Chapitre 1
Pour son premier jour sur la Colline, Aléna se réveilla aux aurores. Elle avait préparé sa robe bleu marine et ses bottines de cuirs et son sempiternel sac de toile dans lequel elle avait placé des fioles vides. Qui sait ce qu'elle aurait besoin de fabriquer. Amaury l'avait accompagné, les cheveux épars sur sa tête, jusqu'au pas de la porte puis il était retourné immédiatement se plonger dans le sommeil. La jeune fille avait demandé la veille à Anastasie de lui confectionner une coiffure digne des citadins de Château-Bas ce que cette dernière avait accompli à la perfection, à la place de sa longue tresse, ses cheveux sombres étaient attachés dans un chignon compliqué composé de tresses et d'épingles.
Les rues menant à la demeure du haut-conseiller étaient presque vides, mais peut-être qu'il était encore un peu tôt pour l'effervescence de la capitale. Aléna se dirigea vers la Colline en se demandant comment allait se passer sa vie au Château. Sera-t-elle sous les ordres d'une horrible chef cuisinière ? Le sir Livraux était peut-être en réalité qu'un horrible gredin... Elle finit par s'approcher de la grande place où elle était venue la veille avec Amaury lorsqu'ils avaient aperçu dame Blanche de Terre-Rouge. Une fois devant la Colline, Aléna ne sut plus quoi faire: devait-elle demander a un garde-cité ou bien, monter directement la ribambelle de marche qui menait jusqu'à l'entrée de la demeure. Elle se résolut à s'approcher du garde qui se trouvait devant les marches blanches. Il devait avoir une vingtaine d'années, l'âge d'Amaury, et il se tenait droit dans son armure de fer blanc qui lui couvrait le torse. Des cheveux sombres dépassaient de son casque qui lui recouvrait le visage et Aléna aurait juré qu'il la regardait depuis son arrivée sur la place.
" Excusez moi, je suis la nouvelle aide-cuisinière" elle sortit de son sac un parchemin sur lequel était écrit une lettre de recommandation de la part d'Anastasie et Mélisande. " Pouvez-vous m'indiquer comment entrer ?" demanda-t-elle de sa voix la plus assurée.
" Ton nom peut-être, jeune fille…" répondit le garde en souriant.
" Aléna. Juste Aléna"
" Et bien juste Aléna, ne montez les marches sous aucun prétexte, elles sont réservées aux conseillers et à leur invités. Pour toi il faudra passer par les souterrains." Voyant que cela ne l'avançait pas plus, il continua: " Si tu continues un peu plus sur la gauche, vers le Marché, tu tomberas sur une petite boutique de nom de "La Rose Colline" C'est l'entrée des domestiques, ils t'expliqueront une fois à l'intérieure.
Aléna remercia le garde-cité et se dirigea vers le marché. Quelle étrange façon de faire entrer les domestiques, les invités doivent escalader la hautes collines pendant qu'ils ont un passage secret. Quelques minutes plus tard, elle découvrit "La Rose Colline", un tout petit bâtiment coincé entre deux maisons de pierre. Aléna hésita à cogner à la porte puis, finalement, elle entra. L'intérieur de la petite boutique était sombre, une faible lumière provenant de la porte éclairait la pièce. Ce qu'Aléna remarqua en premier fut une odeur de fleurs et de plantes si forte qu'elle faillit se boucher le nez. Et pourtant, il n'y avait pas de fleurs en vue.
" Puis-je vous aider" Demanda une voix, " Bienvenue dans ma boutique de parfum."
Une boutique de parfum, voilà qui était original, ce n'était surement pas à Stagj que l'on pouvait trouver de pareille découverte. Elle comprit mieux l'odeur oppressante de l'air et le nom de la boutique.
" Je voudrais accéder à la demeure du haut-conseiller Livraux. Je suis Aléna et j'ai ici une lettre de recommandation."
Un homme sortit de la pénombre et Aléna put enfin mettre un visage sur cette voix grave qui l'avait faite sursauter. Le vieil homme lui fit penser à Rudrick Hessle. Il était petit et trapu et portait une barbe grise et courte dans laquelle s'entremêlent quelques fines tresses.
" Mais bien sûr, suivez-moi." dit-il après avoir observé avec attention sa lettre. Il la conduisit dans l'arrière boutique où se trouvaient amassés des tas de fleurs séchées qui dégageaient une très forte odeur de feuilles mortes. Ils s'arrêtèrent finalement devant une petite porte en bois au fond le la pièce.
" Voici l'entrée des domestiques. Normalement vous vivez à l'intérieur de la demeure donc je ne devrais pas vous revoir de sitôt. Au revoir." dit le vieil homme en ouvrant la porte avec une grosse clef rouillée. "Et voici une lanterne, vous en aurez besoin durant la traversée. Si la flamme s'éteint, ne paniquez pas, il suffit d'aller tout droit." continua t-il en lui tendant une grosse lanterne de fer grisâtre. Aléna le remercia et s'engagea dans le sombre couloir.
