Chapitre 3, où je rencontre une sœur timide et un frère qui me déteste
Le regard dans le vague, Yuga observait le paysage. Comme il était étrange de traverser une vallée sans eau puante ni moustiques ! Le paysage qui s’offrait à lui prenait à ses yeux un air de paradis.
Non que la plaine de Lorule eût quoi que ce soit de paradisiaque. L’air était putride et l’herbe sèche, d’une vilaine couleur grisâtre, crissait sous les pas de l’homme, du gamin et des chevaliers. Les champs de blé et de légumes dépérissaient.
Puis, comme par les yeux d’un autre, Yuga vit la maladie, la misère et la méchanceté qui recouvraient peu à peu le royaume.
C’était donc ça, Lorule, le royaume dont il avait tant rêvé, la terre qui le faisait jubiler quelques secondes plus tôt ? Un immense terrain vague nauséabond ? Ce que le garçonnet voyait n’était que laideur. Il était déçu, furieux même, contre ceux qui avaient laissé le royaume tomber en déchéance. Sans trop savoir pourquoi, il se sentait terriblement coupable.
Il n’adressa pas la parole à Kyllan, qui avait entrepris de lui expliquer comment il avait rencontré Faronya et comment leur fils était né. Puis il demanda à Yuga s’il avait compris. Absorbé par la contemplation du paysage infâme de Lorule, le petit garçon lui répondit par un « hmm » absent. Mal lui en prit, car Kyllan répéta alors tout son baratin.
Le calvaire de Yuga dura une bonne demi-heure, après quoi les chevaliers à demi assommés par le verbiage ennuyeux de leur chef prirent la route du château. Quelques minutes plus tard, Kyllan et Yuga arrivaient en bordure du village des voleurs. Kyllan conduisit son prétendu fils jusqu’à une maison de trois étages au toit violet et aux fenêtres biscornues. Il poussa la porte et tous deux entrèrent.
En haut de l’escalier qui menait à l’étage se trouvait un garçon grand et large d’épaules d’une douzaine d’années. Rien que ses traits carrés et son visage fier apprirent à Yuga qu’il était le fils de Kyllan. Et son expression hautaine lorsqu’il parla lui donna la certitude qu’il allait le détester.
– Alors c’est notre petite sœur ?
– Petit frère, corrigea Kyllan. Votre petit frère.
– Ouais ben il a l’air d’une fille, dit le garçon, qui se tourna vers Yuga avec un air de désintérêt total. C’est quoi ton nom ?
– Yuga. Je m’appelle… Yuga.
Un sourire moqueur déforma le visage déjà ingrat de son soi-disant frère.
– T’as un nom de fille, affirma-t-il. Et une voix de fille.
– Et toi ? demanda Yuga, pressé de changer de sujet.
– Julius, mais… tout le monde me connaît ici. Tu sors d’où, toi ? D’une poubelle ?
Quelqu’un soupira derrière le garçon. Yuga leva la tête et vit une fillette de dix ans, frêle et plus que jolie, dont les longs cheveux bruns étaient attachés en deux tresses.
– Yuga… moi je trouve ça joli. C’est original. Moi, c’est Amanda.
Ses beaux yeux verts paisibles et le timbre doux de sa voix assuraient à Yuga qu’il allait l’apprécier.
Puis Kyllan se tourna vers son fils aîné.
– Je retourne au château, annonça-t-il. Je reviens dans la soirée. Ne m’attendez pas pour manger.
Il avait à peine quitté la maison que Julius se jeta sur Yuga et le frappa violemment au menton.
Yuga se releva péniblement. Il avait le goût du sang dans la bouche.
– Mais… bafouilla-t-il. Mais que ?
Julius eut un sourire mauvais.
– Eh ben quoi, t’as peur de t’battre ? Viens me prouver que t’es pas une fille ! Trouillarde !
Yuga cracha un peu de sang. Il n’aimait pas se battre, et le garçon qui lui faisait face avait deux fois son âge.
– Non, je…
Il reçut une baffe terrible et heurta le mur. Julius rit méchamment quand son demi-frère se redressa non sans difficulté.
Yuga fit face à Julius. Cette fois, le garçon large d’épaules ne riait plus. Il sembla même effrayé quand il croisa son regard. Ses yeux habituellement noirs étaient remplis de feu multicolore. Julius se força à ricaner encore un peu. L’instant d’après, Yuga tombait au sol, inconscient.
Avant que son grand frère puisse le frapper, Amanda s’avança, prit le petit garçon dans ses bras et le conduisit à sa chambre.
"""Pour ceux qui cherchent un sens à ce chapitre, il n'y en a pas. Il l'a juste frappé parce qu'il ne l'aime pas. Ouais, Julius est comme ça."""
Annotations
Versions