Chapitre 4

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Une simple bougie éclairait son visage alors qu'il se penchait sur une vieille carte du territoire. À ses pieds, des tas de parchemins recouverts de gribouillis d'encre noire. Le jeune garçon devait avoir aux alentours de dix ou douze printemps et déjà, il restait tard pour étudier à la lueur de sa bougie. Ses paupières se faisaient lourdes alors que la noirceur de la nuit emplissait la pièce mais jamais il n'aurait détaché son regard de la carte. Il se devait de mémoriser chaque ville, chaque ruisseau qui parsemaient la Plaine et pour cela, il serait resté jusqu'au petit matin s'il l'avait fallu.

Ce jeune garçon se nommait Amaury et depuis son plus jeune âge, il s'était découvert une passion pour ce territoire qu'il habitait: la Plaine. Son instructeur avait tenté de canaliser cette énergie débordante pour l'étude des mathématiques ou de la médecine mais rien de pouvait empêcher le jeune Amaury de vouloir parcourir les régions. Cette passion, il la tenait sans doute de son frère, de cinq ans son aîné qui avait eu la chance d'accompagner son oncle, le bas-conseiller de Resort à travers les autres villes de la Haute. Amaury espérait qu'un jour son tour viendrait. 

Des années plus tard, Amaury habitait toujours la même demeure de Resort avec sa famille. Sa mère, la plus petite sœur du bas-conseiller de la ville, avait la chance de bénéficier d'une grande bâtisse de brique rouge face au Sabot. À l'époque, les combats se déroulaient bien plus au sud, mais à présent, cette vue magnifique dont il se vantait tant dévoilait le Sabot coloré de cette affreuse couleur rouge. Le bas-conseiller et son conseil avaient vu, paniqués, leur ville se transformer en véritable scène de guerre et une grande partie de la population avait fui la ville pour se diriger vers Glanière, un peu plus au nord. Amaury ne se doutait pas que son frère quitterait lui aussi Resort mais dans la direction opposée. 

" Amaury, debout. Le soleil vient de se lever, nous devons partir pour Château-Bas." 

Amaury, qui avait à présent plus de vingt ans, n'était plus le petit garçon d'autrefois et, se redressant avec difficulté, il se promit de prendre ses responsabilités et de retrouver son frère. 

" Merci de m'avoir réveillé, va récupérer nos chevaux, je vais aller remercier notre hôte." Il épousseta ses habits poussiéreux et se dirigea vers la ferme principale. Aléna quant à elle, alla rejoindre les chevaux qui avaient profité du foin qui se trouvait dans la frêle cabane.

"Comment vas-tu Figuier ?" demanda-t-elle en s'adressa à son hongre alezan.

" Figuier ?" s'exclama une voix derrière elle.

Aléna se retourna avec sursaut et découvrit un jeune garçon, peut-être plus jeune qu'elle, dans l'embrasure de la cabane. Il avait les cheveux sombres et bouclés et il portait des habits de fermiers rehaussés par de grandes bottes de cuir.

" Je suis Gregory, le fils du berger. Je venais juste m'assurer que vous n'aviez rien volé. C'est mon père qui m'a demandé, le prend pas mal." continua t-il.

" Eh bien tu vois, on a rien volé. Et Figuier c'est le nom de mon cheval." répondit Aléna en reprenant l'accent féroce des enfants de rue Franc-Pâle. 

" Mais pourquoi Figuier ? C'est pas un nom pour un cheval ça ?" 

" Je t'en pose des questions moi ?" s'énerva la jeune fille, puis se radoucissant elle continua: " Une vieille dame que je connaissais bien portait un nom similaire voila tout."

Elle se retourna vers sa monture, Figuier, et le jeune garçon prit son silence pour un signe de partir. Aléna n'avait pas envie de discuter. Elle n'avait surtout pas l'habitude de converser avec des gens de son âge, elle qui avait passé ses derniers mois à Stagj entourée d'adultes.

Lorsqu' Amaury revint, avec un sac de toile contenant des provisions pour la route, Aléna avait sceller les chevaux et les deux voyageurs pouvaient repartir vers la capitale. Ils quittèrent la vieille bergerie sans un regard en arrière et se lancèrent de nouveau sur la route de terre qui menait vers Château-Bas.

D

Les routes qu'ils traversèrent étaient parsemées d'arbres fruitiers en fleur et de petites bergeries en tout point identique à celle qu'ils venaient de quitter. Le temps clément de la lune du printemps annonçait un voyage facile et rapide à travers la région de la Basse. Ils étaient partis à l'aube et si le voyage continuait à cette vitesse, ils arriveraient le lendemain soir à Château-Bas. Les deux voyageurs restaient la plupart du temps silencieux et Aléna plongea vite dans ses souvenirs de Stagj. Elle repensait à Madame Figue, Rudrick Hessle et monsieur Saucevinarde, les trois grandes figures de sa vie. Elle se demandait comment s'en sortait l'auberge sans elle et que faisait Hessle, seul dans sa maison. La plupart du temps, Amaury, par quelques mots, la sortait de ses réflexions et ils profitèrent du long voyage pour apprendre à se connaître. 

