Chapitre 7
Neven avait réveillé Amaury aux premiers rayons du soleil le lendemain matin. Le fils du haut-conseiller était déjà prêt alors que le jeune hautois peinait à ouvrir les yeux. Depuis qu’il vivait à Château-Bas il avait pris l’habitude de dormir beaucoup plus longtemps. Lorsque Neven lui lança son sac en plein visage, il ouvrit précipitamment les yeux.
« On part que tu sois prêt ou non. » annonça Neven.
« Si j’avais su dans quoi je m’embarquais, je n’aurais pas accepté. » ronchonna Amaury.
Les deux jeunes hommes demandèrent un sac de provisions à Edna qu’ils payèrent grassement puis ils allèrent chercher leur monture et prirent le chemin de terre qui longeait la forêt et contournaient la ville. L’étalon de Neven était magnifique. Un grand cheval bai à l’allure de royauté qui provenait sûrement d’une des vallées fertiles de Terre-Rouge.
Ce que Amaury n’avait pas prévu en acceptant de voyager avec le fils du haut-conseiller fut que ce dernier soit autant bavard. Amaury de nature plutôt discrète n’était pas prêt à accepter les multiples sujets de conversations de Neven. Que ce soit sur lui, son passé, la guerre, Aléna, sa famille. Neven ne tarissait pas de questions.
« Donc tu viens de Resort, as tu déjà voyagé dans le reste de la Plaine ? »
« As-tu des frères et sœurs ? »
« Ton oncle est la conseillère de Resort si j’ai bien compris ? »
« Et Aléna que représente -elle pour toi ? Est-ce ta compagne ? »
Amaury qui se contentait de répondre par oui ou par non se redressa sur sa monture.
« Aléna est comme ma petite sœur que vas-tu t'imaginer ! » s’écria-t-il offusqué.
« Tu parles d’elle comme si tu en étais amoureux désolé d’avoir mal interprété. » s’excusa Neven.
« Es tu paniqué à l’idée de devenir le futur haut-conseiller ? » demanda Amaury après un moment de silence.
Neven sembla réfléchir quelques instants puis il murmura:
« J’ai toujours su que j’allais prendre la place de mon père un jour. Ce n’est pas vraiment une surprise. »
« Ce n’est peut-être pas une surprise mais ça doit faire peur tout de même. »
« Je suis un peu stressé. » avoua Neven en souriant.
« Je n’ai jamais eu à m’inquiéter de tout cela. Je ne suis que le neveu du conseiller… Le poste de conseiller ne m’a jamais intéressé. Ça me terrorise en réalité. »
« Tu sais que tu n’as pas besoin de cacher tes cheveux avec moi. » murmura Neven en regardant les mèches blondes s’échapper du chapeau d’Amaury.
Ce dernier sourit et libéra ses longs cheveux blonds qui lui arrivaient presque aux épaules. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas senti le vent sa tête. A l’aide d’un ruban noir qu’il conservait dans une de ses poches il rassembla ses cheveux dans une coiffure simple. Il sentit le regard de Neven fixé sur lui et se retourna paniqué.
« J’ai quelque chose sur le visage ? » demanda-t-il.
« Oh non rien. » murmura le fils du haut-conseiller « parle moi de la Haute. »
Alors Amaury décrivit les vallées vertes, les ruisseaux, les collines, les champs de blé et de lin et ses yeux s’illuminèrent. Les souvenirs de sa région natale déferlèrent dans sa mémoire comme une vague. Il se surprit à parler pendant des minutes entières des paysages de la Haute, de sa maison à Resort et puis, il évoqua Roland.
« Qui est Roland ? » l’interrompit Neven. C’était la première fois qu’il parlait depuis que Amaury avait commencé à évoquer la Haute.
« Roland c’est mon frère. » dit doucement le jeune hautois. « Je crois que c’est lui qui a tenté de d’assassiner… » continua-t-il.
« Ton frère fait partie du groupe criminel qui sillonne les routes de la Basse. » Au lieu de s’énerver comme il aurait eu toutes les raisons de le faire, Neven fit s’arrêter son cheval. Il réfléchissait.
« Alors comme ça je voyage en compagnie d’un frère de mon assassin… » murmura -t-il.
« Je te promets que je n’ai rien à voir avec toute cette histoire. Je suis venue en Basse-Plaine seulement pour le retrouver et le ramener à Resort. »
« Je te crois… C’est juste étrange. »
Le silence s’installa entre les deux jeunes hommes et même Neven n’osa pas le briser. Ils voyagèrent à travers des champs sur des chemins de terre sur lesquelles ils ne croisèrent personne. Des heures s’écoulèrent avant que Neven ne reprenne la parole. Le soleil était déjà très haut dans le ciel et la chaleur commençait à les étouffer.
« Arrêtons nous au bord de ce ruisseau. Nous pourrons laisser les chevaux se désaltérer. » annonça-t-il.
