Chapitre 8 

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Aléna parcouru le chemin qui la séparait de la maison de Hessle en courant. Elle ne réalisait pas pleinement la situation, comment était-il possible que Madame Figue, pourtant si forte, soit partie. Et d’un empoisonnement à la belladone qui plus est. 

Elle arriva devant la petite porte de la bâtisse de Hessle et frappa trois gros coups. Elle attendit quelques instants mais voyant que personne ne lui ouvrait la porte, elle commença à frapper frénétiquement la petite porte en bois. 

« Quoi, quoi, quoi ? J’arrive ! » s’écria une voix bourrue à l’intérieur. Aléna entendit le bruissement familier de la clef qui se tourna dans la serrure de la porte et bientôt, la figure hirsute de Rudrick Hessle apparut dans l’embrasure de la porte.

« Aléna ? Mais qu’est ce que tu fais là à cette heure de la nuit ? » demanda t-il étonné.

« Je peux rentrer ? »

Il se recula et laissa la jeune fille se précipiter vers une des chaises qui se trouvaient autour de la table. Elle semblait si fatiguée que Rudrick prit tout à coup un ton sérieux. 

« Que se passe-t-il ? »

« Madame Figue est morte. Je l’ai retrouvée par terre, empoisonnée à la belladone. »

« La vieille sorcière, ils ont fini par l’avoir… » murmura le vieil homme. 

Il vint s'asseoir à côté de la jeune fille qui commença à pleurer doucement. Lorsque Hessle posa sa grosse main sur son dos, elle ne put retenir plus longtemps les tremblements des pleurs.

« Je ne comprends pas ce qui a bien pu se passer… »

« Viens, on retourne chez toi, il faut aller récupérer le corps et l’enterrer dans la forêt. J’ai une vieille carriole et je vais demander un âne à Gonteran Fresnes. » La jeune fille se sentit  rassurée par la présence forte et calme de Hessle. Cet homme chez qui elle avait vécu pendant plusieurs mois et qui lui avait appris à lire. Mais rien ne pouvait lui faire oublier la vision du corps inerte de madame Figue. 

La suite des événements, Aléna ne pourrait les décrire précisément. Elle avait suivi Hessle dans les rues de Franc-Pâle en tremblant puis elle l’avait regardé transporté le corps de Madame Figue jusque dans la vieille carriole. Et puis, la marche vers la forêt commença.

Aléna suivait la carriole tirée par le vieil âne d'un ami de Hessle, s'il était possible que le vieux bougon ait des amis. Elle marchait d'un pas lent sur le chemin caillouteux qui menait vers la forêt, celle là même où Madame Figue et elle étaient parties chercher des herbes tant de fois. Autour de la route, les arbres semblaient former un tunnel sombre dans lequel ils se glissaient. 

" Nous avions fait un marché, elle et moi, lorsque j'ai accepté de te prendre comme élève. J'imagine que Madame Figue ne t'en a jamais parlé." dit Hessle en brisant le silence.

Aléna ne disait rien mais le vieil homme savait qu'elle écoutait. C'était devenue une de ses habitudes: écouter en silence.

" Un jour, un jeune garçon blond est venue me voir." A sa mention, le cœur d'Aléna se mit à battre plus fort. Toute cette histoire serait-elle liée au jeune étranger ? Mais cela ne pouvait s'agir du jeune homme à qui elle venait de parler, il était tout juste arrivé dans la ville.

" Il m'a demandé de l'aide. Il voulait des herbes particulières, des herbes toxiques. J'ai refusé de l'aider mais il était insistant. Alors j'ai demandé à Madame Figue de prendre le relais. Voilà quelle était sa part du marché. Je ne sais pas ce qu'il voulait mais toute cette histoire semble louche." 

" Alors c'est vous qui l'avez tué" murmura Aléna en s'effondrant sur le sol. Rudrick Hessle se pencha pour la redresser, il murmura:

" Madame Figue était une vieille femme intelligente. Elle savait sans doute ce qu'elle faisait." 

Aléna ne comprenait plus rien. Qui pouvait en vouloir à la vieille femme ? Et pourquoi le jeune étranger avait-il besoin de poison ? Avec tous les événements de la nuit, Aléna avait complètement oublié le jeune garçon de l'auberge, le frère. Et si lui aussi était lié dans l'affaire ? Devait-elle en parler à Hessle ?

Arrivés devant la clairière, un tas de souvenirs se déversèrent dans l'esprit d'Aléna. " C'est parfait ici." dit Hessle en regardant la clairière. " Prends cette pelle et creuse petite." 

Aléna attrapa la lourde pelle que lui tenait le vieil homme barbu et se mit à creuser. L'effort dura plusieurs heures et la jeune fille sentait ses bras souffrir. Elle transpirait même avec la fraîcheur de la nuit et son souffle se faisait de plus en plus chaotique. 

