Aprés la pluie, le beau temps ?
Mercredi matin. Après une mauvaise nuit à l’hôtel, gêné par le bruit et un matelas hors d’âge, je réalise que je n’ai pas pensé à acheter un rasoir. Ni de la mousse à raser d’ailleurs. Et que dire de la brosse à dent et du dentifrice ? Je suis rentré un peu trop éméché hier pour m’en être rendu compte.
Heureusement, comme ce nouvel investisseur est situé dans le quartier financier également, je vais pouvoir y aller un pied et ce n’est pas très loin, j’ai donc un peu de temps.
Je descends à la réception en espérant qu’ils vendent des sets de toilette. Sans surprise, il n’y a pas foule dans le hall. Est-ce la qualité de l’accueil ou la voix crispante du gérant qui chantonne sur l’air de « la grenade » de Clara Luciani qui passe à la radio ?
Miraculeusement, il arrive à me reconstituer un nécessaire de toilette en allant glaner ce dont j’ai besoin dans sa loge. Je le remercie chaleureusement et me fais aussi beau que possible avec ce que j’ai sous la main et ma nouvelle garde-robe achetée à la va-vite la veille au soir.
Et je me mets en route pour retrouver cet investisseur.
C’est comme le premier week-end que nous avons passé ensemble avec Jessica. J’avais oublié ma trousse de toilettes ! En même temps, j’avais tellement la pression. Comme elle adore les surprises, j’avais sorti le grand jeu. J’avais loué une voiture et étais passé la prendre le vendredi soir devant chez elle. Je lui avais délicatement bandé les yeux avant de mettre le GPS (sans la voix bien sûr !) et avais mis le dernier album de Grégoire dans la voiture. Pour installer le climat le plus romantique possible. Je pensais qu’elle allait être tout excitée par cette aventure mais elle avait dormi une bonne partie du trajet !
Je l’ai doucement réveillée lorsque nous étions devant notre chalet en pleine forêt. Et elle s’est émerveillée lorsqu’elle a vu le petit lac juste à côté avec un ponton pour plonger comme dans les films. Nous avons passé un week-end merveilleux. Et même des citadins comme nous ont apprécié cette parenthèse enchantée loin du tumulte de la ville. Je pourrai encore sentir l’odeur de la forêt et la douceur du vent qui traversait le lac et qui frappait mon visage…
Je m’arrête un instant sur le bord du trottoir et ferme les yeux qui commencent à se mouiller. Je me revois dans ses bras au bord du lac. La chaleur de sa peau, sa fragrance sucrée, mon cœur s’accélère et j’ai mal au ventre en y repensant.
Je reprends tout doucement ma marche mais un concert de klaxons me sort de ma rêverie. C’est vrai, plus que 8 jours !
Que se passe-t-il ? Arrivé à quelques centaines de mètres du bureau de mon investisseur, la route est complétement bloquée. Obligeant les voitures à faire demi-tour dans le chaos le plus total.
J’essaye de me faufiler entre des terrassiers et des badauds attroupés derrière un périmètre de sécurité qui regardent au loin une espèce de scaphandrier. Je parie qu’ils sont encore en train de tourner un film ! Ou une de ses séries calamiteuses avec un homme qui sort des égouts dans un futur apocalyptique. Intrigué, je demande à un des spectateurs particulièrement hypnotisés :
- Vous savez ce qui se passe ?
- Il paraît qu’en faisant la maintenance d’une canalisation, les ouvriers sont tombés sur une ancienne grenade qui date de la première guerre mondiale !
Ah ben décidément ! Pas le temps de gamberger, je me rends chez le nouvel investisseur sinon je vais être en retard.
Il me reçoit chez lui dans un très bel appartement insonorisé qui semble très loin de cette rue explosive.
Je lui explique le concept de la Matchbox en y mettant beaucoup d’emphase, il me semble très attentif et très intéressé :
— Mon ami a bien fait de vous aiguiller vers moi, c’est typiquement le genre d’innovations que nous cherchons pour notre fond, mêlant nouvelles technologies et impact social et environnemental.
— C’est exactement cela, comment la technologie peut aider à recréer du lien durable entre voisins !
— En revanche, nous avons un certain nombre d’exigences. Il me faut l’engagement de vos deux partenaires non seulement pour la réalisation du logiciel et du matériel de la Matchbox mais aussi en termes de réduction de leur bilan carbone. Quand pensez-vous être capable de m'apporter ces garanties ?
— Lundi prochain, cela vous conviendrait ? Je vous apporte ces garanties et vous me signez la lettre d’intention ?
Enfin une bonne nouvelle, il a accepté ! J’aime ce type de profil qui a été plutôt stimulé par les échéances courtes que je devais malheureusement lui imposer. Je rappelle le banquier pour décaler notre rendez-vous au mardi qui suit. Je suis censé signer avec le client mercredi prochain, je n’ai plus aucune marge de manœuvre !
Je prends un Uber pour me rapprocher de la zone industrielle de mon client qui se trouve à l’est de la ville. Ne surtout pas être en retard ! Je descends non loin dans une petite brasserie où viennent déjeuner les salariés de la zone qui en ont les moyens. Ça sent un peu le graillon mais j’arrive à trouver une table à peu près calme pour me concentrer.
Et je me lance dans un rapide bilan : dans les points positifs, j’ai de bonnes chances avec ce nouvel investisseur et un partenaire avec qui c’est quasiment bouclé. Dans les points négatifs, si ça ne fonctionne pas avec l’autre partenaire, l’investisseur ne me suit pas et donc le banquier non plus et donc tout s’écroule.
Merde, il faut vraiment que je trouve un plan B pour ce partenaire en charge du matériel.
La télé qui montrait les infos en fond sonore annonce la prochaine et énième tournée de Starmania. Ça me rappelle que Jessica aimerait tant aller voir le spectacle. Avec tout ça, je l’avais oubliée. Bien sûr, comme extrait, ils diffusent « le blues du businessman » de Michel Berger. Je repense à mes délires d’hier soir où les musiques que j’entends influenceraient ma vie ! Je suis con dès fois quand même !
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