Chapitre 1

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Une fois sa décision prise, Aléna ne pouvait retourner en arrière. Rudrick Hessle le lui avait dit: elle pouvait quitter Stagj si bon lui semblait. Maintenant, elle se retrouvait à suivre un étranger, de la Haute qui plus est, à travers le quartier de la Muraille. Il leur fallait des chevaux pour voyager à travers la Basse. La route qu’il leur fallait parcourir serait longue et il leur faudrait traverser la forêt de Treseille qui séparait Stagj de la capitale. Lorsqu’il arrivèrent au bout du chemin, ils déboulèrent sur une vieille écurie tenue par Raoult Tonners, un habitué de l’auberge du chaudron. Bien qu’elle fut beaucoup plus jeune que Amaury, Aléna tenait à faire la conversation, connaissant  beaucoup mieux le vieux palefrenier qu’un étranger de la Haute. 

« Nous voudrions 2 chevaux. » annonça-t-elle de sa voix la plus assurée.

« Je te reconnais toi, tu es la p’tite de l’auberge. Pourquoi veux-tu deux chevaux ? Et surtout as tu de quoi payer ? »

Aléna se tut. Elle n’avait évidemment pas réfléchi au coût de cette entreprise. Elle avait quelques économies de l’auberge mais rien qui lui permettait d’acheter deux chevaux et de les entretenir. Derrière elle, Amaury se retenait de rire. Puis il s’avança et prit la place de la jeune fille. 

« J’ai de quoi payer. Je voudrais deux chevaux capables de voyager longtemps. Je ne répondrais à aucune question. »

Tonners se trémoussa quelques instants, incertain de la démarche à suivre mais quand Amaury sortit de sa poche une bourse pleine, il se retourna vers son écurie en souriant. Il ressortit accompagné par deux grands hongres alezans caractéristiques du centre de la Basse. Amaury paya pour les chevaux et leurs matériels et s’éloignant de quelques pas demanda à Aléna:

« As-tu déjà voyagé à cheval ? »

La jeune fille regarda ses pieds honteusement. L’étranger pris la réponse pour un non et continua:

« Nous irons lentement. Il faudra dire que nous sommes frère et sœur car la différence d’âge entre nous pourrait créer des rumeurs dont nous n’avons pas besoin. »

« Mais nous ne nous ressemblons en rien… » murmura la jeune fille. 

« Je porterais un chapeau pour cacher les cheveux blonds, ça devrait faire l’affaire. Maintenant en selle, nous devons quitter la ville avant le coucher du soleil. Nous allons prendre la porte ouest puis remonter en direction du Nord. »

« Comment connais tu autant la région de la Basse ? » demanda Aléna étonnée par les connaissances d’Amaury sur la topographie de la région.

« Nous aurons le loisir de discuter en route. » s'exclama-t-il en coupant court à la question. 

Aléna avait l’habitude des secrets et garda le silence. Mais elle n’oubliait pas les leçons de Madame Figue et de Rudrick Hessle, elle gardait dans ses poches des baies de belladone, ces mêmes baies qui avaient tué la guérisseuse. Elle ne devait prendre aucun risque. 

La Basse était une région de plaines et de forêts traversées par des ruisseaux et par, bien sûr, le fleuve du Sabot qui irriguait les prairies et les troupeaux. Pour arriver jusqu’à la capitale, il leur fallait traverser plusieurs villes dont celle de Treseille à l’orée de la forêt. Ville commerciale qui subsistait de la vente de bois et de  gibiers, c’était une cité bien plus imposante que Stagj autant par son architecture datant de l’ère des Anciens, que par sa population. 

« Nous avons plusieurs jours de route. J’espère que tu es bien accrochée. » dit Amaury alors que la jeune fille était en train de grimper sur sa monture. Lorsqu’elle fut finalement installée après plusieurs essais désastreux, son visage était rouge et luisant. 

« Comment vais-je tenir plus d’une heure sur cet animal ? » se demanda-t-elle en soupirant. Ses jambes lui faisaient déjà mal et bien qu’elle était souvent transpirante à la fin d’une journée de travail à l’auberge, elle n’avait jamais pratiqué une quelconque activité physique.

Une fois qu’ils furent tous les deux en selle, Amaury donna un léger coup de talon sur le flanc de sa monture et se dirigea vers la porte ouest à quelques mètres de l’écurie. 

Un vieux garde-muraille surveillait la porte mais il ne fit aucune réflexion à la vue des deux jeunes qui sortaient de la ville. Stagj n’avait jamais été une ville très bien gardée, n’étant pas très riche, il n’y avait rien de valeur à piller. 

Lorsqu’ils franchirent la porte, Aléna eut un pincement au cœur. Elle quittait la ville dans laquelle elle avait vécu pendant cette dernière année. Une partie chez le garde-muraille Jerad Sadde et  puis, bien entendu, une partie chez Madame Figue. 

Il semblait qu’un nouveau chapitre de sa vie commençait et Aléna avait l’esprit embrumé par l’excitation et la peur. Parfois les nouveaux départs sont plus terrifiants qu’ils ne semblaient dans la tête. 

