Faronya déposa le gâteau sur la table et Yuga s’apprêta à souffler les bougies. Il inspira profondément, et…

La maison trembla, s’ébranla sur ses fondations, puis la porte explosa. Dans l’encadrement se tenait un homme à l’allure singulière. D’une demi-tête plus haut que Faronya, ses cheveux arboraient la même teinte rousse que sa barbe courte et broussailleuse. Il avait des joues rondes, les yeux brun-vert et le regard mauvais.

Le peuple des marais ne comptait que des femmes. Yuga, qui en était le seul garçon, n’avait jamais quitté le village et donc jamais croisé aucun homme, ce qui expliquait son étonnement. Mais la raison de la stupeur de Faronya était tout autre.

- Kyllan ? s’étonna-t-elle. Mais que… ?

Trois soldats de la garde royale entrèrent à la suite de l’homme, leurs lourdes armures de métal cliquetant à chacun de leurs pas.

Sur un ordre du dénommé Kyllan, deux des guerriers se précipitèrent sur Faronya. La sorcière se débattit comme une diablesse, mais elle ne fit pas le poids face aux gardes, lourdement armés. Le troisième saisit Yuga par le col.

Le garçonnet gigota et se démena, tentant en vain de mordre la main du guerrier qui l’avait attrapé. L’homme puait l’alcool et le fumier. Lui aussi avait le regard torve. Il ricana bêtement.

- Pose-le, ordonna Kyllan.

- Mais… balbutia l’homme à l’haleine nauséabonde. Vous aviez dit de…

- Et moi je te dis de le lâcher.

Le garde puant lâcha Yuga, qui s’écrasa face contre terre. L’homme aux cheveux roux posa son regard sur le petit garçon et l’observa.

Son visage était étrange. Le gamin avait des traits fins et incroyablement anguleux, un long nez pointu et des yeux noirs en amande. Il était petit, frêle, et aurait facilement pu se faire passer pour une fille. Il ne ressemblait pas à sa mère, et encore moins à son père.

- Bon, lâcha soudain Kyllan, s’arrachant à la contemplation de cette figure inhabituelle. Va chercher tes affaires, gamin ! Prends tout ce que tu as.

Yuga ne se le fit pas dire deux fois. Il fila à l’étage pour déposer ses quelques possessions dans sa besace mitée. Il emporta deux boîtes de peinture, son ours en peluche et des vêtements de rechange, puis bourra dans le sac tout ce qui se trouvait sur son bureau bancal. Enfin, il descendit l’escalier grinçant et s’avança vers l’homme en armure.

Faronya cria, le troisième garde s’avança vers elle pour la faire taire. elle tira deux boules de feu, mais le manqua. Le feu prit sur le vieux canapé dévoré par les mites, aussitôt éteint par les trois guerriers. La sorcière profita de cette distraction pour embrasser Yuga sur le front. Elle pleurait, mais son regard était ardent quand elle releva la tête vers Kyllan.

- Tu me le payeras, saleté ! déclara-t-elle sèchement.

Seul le rire de l’homme en armure lui répondit, puis il entraîna Yuga hors du village.

- Excusez-moi, Monsieur, mais vous êtes qui ?

L’homme arbora soudain un air scandalisé.

- Quoi ? Faronya ne t’a rien dit ? Écoute, gamin, tu ne vas pas me croire, mais je suis… Tu es mon fils.