Chapitre 7
Une fois de nouveau seul dans la chambre, Amaury se mit à faire les cent pas dans la pièce.
« Arrête de marcher comme ça, tu me donnes le tournis. » s’écria Aléna après plusieurs minutes.
« Je réfléchis. » répondit calmement Amaury. « Nous sommes arrivés à Château-Bas avec l’idée de retrouver Roland et voilà que nous découvrons qu’il s’agit aussi d’une histoire de meurtre. »
« Il a toujours été question de meurtre, je te rappelle que la secte de ton frère a assassiner Madame Figue. »
« Nous ne savons rien de là où il est caché. Personne ne peut retrouver Neven Livraux, la Basse est menacée et nous ne pouvons rien faire pour arrêter la guerre. »
« Pourquoi es-tu si paniqué ? La guerre dure depuis des siècles et ce n’est sûrement pas nous qui allons l’arrêter. Et puis tu savais dans quoi tu t’engageais en quittant la Haute. » répondit Aléna.
Amaury se tut et parut se calmer. Il continua:
« Tu as raison, nous sommes arrivés à Château-Bas sans plan. La première chose à faire est d’éviter une catastrophe politique. La mort de Neven mettrait toute la Plaine dans le chaos. Mais comment retrouver le fils du haut-conseiller ? »
« Et puis surtout comment le protéger, nous ne sommes absolument pas compétents pour ce rôle. » s’exclama Aléna.
« Il nous faut un plan. Notre priorité est de retrouver Roland et son groupe. peut-être qu’en tant que frère je pourrais le raisonner.
« Mais il nous faut des informations. »
« Je viens d’avoir une idée. peut-être peux-tu te trouver un travail de guérisseuse au château. Après la tentative d’assassinat, il cherche peut désespérément quelqu’un qui pourra prévoir des empoisonnements. »
« Je ne sais pas s’ils prendront des voyageurs tout juste arrivés à la capitale. » fit remarquer Aléna.
« Il faut que nous essayons pourtant. Demain il nous faudra demander à Mélisande et Anastasie, peut-être pourront-elles nous aider. »
« Il vaut peut-être mieux cacher que je suis une guérisseuse… Je pourrais demander à être embauchée en cuisine. J’ai de l’expérience. »
« Tu as raison… » acquiesça Amaury.
Il est interrompu par un coup sec sur la porte. La porte s’ouvrît sur Edgar qui poussait devant lui une grande bassine d’eau. Il posa à côté une pile de vêtements propres.
« Elle n’est pas très chaude mais elle ferra l’affaire. Dès que la jeune fille a fini j’en apporte une autre. » s’exclama-t-il.
Le visage d’Aléna s’éclaira à la vue de l’eau, cela faisait plusieurs jours qu’elle n’avait pas pris de bain et elle se sentait salie par le voyage. Amaury sourit en remarquant ses yeux qui pétillaient et il s’éclipsa en tirant derrière lui le fils de l’aubergiste.
Lorsqu’elle se retrouva seule, Aléna pu enfin profiter de l’eau tiède. Elle retira sa cape sale et poussiéreuse, puis sa simple robe et elle se glissa dans la bassine. Pour le moment, la capitale lui convenait bien, elle avait eu le droit à un bon repas et à un bain. Elle n’oublierait pas de remercier Amaury pour tout ça car elle se doutait bien que ce n’était pas un cadeau de la part de l’aubergiste. Elle profita de la solitude pour réfléchir à leur aventure, elle ne s'était pas attendue à rencontrer tant d’intrigue et difficultés. Roland et sa secte étaient impossible à retrouver et pourtant c’était comme s’ils étaient partout: à Stagj, sur les chemins et dans la capitale. Si leur plan fonctionnait, elle serait de nouveau en cuisine sur la Colline du haut-conseiller. Il lui faudra de nouveau écouter attentivement les moindres informations qui pourraient la conduire jusqu'à Roland ou Neven. Aléna s’immobilisa, une pensée venait de lui traverser l’esprit: « tu ne viens même pas de la Plaine, pourquoi es-tu si impliquée dans le maintien de la paix ? » Elle secoua la tête et chassa cette pensée intrusive, la Basse était devenue sa maison. Buria n’avait plus rien à lui apporter, la Plaine l’avait accueilli, Monsieur Saucevinarde, Madame Figue, Rudrick Hessle, ils l’avaient aidé, soutenu. Elle devait à leur tour les aider en empêchant que la guerre ne s’enlise et qu’un chaos politique s’installe dans la Plaine.
Elle sortit de l’eau et attrapa une robe dans la pile de vêtements que Edgar avait apportée. La robe était bleu marine et Aléna apprécia l’effort du jeune garçon pour trouver une tenue sombre. Le tissu était bien plus doux que tout ce qu’elle n’avait jamais porté. Les manches longues étaient un peu bouffantes et la robe lui arrivait jusqu’aux chevilles. Elle ne s’était jamais habillée d’une telle manière et elle se sentit comme une noble de Château-Bas. Elle remit ses vieux godillots qui contrastaient avec la richesse de sa robe et sortit de la pièce pour aller chercher Edgar et Amaury.
