Chapitre 5

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Le vent dans les cheveux, il s'éloigna au galop de la capitale. Amaury avait peur. Il avait peur de ce qui allait advenir de lui désormais. Il avait peut-être toute la garde à ses trousses, il allait peut-être devoir se cacher jusqu'à la fin de la guerre, il allait peut-être… Il secoua la tête et fit ralentir sa monture. Cela ne servait à rien de paniquer, il devait faire profil bas pendant quelque temps et toute l'histoire finirait par s'arranger. La honte lui parcourut néanmoins le ventre, il avait laissé Aléna seule sur la Colline, alors que la ville regorgeait de brigands et de criminels. Il longea un petit ruisseau au bord du petit chemin de terre et fit boire quelques instants son cheval. peut-être que la garde n'avait pas encore appris qu'un jeune hautois s'était infiltré dans la capitale. Il avait encore du temps devant lui pour se trouver un replis ou se cacher quelques instants. Amaury se décida à quitter le chemin boueux et s'enfonça dans la forêt à l'ouest de la capitale. Il vagabonda plusieurs heures durant lesquelles la chaleur du soleil faisait perler des gouttes de sueur sur son front. Il n'avait pourtant pas d'autres choix que de fuir la capitale. C'est ainsi qu'il débarqua à Derdre, tremblant de peur et de sueur.

Derdre, était une toute petite ville derrière la forêt dont peu de gens connaissait l'existence: le parfait endroit pour se cacher. Amaury s'arrêta avant d'entrer dans la ville pour observer ses alentours. À l'est, la forêt et à l'ouest la frontière avec Montaux. Quelques fermes ici et là subsistent grâce à la vente de bois et de bétail et puis Derdre, la ville des bûcherons et des pêcheurs. Amaury ne voulait pas rentrer dans la ville de peur de se faire remarquer et il se décida pour une petite fermette à l'orée de la forêt. Cette dernière était minuscule, à peine la place de tenir une famille, et encore moins un invité. Mais Amaury se ferait petit, il pourrait même dormir avec sa monture s'il le fallait. Il devait se faire accepter dans la ferme, sa vie en dépendait. 

Après quelques coups brusque sur la porte, une femme d'une cinquantaine d'année aux yeux ridés lui ouvrit. 

" Qu'est ce que vous voulez ?" demanda-t-elle d'un ton sec.

" Juste le gîte pour quelques jours. J'ai de quoi payer." précisa-t-il.

" Ils disent tout cela et après ça reste pendant des lustres. Allez dans la grange, vous serez peut-être un peu serré mais écoutez je suis une fermière moi, pas aubergiste." Et elle ferma brutalement la porte sur le nez d'un Amaury perplexe. "Serré ?" Mais il était seul ? Il contourna la ferme en tenant par les rennes son hongre épuisé et découvrit ce que la dame appelait une grande. Un simple cabane en bois qui contenait sûrement des ballots de foin et de paille. Il n'y avait pas de place pour un homme, encore moins pour un homme et son cheval. Il retira son chapeau pour laisser ses longs cheveux sécher au soleil et ouvrit la porte. 

Il ne s'attendait surement pas à découvrir un autre jeune homme, torse nu, endormi dans la paille.

Amaury s'immobilisa sur le pas de la porte. Il ne pouvait ni avancer, ni reculer, de peur de réveiller l'inconnu. Et pourtant, il ne pourrait pas rester une éternité. 

" Je t'ai vu, tu peux rentrer maintenant." dit l'inconnu d'une voix grave en plissant les yeux face à la lumière du soleil.

Amaury sembla sortir de sa transe et il essaya rapidement de remettre son chapeau sur ses cheveux. Une fois la porte refermée derrière lui, il prit le temps de détailler l'homme qui se trouvait avec lui. Il comprit ce que voulait dire la fermière quand elle parlait d'être serrés. Il avait le visage fin et anguleux, des pommettes saillantes et le nez droit. Ses cheveux étaient foncés, presque noir, et descendaient en lourdes boucles ondulés dans son cou.

" Et tu es ?" continua le jeune homme en se redressant.

