En tête à tête avec moi-même
Le rendez-vous avec le client s’est relativement bien passé. Si je fais un dernier effort commercial et que je lui apporte la preuve de mes partenariats et de ma mise de fond, je sens qu’il va signer avec moi.
Et un bonheur n’arrivant jamais seul, j’ai reçu un message de mon assurance m’indiquant que mon appartement sera à nouveau accessible demain soir. Dernière nuit dans cet hôtel pourri !
Pour fêter ça, je décide de passer une bonne soirée avec mes potes que je n’ai pas vus depuis un moment ! D’autant que je n’ai pas de rendez-vous le lendemain. J’ai vraiment besoin de décompresser. Je les invite dans notre groupe WhatsApp au resto « Chez Félix », une bonne table du quartier et à un after au « calypso bleu », notre bar fétiche.
Je me dis ensuite qu’il faut que je m’achète quelques fringues un peu plus décontractées, je n’ai pas encore atteint le plafond de l’assurance.
Arrivé dans la boutique de vêtements, je reçois une notification. Ah dommage ! Alex avait déjà un truc prévu ce soir. Tant pis, on fera sans lui.
Et voilà, un jean casual en solde et un t-shirt un peu habillé suffiront. J’ai juste le temps de repasser à l’hôtel me changer. Tiens, maintenant c’est Karim qui avait déjà un plan avec sa copine. Bon, il faut que je rappelle « chez Félix » pour changer la réservation pour 3 au lieu de 5. Le patron m’a déjà fait une faveur en me trouvant une table pour le jour même, je ne veux pas abuser.
Je sors de la douche et j’ai un nouveau message de Nico cette fois qui me dit qu’il a une gastro. C’est vraiment la loose ! Bon ben, on va se contenter d’un « tête à tête » avec Fred, on fera plus court.
J’arrive chez Félix un peu en avance et me prends un petit Apérol. Toujours aucune nouvelle de Fred. Au bout d’une demi-heure et 3 Spritz, n’arrivant toujours pas à joindre Fred, j’appelle Alex mon meilleur pote :
- Mais tu sais bien que Fred est parti pour 3 semaines en vacances aux US avec sa meuf.
- Ah merde, non j’avais complétement zappé, je me retrouve tout seul comme un con…
- Ben oui, c’est ça de penser qu’à son taf et pas à ses potes. Je ne peux rien pour toi ce soir mec mais on pourra se rattraper ce week-end si tu veux.
Et là, soudainement, le vide, complet.
Alors que je pensais passer une bonne soirée, je me retrouve seul chez Félix, au milieu des vieux riches habitués du quartier. Je ne me suis jamais senti aussi mal. Quel sens a ma vie ? Jessica m’a plaqué, mes potes me lâchent, mon business me plante …
Je goûte à peine aux plats du menu « gourmet » que j’ai été obligé de prendre pour que le patron accepte de me refiler une table à nouveau. C’est une soirée pendant laquelle j’aurais pris cher, à tout point de vue !
Et si c’était vrai ?
Si ce que j’entendais changeait ma vie ?
Ce n’est quand même pas courant d’avoir une grenade découverte en pleine ville ! D’habitude c’est dans les champs, les anciens champs de bataille. Alors que j’avais entendu la chanson du même nom juste avant !
Et quoi qu’on en pense, là, je me le prends en pleine face « le blues du businessman » !
Je rentre dépité à l’hôtel en étant de plus en plus convaincu que je suis victime d’une malédiction. Et n’ayant pas de rendez-vous le lendemain matin, je ne mets pas mon réveil pour une fois.
Le lendemain, je suis réveillé par les femmes de ménage qui passent dans le couloir en écoutant de la musique sur leur petit poste radio. Même à moitié dans le coma, j’arrive à distinguer les paroles de la chanson « je suis malade » de Serge Lama.
Oh non ! Tout me revient en tête immédiatement ! Ma malédiction ! Tout ce que j’entends m’arrive ? Même si j’ai beau me dire que cela n’a aucun sens, je commence à trembler dans mon lit. Je ne sais pas si c’est la peur de ce qui va m’arriver où les premiers symptômes que je ressens.
Dans le doute, je me précipite pour regarder où est la pharmacie la plus proche et ce que je vais pouvoir demander comme médicament sans ordonnance et surtout sans savoir quelle maladie va me tomber dessus !
Submergé par mon angoisse, je commence à rechercher sur différents sites si d’autres personnes que moi ont été victimes de cette malédiction auditive. Après quelques essais infructueux, je trouve juste une secte baptisée « vibrations prémonitoires » qui offre à ses membres « une vision de leur avenir dans un champ sonore intense » !
Il faut que je sorte de ma chambre où j’ai l’impression d’étouffer. Je me lève pour aller petit déjeuner mais j’ai déjà la tête qui tourne. Devant mon café crème et mes tartines de pain pas frais, je suis pris d’une sinusite aussi soudaine que violente avec les yeux en pleurs et le nez bouché. J’ai maintenant besoin d’être au chaud dans le silence et le noir très vite.
Je remonte et m’enferme dans ma chambre d’hôtel en ayant pris soin de passer à la réception pour leur expliquer que je ne quitterai l’hôtel qu’en fin de journée et qu’il ne fallait absolument pas me déranger. L’assurance pourra bien payer !
J’ai une barre sur le front, les sinus et les tempes en feu. Au point où j’en suis, je me dis que si vraiment, ce que j’entends m’arrive, alors autant essayer de faire en sorte que ça me soit favorable.
Toujours mon opportunisme qui me sauve dans les pires situations !
Donc même si ça peut paraître délirant, je cherche sur mon téléphone une chanson qui pourrait me sortir d’affaire. Je tombe sur « La Guérison » de Glorious. Je ne connaissais pas mais c’est parfait. Je l’écoute religieusement dans son intégralité. Et comme je n’ai rien d’autre à faire dans ma chambre d’hôtel, je poursuis avec « Ne me quitte pas » de Jacques Brel, dès fois que ça marche avec Jessica !
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