Chapitre 20 , où Hilda prend une drôle de décision, puis il y a un bal
Le château était silencieux. Ce n’était pas un silence comme les autres, non, c’était une atmosphère pesante, triste et inquiétante. Un silence de mort. Les serviteurs s’activaient machinalement.
Ils nettoyaient, cuisinaient, s’activaient, comme si de rien n’était, mais Yuga n’était pas dupe. Quelque chose n’allait pas.
À la première occasion, il interpela une servante qui passait le balai.
— Qu’est-ce qui se passe, au juste ?
— Eh ben…
La nettoyeuse, à peine plus âgée que lui, se tortillait les mains.
— Bah vous voyez, l’aut’conseiller, là…
— Oui ?
Elle était mal à l’aise. Yuga ne la dépassait que de quelques centimètres, mais sa présence en imposait. La jeune femme pouvait sentir son regard perçant qui la traversait de part en part.
— Celui qui s’occupait d’la paperasse, qui dirigeait l’royaume, en attendant que Son Altesse…
— Sa Grâce.
— En attendant que Sa Grâce soit assez mûre pour diriger. Bah il est mort.
— Pardon ?!
— Il est mort. Éteint, trépassé, emporté par la Déesse. Paf, comme ça ! Bah, il était plus tout jeune. Pis du coup, là, Vot’Grâce va désigner qui s’ra l’nouveau conseiller.
— Ah bon ? Quand ça ?
— Bah, maint’nant ! Dans la salle du trône.
Hilda se tenait devant le trône, droite, et digne. Sa mine sévère aurait presque fait oublier qu’elle n’avait pas dix ans.
— Bien, dit le responsable des finances.
C’était un gros bonhomme à la veste rouge et bleue, barbiche grisonnante et petites lunettes rondes. Il travaillait toute la journée, et Hilda ne le voyait presque jamais.
— Il faut choisir votre conseiller, alors.
C’est à ce moment que Yuga entra, haletant, sa cape lavande flottant derrière lui.
— Excusez mon retard, Votre Grâce !
Toutes les têtes de l’assemblée se tournèrent vers le retardataire. L’arrivée de Yuga était un soulagement pour la princesse.
— Et bien, je… hésita Hilda. Je choisis… euh… Yuga !
L’intéressé fit un bond, tout comme responsable des finances. L’ami de la princesse n’était pas très populaire parmi le personnel du château.
— Moi, conseiller ? s’étonna Yuga. Mais enfin, Votre Grâce…
— Quoi ? Je ne vois pas qui d’autre pourrait m’aider à diriger ce royaume. Tu ne veux pas prendre ce poste ?
— Si, si. D’accord, Votre Grâce.
— Alors, qu’il en soit ainsi ! dit le responsable avec cérémonie. Le bal commencera dans une heure.
— Le bal ? Quel bal ? demanda Hilda.
— Le bal pour fêter sa nomination, enfin ! Cela fait des lustres que notre salle de bal n’a pas servi !
Et la princesse Hilda brisa sa façade sévère en commençant à rebondir de joie.
Le bal battait son plein quand la princesse fit son entrée, plus resplendissante que jamais dans sa robe lilas vaporeuse. À son cou et ses poignets brillaient de l’or, des améthystes et des rubis. En entendant le bruit de ses chaussures sur les pavés de marbre gris, Yuga se retourna.
— Vous êtes superbe, Votre Grâce.
Hilda sourit en retour. Ce n’était pas ce sourire digne et pincé, non, c’était un sourire franc et joyeux, qui la transformait en petit soleil.
— Ravie de te l’entendre dire !
La petite princesse tourna sur elle-même, puis esquissa une révérence, transformant les froufrous de sa robe en vagues de tulle et de satin.
— Superbe, oui. Et moi ? Qu’en pensez-vous ?
Hilda prit un instant pour observer la tenue de son ami. Le moins qu’on pouvait dire, c’est que Yuga était un excentrique. Il avait choisi pour l’occasion une tunique noire ample, à laquelle il avait assorti l’un de ses éternels pantalons rayés bouffants. Une cape violet pâle doublée de tissu rouge complétait l’ensemble.
— C’est pas mal… dit Hilda.
— Oh, Votre Grâce, je sais ce que vous pensez.
— Et qu’est-ce que je pense ?
— Eh bien, que je suis le portrait de la per-fec-tion !
Les deux amis pouffèrent.
— Yuga ! le tança la princesse.
— Vous avez raison, Votre Grâce, je ne peux pas rivaliser avec votre beauté. Excusez mon impertinence.
En guise de réponse, Hilda loucha d’une superbe façon, les mains pressées sur ses joues.
Yuga n’aimait pas les bals. Trop de bruit, trop de monde. Il aurait préféré se retrouver seul avec lui-même dans la salle d’arts du château.
— Euh… Monsieur ?
Il tourna la tête et vit une petite femme aux longues mèches blondes qui tirait sur sa manche.
— Il est l’heure de trinquer.
Elle le traîna jusqu’à la table, où tous les convives attendaient, un verre à la main. Un serviteur passa avec un plateau d’argent et une bouteille de vin. Yuga tenta de refuser, mais comprit vite aux regards désapprobateurs de l’assemblée qu’il n’avait pas le choix.
Alors il prit un verre et le leva.
— À la princesse Hilda et à son nouveau conseiller ! dirent tous les invités.
Puis Yuga avala la boisson. C’était infâme. Pire que tout ce qu’il avait pu goûter dans sa vie, y compris le sirop contre la toux.
Ce goût horrible fut son dernier souvenir de la soirée.
"""Yuga a une tolérance à l'alcool ridiculement basse, surtout pour un descendant Gerudo. Une petite coupe de vin suffit à le faire chanceler. Je pense qu'il va profiter de son poste de conseiller pour faire ce qu'il voulait faire depuis longtemps. Il a gardé rancune pendant dix ans, maintenant, il est trop tard. Petite anecdote : le responsable des finances s'appelle Archibald."""
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