" Amaury" répondit précipitamment le hautois. " Je suis désolé de te déranger pendant ton sommeil, je pensais que la grange était vide. Je vais aller me trouver un nouvel endroit pour dormir, ne t'en fais pas." 

" Je ne voulais pas te faire fuir" s'esclaffa le brun. " Je suis juste un peu surpris de trouver quelqu'un d'autre caché ici." 

" Caché ?" répéta Amaury. Il se surprit à s'asseoir sur une botte de paille pour écouter la réponse du brun. 

" J'ai quelques problèmes familiaux, il vaut mieux que je m'éclipse pendant un temps avant que ça ne tourne au chaos." précisa-t-il plus sérieusement. Il se retourna pour attraper une tunique vert vif qu'il passa sur son torse. La couleur vive fit tiquer Amaury mais il n'aurait pas pu dire pourquoi. Il se contenta de regarder l'inconnu en attendant plus de détails.

" Je ne t'en dirais pas plus." s'esclaffa le jeune homme. " Mais toi tu peux me dire pourquoi tu viens également te cacher dans cette vieille ferme miteuse." 

" J'ai eu des problèmes avec les gardes-cité de Château-Bas." avoua Amaury. " Je ne peux pas t'en dire plus non plus." ajouta-t-il rapidement. 

Le regard de l'inconnu se fit plus sombre à la mention de la ville.

" Tu viens de Château-Bas ?" demanda-t-il.

Amaury ne pouvait se permettre de dire la vérité alors il inventa une histoire. De toute façon, il ne reverrait probablement jamais ce jeune homme.

" Oui, je viens de la capitale." 

" Comment c'est là bas ?" 

" C'est un peu la pagaille mais je pense que les choses vont finir par s'arranger." répondit honnêtement Amaury. 

Le jeune homme en face de lui acquiesça. Il semblait perdu quelques instants dans ses pensées puis il finit par rire d'un rire sincère. Amaury était de plus en plus intrigué par cet étrange personnage.

" Bon ce n'est pas que je ne t'aime pas mais j'ai du sommeil à rattraper donc nourris ton cheval et vient dormir, Amaury." 

Le jeune homme blond battit quelques instants des yeux, sans comprendre ce qu'il lui avait dit. Les hennissements de son cheval, affamé, le firent revenir à lui et il sortit précipitamment de la grande en attrapa quelques brins de foin.

Une fois dehors, il put enfin souffler. Il ne savait pas pourquoi mais il avait retenu sa respiration durant la fin de la conversation. Peut-être était-ce parce qu'il avait peur qu'on découvre son secret ? Il prit son temps pour s'occuper de sa monture et lorsqu'il revint dans la grange, le jeune inconnu s'était endormi profondément. Amaury s'allongea sur une botte de paille à l'extrême opposé du jeune homme et essaya de s'endormir. C'est alors qu'il réalisa que l'inconnu ne lui avait pas dit son nom.

Pour la première fois depuis longtemps, Amaury rêva. Il rêva de son enfance à Resort, avec ses parents et Roland et il eut soudain un mauvais pressentiment. Qu'allait-il arriver à son frère ? Qu'est ce qui lui avait permis de rejoindre ce groupe de brigands ? Soudain, il entendit un bruit et il se réveilla en sursaut. 

" Désolé, je ne voulais pas te réveiller."  

Devant lui se tenait l'inconnu dont il avait complètement oublié l'existence. Il était vêtu, cette fois-ci, et il s'apprêtait à quitter la grange à pas de loups. 

" Je vais prendre un petit casse-croûte avec Edna. Tu peux venir si tu veux. Mais tu ferais bien de remettre ton chapeau. Amaury." dit l'inconnu.

Amaury se redressa précipitamment et attrapa son chapeau qui était tombé au sol durant la nuit. 

L'inconnu avait vu qu'il n'était pas de la Basse, allait-il le dénoncer ? Devait-il partir ? Une multitude de questions se bousculèrent dans l'esprit d'Amaury. Mais la seule qui passa le bout de ses lèvres fut: 

" Quel est ton nom ?" 

Le brun se retourna au moment de quitter la grange et ses yeux pétillaient.

" Tu n'avais pas compris ? Je m'appelle Neven Livraux." dit-il en souriant. 

