Chapitre 3

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Malgré la qualité du lit, Aléna dormit très mal et se réveilla tôt. Elle repensait à l'histoire de la Plaine que lui avait raconté Amaury. Elle avait appris tant de choses depuis l'arrivée de Madame Figue dans sa vie sur elle-même et sur la terre qu'elle habitait. En repensant à la vieille guérisseuse, son cœur se serra. Que pouvait bien vouloir le frère d'Amaury ? Lorsque ce dernier se réveilla, Aléna était encore perdue dans ses pensées. 

En voyant les cernes de la jeune fille, il retint un "bien dormi ?" et fronça les sourcils.

" Tu réfléchis trop. Je sais que Roland t'inquiète mais nous arriverons normalement à Château-Bas dans deux jours si nous avançons de bon pas et une fois là bas, nous tenterons de découvrir ce que peut bien vouloir mon frère." 

" Ce qui me chiffonne surtout c'est pourquoi n'est-il pas directement allé à Château-Bas qui est bien plus proche de la frontière hautoise que Stagj." 

" Nous ne pouvons faire que des hypothèses. Peut-être voulait il rencontrer ta bienfaitrice. peut-être avait-il besoin d'informations particulières qu'il ne pouvait trouver qu'à Stagj…Mais plus vite nous arriverons à la capitale et plus vite nous en apprendrons davantage." 

" Alors partons." répondit Aléna, pressée de quitter Treseille pour la capitale.

Il ne leur fallut que quelques minutes pour rassembler leur maigre affaires et récupérer leur monture dans les écuries de l'auberge. Amaury paya gracieusement Aloys pour l'hospitalité et les deux voyageurs continuèrent leur route vers la porte nord de Treseille.

La traversée de la ville se fit sans encombre et plus vite qu’Aléna l'imaginait. Amaury ne s'arrêta pas devant les étals des marchands et l'odeur alléchante des pains Tressois. Aléna se doutait bien que leur arrivée imminente à Château-Bas et la rencontre avec son frère l'inquiétaient. Ils firent avancer leur monture sur la route pavée des rues de Treseille et tout autour d'eux s'élevaient les hautes bâtisses de pierre blanche provenant de la carrière de Pieterre à l'ouest de la forêt.  Les deux voyageurs quittèrent la cité marchande le cœur lourd d'histoire du passé et les yeux rivés vers le chemin qui leur restait à parcourir. Il n'y avait pas de ville entre Treseille et Château-Bas, seulement de vieilles fermes et des champs de Dokja, des tubercules violettes apportés du sud de la Basse. 

Sans un mot, ils traversèrent la Basse sur une route de terre battue dont les sabots des chevaux laissaient des lourdes traces boueuses. Tout autour d'eux, des étendues vertes à perte de vue. Principalement des champs de récoltes mais aussi des pâturages pour les moutons et les vaches qui pullulent la Plaine. Le soleil du printemps était haut dans le ciel et le temps favorable au voyage facilitait la traversée de la Plaine. Il fallait deux jours pour atteindre la cité-capitale Château-Bas et Aléna avait hâte de découvrir cette ville dont tout le monde parlait.

« Connais-tu Château-Bas ? » demanda-t-elle à Amaury à la sortie de la cité marchande.

« Je n’y suis jamais allé, mais j’ai beaucoup étudié cette ville et ses habitudes. »

« Tu me sembles bien plus éduqué que la plupart des gens de la Basse sur les us et coutumes de notre région. »

« Je suis quelqu’un qui a reçu une éducation digne de ce nom. »

Amaury prit quelques seconde pour réfléchir et puis il continua: 

« Je suis le neveu de Arthur Leopalt le bas-conseiller de Resort. »

La jeune fille ne trouva rien à répondre. Depuis le début, elle traitait le jeune homme de manière si familière sans savoir qu’il était un personnage Hautois important.

« Cela ne change rien à notre mission ! » s’exclama-t-il. « Maintenant à toi de me dire qui tu es… »

Aléna soupira, cet instant devait bien arriver à un moment où un autre: cet instant où elle devrait révéler son passé. Même si Madame Figue n’avait jamais rien demandé, ce qui lui convenait bien, elle allait vivre avec Amaury pendant la durée de leur voyage et il méritait bien qu’elle lui avoue la vérité. 