A cette heure tardive de la nuit, la salle commune était presque vide et seuls restaient quelques vieux marchands de la cité qui discutaient. Elle retrouva Amaury au fond de la pièce, il tenait dans ses mains un vieux livre qui referma à son approche.
« Merci beaucoup pour le bain et la robe. » s’exclama Aléna en s’asseyant à son côté.
« Je suis très heureux, elle te va très bien. Je vais aller chercher Edgar pour qu’il apporte une nouvelle eau. » Après quelques secondes de silence, il lui tendit le livre qui était en train de lire.
« Je pense qu’il pourra t’intéresser… » murmura-t-il en se redressant.
Aléna regarda le vieux manuscrit dont la couverture, abîmée, semblait dater de plusieurs années.
Sur la première page, elle découvrit une carte de la Plaine comme elle n’en avait jamais vu. Les détails des illustrations étaient si minutieuses. Elle chercha Stagj des yeux, au centre de la Basse, puis elle fut transporté dans un voyage dans la Plaine. Les régions de la Haute, de Montaux et de Terre-Rouge qu’elle n’avait jamais vu se révélèrent devant ses yeux alors qu’elle tournait les pages et découvrait les illustrations aux crayons des paysages, des villes et des lacs de la Plaine. Elle fut plongée dans la découverte de cette terre qu’elle avait appris à connaître et à aimer. Lorsque Amaury revint, elle était toujours dans sa rêverie de voyage.
« Je savais que ce livre te plairait. » dit-il en souriant.
Il portait lui aussi des vêtements neufs et propres, un pantalon beige et un veston rouge. Pour camoufler ses cheveux, il avait pris un large bonnet qui tombait sur le côté de sa tête. Vêtu comme ça, il ressemblait à n’importe quel habitant de Château-Bas.
« C’est mon professeur qui m’a offert ce livre et c’est le seul parmi tous ces cadeaux que j’ai choisi d’apporter avec moi durant ce voyage. »
« Les illustrations sont magnifiques. » murmura la jeune fille en lui tendant le livre.
« La Plaine est ma maison. » répondit -il
« La mienne aussi désormais. »
Aléna dormit mal dans le grand lit. Des cauchemars l'avaient submergée l’intégralité de la nuit. Les brigands qui les avaient attaqués ne cessaient de revenir dans ses pensées. Elle n’avait pas pu oublier qu’elle avait blessé des hommes. Elle avait reçu une éducation de guérisseuse et voilà qu’elle se retrouvait à utiliser les plantes pour détruire. Elle n’avait même pas une quinzaine d'années et normalement une jeune fille de son âge ne devrait jamais avoir à subir de telles expériences. À l’aube, elle était déjà debout et habillée et laissant Amaury dormir, elle descendit dans la grande salle de l’auberge.
Étonnamment, celle-ci n'était pas vide et bien au contraire, elle bourdonnait de vie. Edgar s’activait à préparer les tables pour le bouillon du petit déjeuner, Mélisande de Anastasie buvait une tasse d’eau chaude et les autres clients de l’auberge discutaient calmement autour de la grande table.
Aléna se dirigea vers les deux femmes au visage familier qui s’étaient installées sur les deux fauteuils au fond de la salle.
« Bonjour… »murmura-t-elle timidement.
« Aléna c’est bien ça ? Cette couleur te va très bien » dit Mélisande en désignant sa nouvelle robe. Puis s’adressant à Edgar qui se trouvait derrière elle, elle continua « Edgar, peux tu nous apporter une autre tasse de tisane ! »
Aléna récupéra une chaise de la grande table et s’installa avec les deux architectes.
« Savez-vous s’il y a du travail proposé au Château des Livraux ? » demanda Aléna innocemment.
« Du travail ? Quel type de travail ? »
« J’ai déjà travaillé en cuisine et je voulais savoir si peut-être je pourrais être embauché sur la Colline. »
« Je ne sais pas du tout s’ils cherchent des jeunes aides-cuisinière mais je pourrais demander aujourd’hui, nous allons au Château. » répondit Anastasie.
Aléna les remercia chaleureusement, elle espérait que son plan marcherait, être au plus proche des Livraux ne pouvait que les aider à trouver Neven ou Roland.
Attrapant sa tasse de tisane, elle prit congé des deux femmes et retourna dans sa chambre. Lorsqu’elle entra, Amaury était déjà éveillé et regardait par la fenêtre.
« Oh tu es là ! » s’exclama t-il
Aléna lui annonça la bonne nouvelle et celui ci se retourna en souriant:
« Parfait ! Nous avons donc toute la journée de libre, que dirais tu de visiter Château-Bas, je veux découvrir la ville ! »
Il avait sur son visage, l’air émerveillé des enfants et Aléna, elle aussi impatiente de découvrir la capitale, accepta joyeusement.
Amaury plaça sur ses cheveux blonds le chapeau et Aléna attrapa sa vieille cape, ils étaient fin prêts pour conquérir la ville. Amaury attrapa la main de la jeune fille et tous les deux sortirent dans la lumière resplendissante de l’aube.
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