30 ~
Enièmes retrouvailles avec toi, dans mon appartement, mes yeux lourds de larmes. Tu caresses ma main du bout de tes doigts, nommes ta fierté devant ma poésie, ma lumière qui commence à irradier, sans plus être masquée.
Tu chuchotes, les joues dévorées de sourires "tu perds la trace du collier, peu à peu".
Abysse : "Oui, elle s'estompe c'est vrai... et avec elle la brûlure".
Et quand je souffle "Je t'aime toujours, tu sais... de loin...", tu verses une larme dans mes bras en me chuchotant "moi aussi".
J'aimerais te supplier, Tombeau, de partager à nouveau ta vie avec moi, construire ensemble. Mais Maria dit que c'est injuste, de risquer de renverser ta vie une deuxième fois. Et pour dire vrai, je suffoque toujours un peu, je n'arrive pas à dire, les mots restent bloqués.
Cet après-midi-là, tu me confies que tu as essayé l'océan, avec Carillon. Mais tu n'aimes pas l'océan, peut-être, finalement. En tout cas pas comme ça, pas avec elle, pas avec eux. Ca fait peur. Tu voudrais apprendre à voler, maintenant que tu as chassé la tempête. Préservé du naufrage, grâce à elle, grâce à moi. Mektoub.
Tes yeux se plissent quand tu livres ça, comme ça.
Voler. C'est cher d'apprendre à voler, tu ajoutes.
Ca peut coûter très cher, oui. Avant d'apprendre à voler, il faut sûrement apprendre à négocier avec le destin les atterrissages.
Je souris à tes yeux d'oiseau. Longtemps.
Merle,
merle.
Il y a toujours eu dans tes yeux graves d'enfant du malheur une lumière libre prête à prendre son envol.
Et le voilà,
l'envol.
Mais peut-être, je l'espère, peut-être entends-tu ton père souffler dans sa langue d'oiseau, à travers le déluge de mon désir de toi : "Mon fils, ne t'y trompe pas, tu ne peux pas t'envoler sans elle".
Je ne sais pas.
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