Et c'est alors que Amaury comprit qu'il n'allait pas être dénoncé. Il détenait un secret bien plus grand: il avait trouvé Neven.

Amaury n'aurait jamais imaginé prendre le petit déjeuner autour d'une table en bois bancale en compagnie d'une fermière aigrie et du fils d'un haut-conseiller. Surtout quand le petit déjeuner consiste en une soupe au tubercule brûlante. Il tenta un début de conversation bien vite arrêté par le silence de la réponse. Alors il mangea sa soupe et se tut. Il sentait la présence de Neven Livraux à ses côtés et cela le perturbait. Il venait de rencontrer quelqu'un qui pourrait le mener à son frère. 

Une fois de retour dans la grange, Amaury prit son courage à deux mains et vint se poser devant le fils du haut-conseiller. Ils n'avaient toujours pas discuté du fait qu'ils connaissaient un des secrets de l'autre. 

" Vas-tu me dénoncer ?" dit-il en croisant les bras sur son torse. 

" Pourquoi ? Tu viens de la Haute n'est ce pas ? Que pourrais-tu bien faire seul ?" 

" Je pourrais faire partie du groupe de brigands qui attaquent les convois de marchandises !" s'écria Amaury.

Neven haussa un sourcil. "Mais tu n'en fais pas partie." 

" Comment peux tu en être si sûr ?"

" Je ne le peux pas. Mais il va falloir que je te fasse confiance." répondit calmement Neven.

" Qu'est ce que ça fait d'être seul et loin de ta famille ?" demanda Amaury doucement.

" Je pourrais te retourner la question." 

Les deux jeunes hommes se fixèrent quelques instants sans trop savoir comment continuer la conversation. Amaury voulait lui faire confiance, mais il avait peur que cet étranger le trahisse. Peur de finir en prison, ou pire, pendu. 

" Tu viens d'où ?" demanda Neven en brisant le silence qui s'était installé.

" Resort." murmura Amaury. 

" La ville à la frontière avec la Basse ? Pas loin des combats ?" s'écria Neven. Amaury acquiesça et il continua: " Je suis désolé." murmura-t-il.

Et alors, Amaury lui raconta son histoire. Comment il était arrivé dans la Basse, comment il avait rencontré Aléna, comment il avait voyagé ensemble jusqu'à Château-Bas, et puis comment il avait finalement dû l'abandonner dans la capitale.

" Je dois lui envoyer un message, pour qu'elle sache que je suis ici." murmura-t-il. 

" Je suis désolé mais ce n'est pas possible. Si ce message tombait entre de mauvaises mains, on pourrait penser que c'est moi, qui envoie ce message à mon père. Et il ne faut surtout pas qu'on me retrouve avant le retour du calme dans la capitale." 

" Tu comptes rester cacher éternellement dans cette grange ?" demanda Amaury.

" Il faut que j'aille à Ile-Rive. Là-bas je serai en sécurité." 

" La capitale de Montaux ? Tu comptes partir de la Basse ?" 

" Rien ne me dit que les brigands ne vont pas fouiller la région dans ses moindres recoins pour me retrouver. À Montaux je serai en sécurité. La région est neutre." 

" Et que dira Guilhem Presars lorsqu'il découvrira que le fils du haut-conseiller de la Basse se cache dans sa région ?" 

" Comme je serai caché, on ne me trouvera pas !" s'écria Neven. "Je pars demain. À toi de décider si tu m'accompagne ou non." continua-t-il.

" Moi ? Partir à Montaux ? Qui me dit que ce n'est pas un piège ?" 

" Je ne pense pas que je sois en position pour te tendre un piège. Et puis tu as beaucoup plus à gagner: Montaux ne rejette pas les gens de la Haute et tu pourras vivre sans te cacher." 

L'instinct d'Amaury lui crie de suivre le jeune bassois jusqu'à Montaux. Il pourra enfin vivre libre et ne plus avoir à se cacher. Et pourtant, Aléna lui manquait. Comment allait-elle le retrouver ? Que ferra-t-elle seule dans la capitale ? 

Mais il avait trouvé Neven et c'était une de leurs missions. Maintenant Amaury ne pouvait pas le perdre des yeux. Il devait le suivre. 

" Je viendrais avec toi." 

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