Amaury acquiesça sans prononcer une parole, il avait encore peur que Neven lui en veuille pour qui il était.
Une fois installées en tailleur sur l’herbe humide, les deux jeunes hommes regardèrent leurs chevaux brouter les plantes tendres autour du ruisseau. Et puis soudainement, Neven se leva et retira sa tunique sombre.
« Qu’est ce que tu fais ? » bégaya Amaury paniqué.
Le torse bronzé de Neven reflétait les rayons du soleil. Les muscles de ses bras indiquait une activité physique intense et Amaury se sentit obligé de baisser les yeux.
« Je vais me baigner, il fait tellement chaud ici. »
Et aussi simplement que ça, il descendit dans le ruisseau. L’eau lui arrivait jusqu’aux épaules, laissant seulement visible son visage ambré et ses cheveux qui ondulaient sur sa nuque.
« Allez viens ! » s’écria-t-il a l’intention de son ami.
Amaury secoua la tête. Premièrement il n’allait pas retirer sa tunique devant le fils d’un haut-conseiller, et secondement il était bien trop secoué pour réfléchir correctement.
Voyant son air complètement perdu, Neven éclata d’un rire suave. Il sortit de l’eau et s’approcha d’Amaury.
« Ne me dis pas que tu ne t’es jamais baigné dans un ruisseau ? Tu es trop noble pour cela ? »
Le jeune hautois rougit de plus belle et recula de quelques pas, toujours assis dans l’herbe.
« Je n’aime pas me baigner ! » inventa Amaury en continuant de reculer.
« Dis tout de suite que tu ne m’apprécie pas! ce sera plus honnête. Allez viens ! »
Mais un bruit sourd de sabots sur la terre caillouteuse empêcha Amaury de répondre. Des voyageurs approchaient.
Neven sortit de l’eau précipitamment et remit sa cape par-dessus son visage. Amaury en fit autant pour camoufler ses cheveux. Tous les deux s’enfoncèrent dans la forêt qu’ils étaient en train de longer et traînèrent leurs cheveux derrière eux. Les bruits des sabots s'éloignent au loin. Les cavaliers s’étaient éloignés.
Neven sortit de la forêt et regarda aux alentours. Personne. Ils pouvaient enfin souffler, le pire était passé.
Neven retira sa cape et Amaury sursauta, il avait presque oublié que son ami était toujours torse nu.
« Tu ne veux toujours pas te baigner ? » demanda Neven.
« Sans façon merci… »
Et Amaury retourna s'asseoir dans l’herbe en prenant bien soin de regarder la plaine et non pas le ruisseau.
Le lendemain matin, après avoir dormi à la belle étoile sous la chaleur d’été des nuits de la Basse, Amaury fut de nouveau réveillé par le fils du haut-conseiller. Ce dernier préparait un peut déjeuner d’exception composé de fruits secs et de pain de seigle.
« Bien dormi ? » demanda Neven en se retournant vers le jeune hautois.
« Presque, j’avais des cailloux dans le dos, des insectes sur le visage et le bruit du ruisseau pour me tenir compagnie. » bougonna -t-il les yeux encore endormis.
« Ne me dis pas que tu n’as jamais dormi à la belle étoile ? » s’écria Neven. « D’abord le ruisseau, maintenant ça, je vais finir par croire que c’est toi qui a vécu dans un château et pas moi ! »
« J’apprécie les auberges quand je voyage, voilà tout. Si tu n’es pas content tu n’avais qu’à partir seul à Montaux. »
Amaury se dirigea vers le ruisseau et alla s’asperger le visage avec l’eau tiède appui regorgeait de petits poissons.
« Est ce que ton frère te manque ? » demanda Neven un peu en retrait.
Amaury se retourna surpris. Ils n’avaient plus parlé de son frère depuis qu’il avait évoqué le groupe des brigands.
« Un peu, nous étions très proches dans notre enfance et puis il s’est un peu éloigné. Mais je tiens toujours à lui et j’aimerais qui revienne à la raison. »
« Je n’ai jamais eu ni frère ni sœur, je me demande ce que cela fait. » murmura Neven.
« Oh ce n’est pas si sympathique que ça en a l’air. » dit Amaury en souriant. « Beaucoup de disputes, de bagarres, de jalousie et de colère. »
« N’empêche, peut-être que mon père m’aurait laissé un peu plus d’espace. » murmura Neven.
Puis il secoua la tête comme pour chasser des idées noires et il continua:
« Tu veux petit-déjeuner ? C’est Edna qui régale ! »
Amaury vint s'asseoir à ses côtés et tous les deux discutèrent en grignotant des fruits secs.
Amaury se sentait bien. Il n’avait pas à cacher qui il était avec Neven. Il en vint presque à espérer que cette journée ne s’arrête jamais.
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