Chapitre 17, où la plus belle des fleurs découvre Lorule
Hilda sautillait gaiement, l’herbe sèche crissant sous ses pieds. On était quelque part à la fin du printemps, dans cette période douce, presque agréable, qui précédait l’épouvantable été Lorulien.
La princesse courait, riait, trouvait des fleurs dans les fourrés au bord des sentiers. Yuga la suivait, sans entrain. Il observait le paysage, songeur. Peut-être aurait-il dû emporter un carnet et un crayon ?
La voix de la fillette le tira de ses rêveries.
— Tiens Yuga, pour toi !
Hilda lui tendit un petit bouquet de marguerites. Toutes les fleurs étaient flétries, fanées, sauf une. Une unique marguerite, resplendissante, au milieu de ces inflorescences pourries.
C’était superbe. En cet instant, Yuga pensait à la petite princesse. À Hilda. Une dernière fleur magnifique dans un talus de mauvaises herbes. Le peu de bonté, de beauté, qui restait dans ce monde de fous.
— Approchez, Votre Grâce.
Il arrangea délicatement la petite fleur blanche dans les cheveux de la princesse, et jeta le reste dans une faille.
— Voilà, murmura Yuga. La dernière fleur au milieu des immondices. Pas loin de la beauté absolue.
Et Hilda, ne sachant pas s’il parlait d’elle ou de la fleur, sourit jusqu’aux oreilles.
Yuga était inquiet. Mais où la princesse était-elle passée ? Il avait crié son nom, retourné chaque brin d’herbe, sans réussir à la trouver.
Puis il y eut un cri au loin.
Hilda.
En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, Yuga avait filé dans la direction du cri.
Elle était debout à l’entrée du village, le dos plaqué contre les briques d’une maison. Son cœur battait la chamade, elle avait des frissons. Une demi-douzaine de voleurs avait acculé la princesse.
— Tu t’rends compte que tu peux porter ça alors qu’on coupe l’herbe dans l’espoir d’y trouver un rubis ?! demanda un femme à l’air revêche.
Elle se saisit du collier de la princesse et tira. Le fil rompit, les perles se déversèrent en rivière sur la terre boueuse. Puis ce ne fut qu’un concert de cri et d’injures.
— Incapable !
— Irresponsable !
— Pourrie gâtée !
— Elle a été élevée avec une robe !
L’un des voleurs tira un poignard et le leva. Hilda ferma les yeux.
— Lâches ! Vous osez vous en prendre à un enfant ? Une gamine d’à peine sept ans ? Vous êtes vraiment en-dessous de tout !
La princesse rouvrit les yeux, juste à temps pour voir Yuga gifler l’un des voleurs sans la moindre retenue, ni les manières qu’elle lui connaissait.
Hilda se redressa. De la peur, elle était passée au mépris. Les voleurs, en lâches qu'ils étaient, s’étaient enfuis. Ils étaient six contre deux, et ils avaient fui.
La fillette tira la langue avec dédain.
— Eh bien, Votre Grâce, ce ne sont pas là les manières d’une princesse ! la réprimanda Yuga, le doigt levé.
Mais il souriait.
— Bien, ajouta-t-il. Je crois que ça suffit pour aujourd’hui. Le soleil se couche, ce sera bientôt à votre tour. Rentrons.
Et la princesse obtempéra de mauvaise grâce.
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