Ils se dirigèrent à une allure raisonnable, comme l’avait annoncé Amaury, vers le nord de la ville. Aléna qui ne connaissait pas bien l’extérieur de cette cité dans laquelle elle avait été enfermée pendant plusieurs mois, s’émerveillait de la richesse des paysages. Les hautes herbes aux milles teintes de vert et de jaune encerclaient un petit chemin de terre boueuse. Au loin, on pouvait apercevoir, s’il on plissait bien les yeux, les arbres majestueux de la Treseille et on imaginait la grande cité juste derrière. 

« Tu habitais ou dans la Haute ? » demanda Aléna 

« Si je te le disais, serais-tu où cela se trouve ? »

Aléna fit la moue et ralentit l’allure de son cheval. Avait-il besoin de la rabaisser constamment ? Elle qui ne voulait que faire la conversation. Elle laissa le silence s’installer de nouveau entre eux et regarda vers l’horizon. 

« Et toi tu viens d’où ? » demanda Amaury en brisant le souffle du vent.

« Comment sais-tu que je ne viens pas de Stagj ? »

« Tes yeux. Tu as les yeux des gens de Buria. » répondit-il.

Aléna fut soudain prise d’une quinte de toux incontrôlable. 

« Tu as dû beaucoup voyager pour reconnaître des gens de l’Est de la mer Tirante. » murmura-t-elle.

« J’ai beaucoup lu sur Adregovià, ma famille me racontait les histoires de l’île. Comment as-tu débarqué dans la Plaine ? »

Aléna ne répondit pas. Évoquer son passé la faisait souffrir et elle ne voulait pas partager son histoire avec cet étranger qu’elle ne connaissait pas. 

« Les gens de Stagj ne s’en sont pas aperçu ? » continua Amaury qui ne se rendit pas compte que la conversation dérangeait la jeune fille. 

« Les gens de Stagj ne se rendent compte de rien, ils ne regardent que leurs pieds. Madame Figue s’en était sûrement rendue compte je pense. Mais elle ne m’en a jamais parlé. Elle. » répond-t-elle sur un ton de défi. « Je ne veux pas en parler. » continua-t-elle. 

« Je viens de Resort au Sud Est de la Haute. » prononça calmement Amaury. « Tu ne sais pas où cela se trouve mais nous sommes quittés comme ça. »

Aléna ne trouvait pas que la situation était pareille. Il venait de découvrir qu’elle ne venait pas de la Plaine et il avait juste cité une ville de la Haute sans grande importance. Mais elle supposait qu’elle devait s’en contenter. 

Les paysages de la Plaine défilèrent devant les yeux émerveillés d'Aléna. Les hauts chênes éparpillés entre les prairies fleuries. Aléna avait mis de côté sa lourde pèlerine de laine face à la chaleur grandissante de l'après-midi. Le climat de la Basse plutôt tempéré suivait le cours calme des saisons et des lunes. La lune Grandissante qui avait eu lieu quelques nuits auparavant annonçait le début du printemps et des temps plus chauds. 

Aléna qui n'avait pas l'habitude d'être autant malmenée par les soubresauts de sa monture, souffrait en silence. Amaury quant à lui avait replongé dans le silence et seul le bruit du vent et des oiseaux se faisait entendre. Ils n'avaient croisé personne sur le chemin pourtant très fréquenté et cela rassurait Aléna. 

À l'approche de la grande forêt de Treseille, Aléna prit la parole:

" Allons nous traverser la forêt aujourd'hui ? Il commence à se faire tard, ne vaut-il mieux pas chercher un endroit ou dormir ?" 

" Toutes les fermes isolées se trouvent de l'autre côté, vers Treseille. Nous devons traverser la forêt." annonça-t-il. 

Aléna soupira, elle était fatiguée par le voyage et le soleil commençait sa descente vers l’horizon.

« Et bien allons y… »

La forêt représentait une surface de plusieurs kilomètres de largeur et le double de longueur. Elle s'étendait de Stagj à la cité de Treseille et longeait par l'ouest le ruisseau du Houlon. Sa traversée représentait encore quelques heures de route et Aléna craignait de rencontrer quelques voyageurs désagréables. Mais Amaury semblait décidé à traverser l'étendue d'arbres avant la  nuit et la jeune fille n'avait pas d'autre choix que de le suivre. Elle se demanda quelle mouche l'avait piquée pour qu'elle décide de quitter Stagj pour suivre un étranger. Mais plus rien ne la retenait là-bas à part une vieille auberge dont elle connaissait tous les recoins. Elle avait besoin de changement, de renouveau et surtout de découvrir la Plaine dans son entièreté, elle qui n'en connaissait que ce que les rumeurs voulaient bien raconter. Elle avait besoin de rencontrer les haut-conseillers de la capitale, les marchés au bois de Treseille et pourquoi pas ceux des fourrures de Lisandre en Montaux. Elle avait tellement de choses à explorer et elle espérait que suivre cet étranger de la Haute serait la possibilité pour elle d'élargir ses horizons. Mais avant tout, il lui fallait traverser la forêt. 

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