« Comme tu as pu le deviner, je viens de Buria. Je suis fille de Ektor Araka, un simple paysan de l’ouest de la cité-royale de Buria. Mon père n’avait pas suffisamment d’argent pour me garder à sa charge. Et puis les filles ne sont pas bien vues à Buria. Il m’a vendu au premier marchand qu’il a croisé. Cela se fait encore couramment dans le royaume de l’est. Le marchand m’a ensuite apporté à Stagj et m’y a laissé sans autre forme de procès. Je soupçonne Monsieur Saucevinarde de m’avoir acheté ma liberté. Même si c’était il y a presque un an, j’ai choisi de retirer tous ces souvenirs de mon esprit. Je n’étais pas si jeune quand je suis arrivée à Stagj, mon père m’a quand même gardée plus de dix printemps. Je ne comprends pas vraiment ses motivations. Honnêtement je ne comprend pas réellement tout ce qui m’est arrivé. Madame Figue, que j’ai connu pendant plusieurs lunes, a été la figure maternelle la plus proche que j’ai connue, même si elle ne s’en est sûrement pas rendue compte. »

Aléna se tut après sa longue tirade. Evidemment qu’elle avait menti sur son histoire. Elle ne pouvait pas révéler qu’elle était en réalité la princesse de Buria. Une princesse qui s’était enfuie qui plus est. Amaury acquiesça sans jugement et rapprocha sa monture pour tapoter sur le bras d’Aléna. Le jeune homme, de plus de cinq ans son aîné, ressentait de la bienveillance pour cette jeune fille qui avait dû quitter son royaume natal pour la Plaine. Cette jeune fille qui avait appris tant de choses auprès de Madame Figue et Rudrick Hessle. Il se promit de prendre soin d’elle et de la protéger du mieux qu’il le pourrait.

F

Les chemins de terre s’étendaient à l’horizon et Aléna s’endormait sur son cheval. Les mouvements réguliers de sa monture la berçait dans un sommeil profond. Ses rêves furent remplis de souvenirs de Buria et des montagnes de sa ville natale. 

« Il se fait tard, il nous faut trouver un endroit pour dormir. » annonça Amaury, la réveillant.

« Nous sommes au milieu de nulle part, comment veux tu qu’on trouve un abri ? » murmura Aléna en baillant 

« Nous trouverons bien une vieille bergerie quelque part. » répondit le jeune homme en désignant les moutons sur la colline non loin. 

En effet, au bout de plusieurs longues minutes de route, ils aperçurent une vieille ferme qui semblait abandonnée. La bâtisse de pierre grise était haute et sale. Les murs paraissaient avoir subi plusieurs incendies car des traces sombres parcouraient la pierre. Au pied des murs, des ballots de foin et de paille reposaient, seul signe d’une quelconque présence humaine. 

Amaury s’approcha de la porte et descendit de sa monture. Le cheval alezan en profita pour arracher quelques mauvaises herbes qui se trouvaient à ses sabots. 

Le jeune hautois cogna trois grands coups à la porte en bois et attendit. Quelques instants plus tard, des bruits de pas se firent entendre dans la maison et la porte s’ouvrît dans un fracas. 

Le vieil homme qui leur ouvrit portait ses cheveux longs attachés en chignon derrière sa nuque et sa barbe courte étaient parsemées de tresses à la manière des bergers de la Basse. Il avait des petits yeux perçants sur un nez rouge proéminent, signe qu’il avait sûrement consommé trop de Souffle, l’alcool traditionnel du nord de la Basse. 

« Qu’est ce que vous me voulez ? » questionna-t-il d’un ton inquisiteur.

« Ma sœur et moi cherchons un endroit pour la nuit. » Et en disant cela, Amaury replaça sa pèlerine sur sa tête, cachant ses cheveux blonds.

« Et pourquoi vous vous baladez seuls comme ça ? »

« Nous souhaitons rejoindre notre famille à Château-Bas. » répondit Amaury, ce qui n’était pas totalement un mensonge.

« J’ai bien ma grange si cela ne vous dérange pas de dormir sur un tas de paille. »

« Cela nous conviendra très bien. »

Le vieil homme les conduisit derrière la bâtisse de pierre vers une fragile cabane en bois composée de trois murs sans porte et sans fenêtre.

Amaury acquiesça et déposa dans la main tendue du vieux berger, quelques piécettes d’argent. 

Aléna, habituée à s’endormir sur des tas de paille, s’enroula dans sa cape et s’endormît. Amaury resta quelques instants assis en tailleur, surveillant les alentours et observa la fraîcheur de la nuit.

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