" Encore un peu, nous avons presque fini" souffla Hessle en replongeant sa pelle dans le trou déjà profond qu'ils avaient creusé." 

Lorsque tout fut terminé, il transporta délicatement le corps de Madame Figue recouvert d'un drap blanc et le déposa au fond du trou. Il incomba à Aléna de placer le premier tas de terre sur le corps de sa bienfaitrice. Elle ne pouvait empêcher les tremblements des sanglots de la traverser. Lorsque tout fut fini, l'aube se levait. Il était déjà temps pour Aléna de se rendre à l'auberge. Mais elle ne s'en sentait nullement capable. Prétendre que tout allait bien alors qu'elle venait de perdre la seule personne qui comptait réellement pour elle à part ses frères.. 

" Il faut y aller petite." murmura Hessle.

Il commença à se diriger vers la ville encore endormie et Aléna, les jambes affaiblies par l'effort physique et mental qu'elle venait de fournir, le suivit.

Lorsqu'elle arriva à l'auberge, la robe et la pèlerine pleine de terre et les yeux bouffis par les pleurs, elle trouva devant la porte le jeune étranger.

" Il voulait quoi ton frère ?" lui cria-t-elle en pleurant de plus belle.

" Je ne sais pas. Que se passe-t-il ?" Il essaya de se rapprocher mais la jeune fille le chassa d'elle geste brusque de la main.

" Laisse-moi tranquille ! Et ne t'approches plus jamais de cette auberge !" 

" Tu ne sembles pas comprendre, il faut que je retrouve mon frère. Il faut que je l'arrête avant qu'il ne soit trop tard. " 

" L'arrêter de faire quoi ?" demanda Aléna en essuyant les larmes sur ses joues.

" Je ne sais pas mais depuis des mois ses actions me font peur. Il veut stopper la guerre à tout prix et qui sait ce qu'il est capable de faire…" 

" Tuer une guérisseuse par exemple ?" 

Le jeune garçon ne sembla rien trouver à répondre et il comprit, sûrement aux pleurs de la jeune fille, que cette guérisseuse était un être cher. 

" Je suis désolé." murmura-t-il. " Je m'appelle Amaury et je pars vers Château-Bas dès demain. Pars avec moi s'il tu veux." 

Aléna regarda le jeune Amaury et explosa d'un rire cristallin. " Partir ? Avec un inconnu ? Madame Figue m'a mieux éduquée que ça. Qui me dit que tu n'est pas un meurtrier, comme ton frère et que tu ne vas pas m'empoisonner dans mon sommeil ?"

Le regard d'Amaury se fit triste, il paraissait évident que les mots de la jeune fille l'avait blessée. 

" Je suis désolé pour la mort de cette femme. Mais je te promets que je suis différent de mon frère. Je ne connais pas la Basse et je me disais que tu pouvais m'aider." 

" Et bien tu te trompes " cracha-t-elle " Je ne connais pas plus la Basse-Plaine que toi !" 

Et, au lieu d'entrer dans l'auberge comme elle aurait dû le faire, elle courut se réfugier chez le seule personne qui lui restait désormais: Rudrick Hessle.

Ses petites bottines frappaient le sol dans un claquement sourd mais jamais elle n'aurait ralenti l'allure. Elle avait trop peur que l'étranger la suive. Lorsqu'elle débarqua essoufflée devant la porte du vieil homme, elle le trouva en train de vider la carriole de boîtes remplies de feuilles. Elle reconnu du lierre et  du chèvrefeuille, des plantes mortelles pour l'homme. 

" Que faites vous ?" demanda-t-elle effrayée.

" Je dois gérer la boutique maintenant que Madame Figue n'est plus là. Ne prends pas cet air étonné, je t'ai tout appris sur ces plantes." 

" Que dois-je faire désormais ?" demanda la jeune fille. 

" Voler de tes propres ailes, que sais-je ? Tu peux faire tout ce que tu veux désormais. Même quitter cette ville si tu le désires." 

" Mais vous n'allez pas vous occuper de moi ?" 

" J'ai déjà eu des enfants et cette période est révolue, je suis désolé mais je ne suis pas la personne qu'il te faut." s'excusa le vieil homme.

La décision d'Aléna était prise, elle devait partir. Découvrir qui était cet homme qui avait tué Madame Figue et ce qu'il voulait faire à la capitale. Elle devait désormais retrouver Amaury car il pourrait la mener à son frère. Elle s'y connaissait en poison, elle pourrait garder le contrôle de la situation. C'était du moins ce qu'elle espérait. 

Elle traversa le quartier de Franc-Pâle en sens inverse pour se rendre vers celui du Bac. Elle espérait retrouver le jeune étranger facilement. 

Finalement, arrivée devant l'auberge, elle le trouva assis en tailleur et jouant avec des petites pierres du chemin.

" Tu as changé d'avis" demanda-t-il en la regardant de ses grands yeux clairs.

" Je te suivrais à Château-Bas." 

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