" Te souviens tu un peu de ta vie à Buria ?" lui demanda-t-il sans savoir qu'il s'agissait d'un sujet sensible pour la jeune fille.

La jeune fille pouvait mentir autant qu'elle le souhaitait, elle se souvenait parfaitement du royaume et les souvenirs étaient parfois douloureux dans sa mémoire. Elle se souvenait de son père, un vieil homme déjà à l'époque qui s'occupait plus de ses affaires que d'elle. Sa mère était morte lorsqu'elle était encore très jeune et elle n'en avait aucun souvenir. Par contre, ce dont elle se souvenait parfaitement étaient ses quatre frères qui lui manquait énormément.

" Je ne comprends pas, quel âge as tu ?" demanda Amaury

" Je dois avoir quatorze ou treize ans, quelque chose comme ça…" répondit-elle en réfléchissant. Je suis née le jour de la lune d'après les dires de mon père. Deux semaines après la fête des Hotises. 

Aléna fut interrompue dans sa phrase par l'arrivée sur le chemin de deux cavaliers en armure. Ils étaient grands et bruns sous leur casque de fer. Sur leur tunique, une épée aux gravures de la Basse. Ils s'arrêtèrent devant les deux voyageurs qui stoppèrent leur chevaux pour leur faire face.

" Qui êtes-vous ?" demanda l'un des cavaliers de sa voix grave. Celui qui venait de parler semblait être le chef du duo, il portait des habits plus richement décorés que son congénère et il fut le seul à s'adresser à eux.

" Je suis un jeune voyageur et voici ma sœur, nous allons à la capitale." répondit Amaury sur le même ton confiant. Il n'avait pas l'air d'être effrayé, ce qui suffit à convaincre les deux cavaliers qu’ils provenaient bien de la Basse. De toute façon, ses cheveux blond et ses yeux clairs étaient cachés sous sa lourde capuche de couleur sombre. 

" Pourquoi la capitale ?" demanda le chef des cavaliers " Vous savez bien qu'en ce moment Château-Bas est en effervescence, Theobald Livraux essaye de gérer la crise financière qui s'est abattue sur la capitale." 

" Une crise financière ?" demanda Amaury brusquement.

" Vous êtes bien des voyageurs vous !" s'exclama le cavalier. " La guerre a plongé Château-Bas dans des problèmes d'ordre économique plutôt graves. Apparemment des bandits de route s'attaquent aux chargements des marchands." 

" Comme à Stagj… " murmura Aléna.

" Nous voulions seulement assister au mariage de Neven Livraux." fit remarquer Amaury. " Nous ne savions rien des attaques de marchandises." 

" J'ai bien peur que le mariage soit repoussé." répondit le cavalier. " Le haut-conseiller Livraux et sa suite pensent que c'est une mauvaise idée d'organiser un mariage dans ces temps troublés." 

" Et pourtant cela aurait pu calmer les rumeurs de la ville. La région s'inquiète. Avez vous des nouvelles de la guerre ? Resort a-t-elle été prise." questionna Amaury.

" Toujours pas, les hautois se battent bien. La guerre risque de s'éterniser jusqu'à ce que l'on trouve un traité d'entente. Mais les conseillers des villes de la Basse ne plieront jamais le genou face à ces rustres de la Haute." 

Amaury acquiesça en silence, ne voulant pas dévoiler son identité. 

"En tout cas nous devons aller vers la capitale, ma sœur et moi devons rejoindre de la famille là bas." continua t-il.

" Eh bien faites bonne route, et faites attention aux brigands des chemins. Ils se font de plus en plus nombreux près de Château-Bas.

Amaury et Aléna remercièrent les deux cavaliers puis ils donnèrent quelques coups de talon à leur monture pour se remettre en route plus à l'ouest.

" Nous avons eu de la chance qu'ils ne nous aient pas questionnés plus que ça." s'exclama Aléna.

" Pourquoi auraient ils peur de deux jeunes tels que nous. Ce sont des bandits dont il faut désormais se méfier" dit le jeune hautois en rajustant sa cape sur sa tête.

" Penses-tu que ces brigands dont ils parlaient étaient en réalité ton frère et ses compagnons ?" demanda Aléna en réfléchissant.

" C'est fort probable que les deux événements soient liés. Ils cherchent à semer la pagaille dans les esprits pour affaiblir le pouvoir du haut-chancelier Livraux." répondit Amaury.

Aléna acquiesça en réfléchissant. Si le frère d'Amaury faisait bien partie de cette bande de brigands qui attaquait les marchands, pourquoi s'attaquer aux vivres des habitants ? Pourquoi l'avoir fait à Stagj causant des jours troublés dans la ville ? Et surtout, surtout, quel était leur but en arrivant dans la Basse ? Arrêter la guerre ? Comment attaquer des convois pouvait-il mettre fin à une guerre qui durait depuis des années.

D

 Les réflexions d'Aléna s'arrêtèrent précipitamment lorsqu'elle entendit un bruit sourd en face d'elle. Le bruit caractéristique du fer contre du fer. En face d'eux se tenaient cinq individus à pied et armés. Tous portaient des vêtements gris, sûrement recouverts de poussière, et tenaient devant eux de fines lames et des poignards.

Ils venaient de rencontrer les brigands.

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