Chapitre 18, où je retrouve un objet du passé
— Une épée pour un précepteur ? C’est original ! lança le capitaine de la garde royale, en poussant la lourde porte.
— Peut-être pas une épée, mais…
Le capitaine entra dans l’armurerie. Yuga hésita un instant, puis finit par le suivre.
La pièce n’était pas grande. Deux mannequins d’entraînement moisissaient dans une caisse, une odeur de transpiration tenace occupait les lieux. Le sol était si poussiéreux qu’on y voyait les traces des dernières personnes y étant passées.
— J’comprends pas… Pourquoi un intellectuel aurait b’soin d’une arme ?
— À vrai dire, je me considère plus comme un artiste que comme un intellectuel. Et pourquoi une arme ? Pour protéger Sa Grâce.
Il n’aimait pas les chevaliers. Ils étaient rustres et malpolis. Il n’était certainement pas venu trouver le capitaine pour le plaisir de voir son visage disgracieux et sa coupe au bol magenta.
— Bon… dit le chef de la garde d’un air absent. Épée à une main ? Deux mains ? Lance ? Rapière ? Ou alors un arc ?
Yuga regardait à gauche, à droite, tentant de penser à autre chose que la puanteur qui lui faisait froncer le nez. Et il aperçut un objet dans une vitrine.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Ça ? répondit le capitaine. Un bâton magique. Héritage d’la famille royale.
Yuga hésitait. Il n’aimait pas la magie. C’était une force dangereuse et incontrôlable. Mais cette baguette aux allures de torche n’avait rien de destructeur.
— Je peux l’essayer ?
— Bah, si’ous voulez, mais c’est pas le sceptre royal. Peut juste créer des dessins en deux dimensions, donc pour le combat…
Mais les yeux de Yuga pétillaient comme ceux d’un enfant dans un magasin de jouets. Il ouvrit la vitrine et prit la baguette.
Presque instantanément, il sentit une énergie froide et réconfortante remonter le long dans sa main, puis jusqu’à son épaule. Il balança son bras en arc de cercle, et des taches multicolores apparurent sur le mur au fond de la pièce.
C’était nouveau. C’était agréable. Et, un instant, Yuga vit une image passer devant ses yeux. Un homme appuyé sur ce même bâton, plus âgé que lui, mais étrangement semblable en apparence. Même teint pâle, yeux bleu sombre et chevelure couleur de feu. Vulnérable, sans doute aux portes du royaume de Lorya.
— Tout va bien ? demanda le capitaine, en secouant sa main devant le visage du sorcier.
— Hein ?!
Yuga sursauta.
— Oui, tout… tout va bien. Je vais emporter la baguette.
— D’accord. On pourra enfin mettre aut'chose dans cette vitrine.
Et le capitaine le regarda s’éloigner à grandes enjambées dans le couloir de pierres grises.
— Quel phénomène, ce Yuga ! dit-il finalement, quand l’ami de la princesse fut hors de vue.
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