Même avec la lumière de la lanterne, il lui fallut du temps pour s'habituer à l'obscurité du couloir. Elle distingua la forme des pierres sur les murs, le sol et le plafond et elle fut soudain prise d'une sensation de panique. Son cœur commença à battre plus vite et une goutte de sueur perla sur son front. Mais elle se rappela les leçons de Madame Figue, elle ne devait pas trembler. La peur ne devait pas la contrôler. Alors elle avança à pas lent dans le silence. Le chemin était en montée, elle se rendit compte qu'elle était en train d'escalader la colline. Elle se demanda comment tous les domestiques avant elle avaient bien pu parcourir le même chemin sans finir tétanisé à l'arrivée. Mais peut-être que c'était un test. Elle se souvint de ce que lui avait dit le vieil homme de la boutique des parfums, elle ne repasserait probablement pas pas là avant longtemps. Elle regretta de ne pas avoir dit au revoir à Amaury. Lui qui s'était réveillé exprès pour lui souhaiter bonne chance.
Au bout de ce qui lui parut être une éternité, elle arriva devant une nouvelle porte en bois. Elle entra sans frapper et se retrouva directement dans une petite salle à l'allure coquette dans laquelle se trouvait une grande table en bois et un assortiment de fleurs dans un vase. La pièce était éclairée par plusieurs bougies et par une grande fenêtre qui donnait directement sur une petite cour intérieure, le sommet de la Colline sûrement. La salle n'était pas vide, une petite silhouette se trouvait avachie sur une chaise en bois, cachée derrière l'énorme bouquet posé sur la table. Une petite voix aiguë s'éleva dans les airs et la silhouette se redressa.
" Tu dois être Aléna, n'est ce pas ?"
Une jeune fille se trouvait désormais devant Aléna. Elle devait avoir quelques années de plus qu'elle et portait une robe bleue pâle et un tablier bleu marine. Ses yeux sombres étaient cerclés par de longs cils noirs et ses cheveux bruns tombaient en deux tresses dans son dos.
" Je suis Élise, je m'occupe de beaucoup de choses ici mais tu me retrouveras le plus souvent dans la cuisine." continua -t-elle. " On m'a demandé de te montrer le chemin."
" Vous avez tous dû passer par ce couloir ?" demanda Aléna encore tétanisée.
" Le boyau ? Oui on est tous passé par là. Ne me demande pas pourquoi nous sommes forcés de marcher en pente dans une grotte, je ne saurais pas te répondre. Sir Livraux a essayé de trouver un autre chemin mais apparemment c'est une tradition."
" Le boyau ?" répéta Aléna
" C'est comme ça qu'on appelle le tunnel. Viens, je vais te montrer ta chambre puis la cuisine, Katya a bien besoin d'une nouvelle apprentie, elle sera ravie de te rencontrer. Katya, c'est la cuisinière en chef, elle vient de Montaux."
Élise conduisit Aléna dans les dédales de la demeure du haut-conseiller tout en racontant les derniers potins parmi ceux qui travaillaient ici. Elle était d'une nature amicale et joyeuse qui plut à Aléna. Elle se sentit tout de suite entourée par une vague de chaleur qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps. Au bout de quelques instants, elles débarquèrent dans un grand couloir qui menait sur plusieurs portes les unes à côté des autres.
" Ton nouveau chez toi !" s'écria Élise en ouvrant la première porte sur la gauche.
La chambre était minuscule: juste la place pour un petit lit et un meuble qui servait à la fois d'armoire et de bureau. La luminosité à l'intérieur surprend la nouvelle arrivée. Une grande fenêtre au fond de la pièce donnait sur la ville en contrebas. Aléna voulut s'approcher pour regarder la capitale mais Elise lui attrapa le bras avant qu'elle ai pu faire trois pas. La jeune domestique lui tendit une clef et s'excusa:
" Je suis désolé nous n'avons pas vraiment le temps pour nous reposer, il faut que tu rencontre Katya avant"
Aléna suivit une fois de plus la silhouette frêle d'Élise à travers le dédale de couloir qui menait à la cuisine. Élise lui expliqua que le rez-de-chaussée était réservé aux nombreux domestiques de la demeure, le premier étage était celui des salles de réunions et de conseil et puis les appartements du haut-conseiller se trouvaient dans une des tours mais Élise ne savait pas vraiment laquelle. Aléna écouta en silence et essaya de retenir toutes les informations qui pourraient lui être utiles pour retrouver Roland ou Neven.
Finalement, elles arrivèrent dans une grande salle dans laquelle un feu de cheminée éclairait une grande table et une multitude de plantes de d'aliments en tout genre. Pour Aléna, la cuisine raviva les souvenirs du grenier de madame Figue. Dans un coin de la salle se tenait une petite dame ronde occupée à préparer une pâte farineuse. Ce qui étonna Aléna était que la femme arborait des cheveux aussi blonds que ceux d'Amaury.
" Je viens de Montaux." s'énerva la cuisinière en remarquant son regard.
" Je suis désolée, je ne voulais pas vous fixer comme ça…" murmura la jeune fille. " Je m'appelle Aléna et je suis prête à vous aider en cuisine !"
" Heureusement que tu es prête à aider sinon jamais j'aurais demandé à Théobald de t'embaucher. Maintenant viens m'aider à préparer la tarte."
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