il s’occupait de veiller à la sécurité des passagers en s’assurant que les portes étaient bien fermées avant le départ de la cabine. Confier cette tâche à mon cousin prouvait que les propriétaires de cette station manquaient de raison. Je dis ça car Bernie est un tantinet distrait. Il lui est déjà arrivé d’arriver à l’école en pantoufles. Véridique.
Nous n’étions pas seuls. Il y avait un couple de quadragénaires, un playboy souriant qui traînait une groupie blonde à son bras, deux snowboarders et une jeune fille avec des grosses lunettes et en combinaison rose. Bernie a fermé la porte et s’est bien assuré que tout était sécurisé, comme ses inconscients de patrons le lui ont demandé. Il avait l’air préoccupé. Je lui ai discrètement demandé ce qui clochait.
– Le vent s’est levé… Et je n’aime pas la tronche de ces nuages, là-bas.
– C’est mauvais ?
– Bah… Ça va aller… On sera en bas avant que la tempête n’arrive.
« La tempête ? »
Bernie s’est trompé. La cabine avait à peine parcouru une centaine de mètres que le vent s’est mis à la faire balancer violemment. Les filles (et quelques mecs, dont votre serviteur) ont crié de peur. Les autres se sont cramponnés en regardant autour d’eux. L’obscurité s’est abattue sur nous en un instant. La neige battait les vitres comme si une force supérieure nous en voulait. Il y a eu un grincement sinistre et la cabine s’est arrêtée subitement dans un soubresaut qui nous a tous fait croire que notre dernière heure avait sonné. Mon cousin a pris son talkie-walkie et a essayé de joindre la station. Pas de réponse.
Voilà pour les personnes bloquées, enfermées dans un endroit coupé du monde civilisé. Mais la situation allait vite empirer.
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